Les cinq premières années du Comité (de 2017 à 2022)
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement : Rapport annuel 2022
Renforcer l’efficacité et la responsabilisation de l’appareil de la sécurité et du renseignement
2. Le Comité a été créé lors de l’entrée en vigueur de la Loi sur le CPSNR, le 6 octobre 2017. Note de bas de page 1 À l’instar de ses alliés les plus proches, le Canada a créé un comité de parlementaires provenant de tous les partis politiques et des deux Chambres du Parlement, autorisé à consulter des renseignements très secret et de nature délicate, avec le mandat de mener des examens approfondis des cadres et des activités de sécurité nationale et de renseignement dans l’ensemble du gouvernement.
3. Le mandat légal du Comité est d’examiner :
- les cadres législatif, réglementaire, stratégique, financier et administratif de la sécurité nationale et du renseignement (examens du cadre);
- les activités des ministères liées à la sécurité nationale ou au renseignement (examens des activités);
- toute question liée à la sécurité nationale ou au renseignement dont il est saisi par un ministre (examens des questions).
4. Constitué pour la première fois en décembre 2017, le Comité a commencé l’année 2018 par des visites sur place et des séances d’information dans chacun des principaux ministères responsables de la sécurité nationale et du renseignement afin d’en apprendre davantage sur les menaces pour la sécurité du Canada et sur le rôle que chaque ministère joue dans la lutte contre ces menaces. Le Comité a également rencontré le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, le Bureau du vérificateur général du Canada, le Commissaire au renseignement (CR) et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) lors de leur création, des universitaires, des experts et plusieurs groupes de défense des libertés civiles sur l’interaction entre les droits de la personne et la sécurité.
5. Toujours en 2018, le Comité a défini ses critères pour déterminer les activités de sécurité ou de renseignement à examiner. Pour que le Comité envisage un examen, l’activité doit se rapporter à un membre principal de l’appareil de la sécurité et du renseignement. En ce qui concerne les questions de sécurité nationale, l’activité doit également être liée à des menaces envers la sécurité du Canada, comme elles sont définies dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, ou à des activités criminelles de portée et de gravité nationales. Pour les questions de renseignement, l’activité doit comporter l’utilisation de sources ou de méthodes clandestines, secrètes ou privilégiées. Le Comité a également établi une liste d’autres facteurs à prendre en considération, notamment si l’organisation ou l’activité a déjà fait l’objet d’un examen et si le sujet suscite un grand intérêt de la part du public. Note de bas de page 2
6. Le Comité estime que ses neuf examens des cinq dernières années ont servi trois objectifs principaux. Tout d’abord, les 61 conclusions et 29 recommandations du Comité visaient à renforcer l’efficacité et la responsabilisation des nombreux ministères et organismes qui composent l’appareil de la sécurité et du renseignement. Ensuite, les versions révisées des rapports du Comité, qui sont déposées au Parlement et publiées sur le site Web du Comité, ont amélioré la transparence en informant les parlementaires et le public au sujet des activités du gouvernement en matière de sécurité et de renseignement. Enfin, les rapports du Comité et la participation des intervenants ont éclairé le débat démocratique sur la sécurité nationale et le renseignement ainsi que sur nos droits et libertés. Le Comité remercie ses collègues du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes et du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, ainsi que le milieu universitaire pour leur participation à l’élaboration de ses rapports.
7. L’un des premiers examens du Comité, qui portait sur le processus d’établissement des priorités du gouvernement en matière de renseignement, illustre les trois principaux objectifs du Comité. Les recommandations du Comité visaient à améliorer le processus d’établissement des priorités en matière de renseignement, la coordination et la production de rapports sur les résultats. L’examen a été effectué dans un souci de transparence; il a fourni aux parlementaires et aux Canadiens des renseignements inédits sur un processus auquel participent tous les principaux membres de l’appareil de la sécurité et du renseignement. L’examen a également renforcé la responsabilisation dans un domaine d’activité à risque élevé en raison de sa nature délicate et de son incidence potentielle sur les droits des Canadiens. Cet examen n’est qu’un exemple de la manière dont un comité de parlementaires ayant une habilitation de sécurité a renforcé les opérations et la responsabilisation d’une activité de sécurité et de renseignement d’importance stratégique. Note de bas de page 3
Difficultés à obtenir des renseignements pertinents
8. Le Comité a pour mandat général d’accroître la responsabilisation de l’appareil de la sécurité et du renseignement. Il ne peut s’acquitter de son mandat que s’il dispose d’un vaste accès aux renseignements pertinents.
Le Comité a rencontré des difficultés pour obtenir les renseignements auxquels il a droit en vertu de la loi.
9. Lors de la création du Comité, seuls le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) faisaient l’objet d’un examen par des organismes d’examen indépendants. Les ministères qui étaient novices en matière d’examen de la sécurité nationale et du renseignement ont réagi de diverses manières. Certains ont immédiatement établi un niveau élevé d’engagement avec le Comité, tandis que d’autres ont eu besoin de plus de temps pour être en mesure de fournir au Comité des renseignements complets et en temps opportun.
