Chapitre 2 : La réponse du gouvernement a l'ingérence étrangère — Introduction
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement : Rapport annuel 2019
Introduction
106. Pendant près de 20 ans, avec raison, le gouvernement s'est occupé du terrorisme comme la plus grosse menace envers la sécurité publique. Même si cette menace persiste, le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a récemment désigné l'ingérence et l'espionnage étranger comme la plus grande menace à l'égard de la prospérité et des intérêts nationaux du Canada. Il a déclaré « les activités de pays hostiles peuvent avoir un effet corrosif sur nos systèmes démocratiques et nos institutions Note de bas de page 1 . »
107. Les pays étrangers tentent d'influencer le Canada, ses prises de décisions et sa population au moyen d'activités qui peuvent aller de formes de conduite diplomatique évidentes et souvent amicales d'un côté, à des actions secrètes et hostiles de l'autre. La Loi sur le SCRS fait une distinction entre les comportements acceptables et inacceptables des pays étrangers, en définissant l'influence étrangère comme des activités qui « sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d'une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ». Le terme « influence étrangère » est également employé dans d'autres lois, notamment dans la Loi sur la protection d'information ayant trait à la sécurité du Canada. Cela dit, « ingérence étrangère » est devenu un terme courant au Canada et parmi ses alliés pour mieux distinguer les pratiques diplomatiques acceptables des pratiques hostiles ou illégales. Dans le présent rapport, nous utilisons le terme « ingérence étrangère », mais nous précisons que sa définition est identique à celle de « influence étrangère » de la Loi sur le SCRS.
108. Les activités d'ingérence étrangère peuvent comprendre des moyens trompeurs pour [traduction] « cultiver des relations avec les représentants élus et d'autres personnes perçues comme ayant une influence dans le processus politique; chercher à influencer les reportages dans les médias canadiens; chercher, dans certains cas, à influencer le résultat des élections; et contraindre ou amener les communautés de la diaspora à faire avancer les intérêts étrangers au Canada Note de bas de page 2 . » L'ingérence étrangère a de multiples conséquences, dont celles de saper ce qui suit :
- les droits démocratiques et les libertés fondamentales des Canadiens;
- l'équité et l'ouverture des institutions publiques du Canada;
- la capacité des Canadiens de prendre des décisions éclairées et de participer aux débats publics;
- l'intégrité et la crédibilité du processus parlementaire du Canada;
- la confiance du public envers les décisions de politiques publiques qui sont prises par le gouvernement en place Note de bas de page 3 .
109. Malgré toute l'attention accordée par les médias à l'utilisation des cybermoyens comme forme d'ingérence étrangère, [***l'ingérence étrangère par l'entremise d'interactions de personne à personne demeure une pratique commune ***] Note de bas de page 4 , une activité que le Comité caractérise comme de l'ingérence étrangère traditionnelle. En tant que société multiculturelle dotée d'un système démocratique ouvert, le Canada est vulnérable aux acteurs étrangers qui cherche nt à s'immiscer dans ses processus politiques et économiques. Comme nous le démontrerons du début à la fin du rapport, les pays étrangers exploitent ou menacent les droits et les libertés qui sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, à savoir la liberté de conscience et de religion, la liberté de pensée et d'expression, la liberté de la presse, la liberté d'association, les droits démocratiques, la liberté de circulation, la sécurité de sa personne et la primauté du droit. En bref, l'ingérence étrangère menace les valeurs fondamentales de notre pays. Dans de nombreux cas, les pays étrangers ciblent les communautés canadiennes, particulièrement la diaspora ou les communautés ethnoculturelles, pour influencer la position du gouvernement du Canada au pays et sur la scène internationale, sur des questions politiques, économiques ou sociales. Le présent rapport met en évidence que certains pays étrangers [traduction] « menacent de compromettre la souveraineté canadienne quand ils jugent que leurs intérêts diffèrent de ceux du Canada Note de bas de page 5 . »
110. Les alliés du Canada ont ciblé l'ingérence étrangère comme une menace importante et ont entrepris diverses contre-mesures. Notamment, cette question fait l'objet de débats publics et de recherches universitaires appréciables en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. En comparaison, cette question attire peu d'attention des médias et du milieu universitaire, et ne fait pas partie du discours public général au Canada.
111. Ce manque d'attention peut mener à croire que l'ingérence étrangère ne constitue pas un problème substantiel au Canada. Par exemple, dans son examen de l'ingérence étrangère exercée par la République populaire de Chine, le Hoover lnstitute des États-Unis a déclaré dans un rapport de 2018 que [traduction] « L'expérience canadienne à l'égard de l'ingérence chinoise est moins intense que celle rapportée en Australie et en Nouvelle-Zélande. » Il note également que [traduction] « Ottawa est d'avis que la Chine tente vraiment d'influencer l'opinion canadienne et les décideurs politiques, mais ne réussit pas guère pour l'instant Note de bas de page 6 . »
112. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit une évaluation du SCRS. ***] Note de bas de page 7 *** Note de bas de page 8
113. Les activités d'ingérence étrangère menacent surtout les fondements de la démocratie canadienne. Ces fondements incluent [traduction] « des médias indépendants qui suivent les règles de l'éthique journalistique et des responsabilités éditoriales; une société civile habilitée et protégée; de l'éducation civique pour des citoyens résilients Note de bas de page 9 . » Ces institutions et ces principes fondamentaux appuient un gouvernement efficace, responsable et transparent, mais constituent également des vulnérabilités par lesquelles les pays étrangers peuvent chercher à interférer de manière insidieuse et inappropriée au Canada.