Chapitre 3 : Les activités de l'Agence des services frontaliers du Canada relatives a la sécurité nationaleet au renseigneme — Structure des pouvoirs lies aux activités relatives a la sécurité nationale et au renseignement
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement : Rapport annuel 2019
Structure des pouvoirs lies aux activités relatives a la sécurité nationale et au renseignement
324. L’ASFC assure et contrôle l'application de plus de 90 lois, règlements et accords internationaux au nom d'autres ministères et organismes fédéraux, des provinces et des territoires Note de bas de page 27 . Pour désigner cet ensemble de lois et de règlements, on utilise le terme « législation frontalière » de L’ASFC. La Loi sur L’ASFC, la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) sont les textes les plus pertinents pour examiner les activités de L’ASFC relatives à la sécurité nationale et au renseignement. Afin de s'acquitter des obligations que lui impose la législation frontalière, L’ASFC a recours à plusieurs programmes et activités opérationnels, qui comportent cinq aspects particulièrement sensibles : le ciblage, la surveillance secrète, le recours à des sources humaines confidentielles, les avis de surveillance et la participation de L’ASFC à des opérations policières conjointes. Chacune de ses activités sera étudiée plus loin.
325. La législation ne donne pas explicitement à l’ASFC l'autorisation d'exercer ces activités sensibles en matière de sécurité nationale et de renseignement. Son pouvoir découle plutôt de sa mission de contrôle d'application de la législation frontalière, ce qui correspond aux principes de la Loi d'interprétation. En bref, pour que L’ASFC soit en mesure d'appliquer et de contrôler l'application de la législation frontalière, elle doit pouvoir enquêter sur des infractions présumées à ces dispositions législatives. En outre, le pouvoir qu'a L’ASFC d'exercer certaines activités comme la surveillance secrète ou le recours à des sources humaines confidentielles, est aussi issu des pouvoirs rattachés au maintien de l'ordre et de ceux qui découlent de la common law, confirmés par un nombre important de décisions jurisprudentielles (voir les paragraphes 331 et 332). Quelles que soient les circonstances, les activités de L’ASFC doivent avoir un lien direct avec sa mission et la législation frontalière Note de bas de page 28 .
La Loi sur I'Agence des services frontaliers du Canada
326. La Loi sur l’ASFC constitue l’ASFC et définit sa mission. Il est important de souligner que la Loi ne donne pas de liste d'activités d'exécution de la loi que les agents de l’ASFC sont autorisés à exercer. Elle confie à l’ASFC la mission de fournir des services frontaliers intégrés :
- contribuant à la mise en œuvre des priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique;
- facilitant le libre mouvement des personnes et des biens - y compris les animaux et les végétaux - qui respectent toutes les exigences imposées sous le régime de la législation frontalière Note de bas de page 29 .
La Loi autorise l’ASFC à assurer et à contrôler l'application de sa législation frontalière, notamment la Loi sur les douanes et la LIPR Note de bas de page 30 .
La Loi sur les douanes
327. Comme la LIPR, la Loi sur les douanes fait partie des principaux textes législatifs dont L’ASFC assure et contrôle l'application. La Loi sur les douanes établit le pouvoir de contrôler l'importation et l'exportation de marchandises et permet aux agents de l’ASFC d'examiner, de retenir ou de saisir les marchandises en cas de non-conformité. La Loi sur les douanes confère à L’ASFC le pouvoir de poser des questions aux personnes qui arrivent au Canada ou en sortent et de les fouiller, de fouiller des particuliers et des moyens de transport, de détenir des personnes et d'obliger les fournisseurs de services de voyage à communiquer les données d'information préalable sur chacun des passagers d'un vol, avant l'arrivée au Canada Note de bas de page 31
La Loi sur I'immigration et Ia protection des réfugiés
328. Le ministre de la Sécurité publiques et de la Protection civile et celui de l'immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté se partagent les responsabilités d'application et de contrôle d'application de la LIPR, et certaines responsabilités sont confiées à la ministre de l'Emploi et du Développement social et au ministre de la Justice. La LIPR confère aux agents de l’ASFC le pouvoir de prendre des décisions concernant l'admissibilité des personnes qui demandent à entrer au Canada, et de monter à bord et d'effectuer une vérification de tout moyen de transport qui arrive au Canada Note de bas de page 32 .