10. Bien que certains membres de l’appareil de la sécurité et du renseignement aient pu craindre de fournir des renseignements très secret à un comité de parlementaires, le Comité a toujours cru qu’il était dans l’intérêt des organismes d’être francs avec lui. Pour sa part, l’approche du Comité a toujours été de bâtir la confiance et de maintenir un dialogue ouvert avec les ministères et les organismes en cours d’examen, sans compromettre son indépendance. Le Comité a été encouragé lorsque le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre a créé une unité de liaison pour les examens au sein du Bureau du Conseil privé (BCP) afin de coordonner la réponse et les activités liées aux examens dans l’ensemble du gouvernement. La plupart des ministères et organismes ont maintenant établi des unités de liaison qui servent de point de contact central pour le Comité. Néanmoins, des défis subsistent.
11. Selon la Loi sur le CPSNR, le Comité a « un droit d’accès aux renseignements qui sont liés à l’exercice de son mandat et qui relèvent d’un ministère ». Ce droit comporte quelques petites exceptions qui sont expressément énoncées dans la Loi. Au cours des cinq dernières années, le Comité a toutefois rencontré des difficultés pour obtenir les renseignements auxquels il a droit en vertu de la loi. Premièrement, plusieurs ministères ont invoqué des raisons autres que les exceptions prévues par la loi pour justifier leur refus de fournir les renseignements demandés, par exemple en prétendant de manière inappropriée que des courriels, des ébauches de politiques ou des études ministérielles pertinents ne devraient pas être fournis au Comité.
12. Deuxièmement, certains ministères ont refusé de façon sélective de fournir des renseignements, même si ceux-ci faisaient partie d’une demande d’information du Comité. Dans plusieurs cas, le Comité a pris connaissance de l’information plus tard ou au moyen d’autres sources, comme des reportages dans les médias fondés sur l’information divulguée par ces mêmes ministères en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Il s’agit d’un problème important, car le Comité ne sait pas quels renseignements sont retenus, ce qui pourrait nuire à sa capacité de remplir son mandat.
13. Troisièmement, le Comité est préoccupé par le fait que les ministères appliquent une interprétation trop large de ce qui constitue des renseignements confidentiels du Cabinet, l’une des quatre restrictions législatives au droit d’accès aux renseignements du Comité. Par exemple, lors de l’examen des activités de sécurité nationale et de renseignement d’Affaires mondiales Canada (AMC), les renseignements que les ministères affirmaient être des renseignements confidentiels du Cabinet se sont révélés avoir déjà été rendus publics ou faisaient simplement partie d’une séance d’information donnée à un ministre par son administrateur général (mais pas de conseils stratégiques au Cabinet ou à un comité du Cabinet). Dans chaque cas, le Comité a soutenu que l’affirmation était inappropriée et, à une exception près, les ministères étaient d’accord. Comme le Comité l’a écrit au premier ministre en juin 2022, le mandat du Comité vise principalement à accroître la responsabilisation du gouvernement quant à ses activités liées à la sécurité nationale et au renseignement. Note de bas de page 4 Si les ministères continuent d’interpréter largement la définition des renseignements confidentiels du Cabinet pour retenir des renseignements et qu’ils ne sont pas tenus d’informer le Comité des renseignements pertinents qui ont été retenus et des raisons pour lesquelles ils l’ont été, cela risque de compromettre la capacité du Comité d’examiner, de façon transparente et exhaustive, les cadres de gouvernance sur lesquels repose la responsabilisation ministérielle.
Domaines visés par une réforme législative
14. Entre 2017 et 2019, le Parlement a adopté des lois qui ont créé trois nouveaux organismes ayant pour mandat d’examiner les organismes de sécurité nationale et de renseignement ou d’assurer la surveillance de certaines activités, soit le Comité, l'OSSNR et le commissaire au renseignement. Conformément aux dispositions de la Loi sur le CPSNR et de la Loi de 2017 sur la sécurité nationale, cette dernière ayant créé l'OSSNR et le CR, le Parlement est tenu de réaliser « un examen approfondi de ses dispositions et de son application » des deux lois. Note de bas de page 5
15. Le Comité peut faire des recommandations précises sur la réforme de la Loi sur le CPSNR au comité parlementaire désigné en temps opportun. En l’occurrence, il soulève deux grands thèmes à soumettre à l’examen du gouvernement.
16. Premièrement, les réformes de la Loi sur le CPSNR devraient améliorer l’accès du Comité à l’information et sa capacité d’échanger de l’information avec d’autres organismes d’examen. Dans nos rapports, y compris celui-ci, nous avons décrit certains des défis que le Comité a dû relever depuis sa création pour obtenir de l’information. La Loi pourrait être modifiée pour régler ces problèmes. Deuxièmement, les réformes de la Loi sur le CPSNR devraient accroître l’indépendance et l’efficacité du Comité. La Loi pourrait être modifiée pour tenir compte de l’évolution des pouvoirs de l’homologue du Comité au Royaume-Uni, l’Intelligence and Security Committee.
17. Le Comité espère vivement obtenir une résolution rapide des défis auxquels il est confronté, éclairer l’examen de la Loi sur le CPSNR par le Parlement, recevoir une réponse du gouvernement à toutes ses recommandations passées et futures, et poursuivre son programme d’examen.