329. L’ASFC a la responsabilité de déterminer l'admissibilité en vertu du pouvoir que confère la LIPR au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile Note de bas de page 33 . Par exemple, en ce qui concerne la sécurité nationale, une personne peut être interdite de territoire :
- pour raison de sécurité, si elle est l'auteur, ou membre d'un groupe qui est l'auteur, de tout acte d'espionnage, de subversion ou de terrorisme, si elle constitue un danger pour la sécurité du Canada ou si elle est l'auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d'autrui au Canada Note de bas de page 34 ;
- pour atteinte aux droits humains ou internationaux, si elle a commis un crime de guerre, un génocide ou un crime contre l'humanité hors du Canada; si elle occupe un poste de rang supérieur au sein d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l'humanité ou un crime de guerre Note de bas de page 35 ;
- pour criminalité organisée, si elle est membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle s'est livrée à des activités de criminalité organisée ou agit en vue de la perpétration, hors du Canada, d'une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou si elle s'est livrée à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité Note de bas de page 36 .
330. La LIPR autorise également les agents de l’ASFC à lancer un mandat pour l'arrestation et la détention du résident permanent ou de l'étranger dont il a des motifs raisonnables de croire qu'il est interdit de territoire et qu'il constitue un danger pour la sécurité publique ou qu'il risque de s'enfuir. Toutefois, les agents n'ont pas toujours besoin d'un mandat. Plus particulièrement, un agent peut arrêter et détenir un étranger à l'entrée si son identité ne lui a pas été prouvée, s'il estime nécessaire que soit complété le contrôle ou s'il a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour grande criminalité ou criminalité organisée Note de bas de page 37 .
La Loi d'interprétation
331. L’ASFC a affirmé que la Loi d'interprétation est la principale autorité habilitante pour l'exercice de ses activités relatives à la sécurité nationale et au renseignement Note de bas de page 38 . En effet, aux termes de la Loi d'interprétation, « [l]e pouvoir donné à quiconque, notamment à un agent ou fonctionnaire, de prendre des mesures ou de les faire exécuter comporte les pouvoirs nécessaires à l'exercice de celui-ci Note de bas de page 39 . » Dans le cas de L’ASFC, cela signifie que, puisque la Loi sur L’ASFC accorde à L’ASFC le pouvoir d'appliquer et de contrôler l'application de sa législation frontalière, la Loi d'interprétation lui donne le pouvoir d'exercer d'autres activités, comme le ciblage fondé sur des scénarios, qui appuient la réalisation de sa mission.
332. [***Le paragraphe a été revu pour supprimer de l'information préjudiciable ou privilégiée. Il indique que les agents de L’ASFC ont le devoir d'appliquer certaines lois, et doivent, pour cette raison, disposer des outils dont ils ont besoin pour détecter les transgressions à ces lois. Comme l'a établi la Cour fédérale en 1992, ce pouvoir, qui découle d’« un principe bien établi en common law [codifié au paragraphe 31(2) de la Loi d'interprétation, et selon lequel] [traduction] "[l]es pouvoirs que confère une loi habilitante comprennent non seulement ceux qui sont expressément accordés mais également, par déduction, tous les pouvoirs qui sont raisonnablement nécessaires à la réalisation de l'objectif visé" Note de bas de page 40 . » ***]
Autres lois
333. De plus, L’ASFC assure et contrôle l'application d'un certain nombre d'autres lois, règlements et accords dont un élément est lié à la sécurité nationale ou au renseignement; notamment :
- la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes : Du point de vue de la sécurité nationale, le signalement par L’ASFC de la circulation transfrontalière des espèces et effets, des confiscations et des saisies renforce la capacité de détection, de prévention et de dissuasion en matière de financement des activités terroristes du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE).
- la législation relative au contrôle de l'exportation et de l'importation : La Loi sur les licences d'exportation et d'importation, la Loi sur les douanes, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et la Loi sur les mesures économiques spéciales encadrent le rôle que joue L’ASFC dans les efforts déployés au Canada pour lutter contre la prolifération de marchandises à double usage et d'armes de destruction massive.
- la Loi sur les Nations Unies : Lorsque les Nation Unies (par l'intermédiaire du Conseil de Sécurité) adopte des mesures (par exemple des sanctions) comme l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales ou d'autres moyens de communication, L’ASFC travaille en collaboration avec la GRC à l'application des règlements entrés en vigueur au titre de la Loi sur les Nations Unies Note de bas de page 41 .