Chapitre 1 : Examen au Canada et mandat du Comité
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement — Rapport annuel 2018

Qu'est-ce qu'un examen et qui les réalise au Canada?

8. Les examens des activités de la sécurité et du renseignement jouent un rôle crucial dans la démocratie parlementaire. Par définition, les organisations de la sécurité et du renseignement doivent parfois mener leurs opérations secrètement afin de protéger leurs sources et les méthodes qu'elles utilisent pour recueillir des renseignements et exercer leurs mandats. Elles possèdent également des pouvoirs légaux qui peuvent avoir effet sur les droits civils et le droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. Il est donc primordial que des mécanismes soient en place pour veiller à ce qu'elles mènent leurs activités efficacement et conformément à la loi. Le Parlement joue un rôle constitutif, c'est-à-dire qu'il établit un cadre légal régissant le travail des organisations de la sécurité et du renseignement. Les ministres sont responsables de la surveillance de ces organisations, notamment de la mise en œuvre de politiques et de projets, de l'autorisation de certaines activités et de l'élaboration de propositions visant à faire avancer le programme du gouvernement et à s'attaquer aux obstacles. Les organismes d'examen spécialisés sont responsables de l'examen rétrospectif de la conformité d'un organisme aux lois et aux instructions ministérielles et des enquêtes sur les plaintes du public. Les tribunaux jouent également un rôle, puisqu'ils décernent des mandats judiciaires et déterminent la légalité des enquêtes par l'entremise de procédures judiciaires.

9. Par le passé, l'examen spécialisé au Canada était axé sur des organismes précis. À l'heure actuelle, trois organismes d'examen jouent ce rôle :

  • Le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (CSARS) est un organisme d'examen externe indépendant qui fait rapport sur le rendement et les opérations du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et fait enquête sur les plaintes du public Note de bas de page 2 . Le CSARS et le SCRS ont tous deux été fondés en 1984 en vertu de la Loi sur le SCRS suivant les recommandations présentées par la Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (la Commission McDonald).
  • Le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (BCCST) a d'abord été créé en 1996 en application de la Partie Il de la Loi sur les enquêtes afin d'examiner la légalité du travail accompli par le Centre de la sécurité des télécommunications (CST). À l'automne 2001, le Parlement a adopté la Loi antiterroriste, qui a codifié officiellement le CST et le BCCST dans la Loi sur la défense nationale. Le BCCST réalise des examens externes et indépendants des activités du CST afin de déterminer si elles respectent la loi et si des mesures satisfaisantes sont en place en vue de protéger la vie privée des Canadiennes et des Canadiens et fait enquête sur les plaintes Note de bas de page 3
  • Distincte et indépendante de la GRC, la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC est un organisme qui examine des activités déterminées pour vérifier le respect de la loi, reçoit les plaintes du public relatives à la conduite des membres de la GRC, réalise des examens lorsque les plaignants ne sont pas satisfaits quant au traitement de leur plainte par la GRC et entame des recours et des enquêtes sur la conduite de la GRC Note de bas de page 4 . Ses pouvoirs ont été élargis en 2013 lorsqu'elle a remplacé la Commission des plaintes du public contre la GRC.

10. Ensemble, ces organismes d'examen sont dotés d'experts diversifiés qui ont accès aux informations, aux opérations et au personnel des organismes qu'ils surveillent, à quelques exceptions près. Au fil du temps, leurs rapports et recommandations ont aidé le SCRS, le CST et la GRC à améliorer leurs opérations, ont rassuré les Canadiennes et les Canadiens quant à la conformité à la loi des activités des organismes en question et ont relevé des points à examiner pour les ministres ou le Parlement. Au cours de ses 30 années d'existence, le CSARS a notamment acquis un savoir-faire et des connaissances sur le SCRS et ses opérations, qui ont renforcé la responsabilisation en matière de la sécurité nationale au Canada.

11. Outre les organismes d'examen spécialisés, d'autres organisations fédérales sont habilitées à examiner les organismes de la sécurité et du renseignement au Canada. En application des responsabilités et des obligations de l'organe législatif du gouvernement, les comités permanents du Parlement sont autorisés à examiner les politiques, les programmes et les plans de dépenses des ministères et organismes gouvernementaux. Toutefois, ces comités n'effectuent pas d'examens systématiques ou spécialisés de l'appareil de la sécurité et du renseignement, et les membres des comités permanents du Parlement ne possèdent pas non plus l'habilitation de sécurité nécessaire pour examiner les renseignements classifiés.

12. Les agents du Parlement mènent également des examens des ministères et organisations fédéraux. Par exemple, le Bureau du vérificateur général {BVG) effectue des vérifications financières et de gestion de quelque 100 ministères et organisations, 40 sociétés d'État, des gouvernements territoriaux et de nombreuses sociétés territoriales sur un large éventail d'activités gouvernementales Note de bas de page 5 . De même, le commissaire à la protection de la vie privée mène des vérifications d'institutions fédérales assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels afin de protéger et de promouvoir le droit à la vie privée des gens Note de bas de page 6 . Ces organisations réalisent des vérifications des membres de l'appareil de la sécurité et du renseignement, mais l'étendue de leur responsabilité est très large et leurs examens portent sur des points relativement spécialisés de leur mandat.

13. Au-delà de ces structures permanentes, la Loi sur les enquêtes définit aussi un cadre légal qui permet au gouvernement de réaliser un examen sur un événement en particulier, une question ou un ministère. Le gouvernement peut habiliter un commissaire à examiner toute question liée au bon gouvernement du Canada en vue d'une enquête publique réalisée au titre de la Partie I de la Loi. Pour ce qui est des enquêtes ministérielles réalisées au titre de la Partie Il, le ministre chargé d'un ministère de l'administration publique fédérale peut, avec l'autorisation du gouverneur en conseil, nommer un commissaire pour faire enquête et rapport sur toute question touchant l'état et l'administration des affaires de son ministère. Les dernières enquêtes marquantes sur les activités de l'appareil de la sécurité et du renseignement canadien ont été réalisées au titre de cette Loi au milieu des années 2000, notamment les suivantes

  • En 2006, la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar (la Commission O'Connor) a examiné la mesure dans laquelle les actions des responsables canadiens ont contribué à l'arrestation, au transfèrement extrajudiciaire, puis à la torture de M. Arar en Syrie. Dans son enquête sur les faits, le juge O'Connor a fourni des recommandations centrées sur les actions des responsables canadiens. Dans son examen des politiques, la Commission a recommandé la mise en place d'un mécanisme d'examen indépendant sur les activités de la sécurité nationale de la GRC et de mécanismes d'examen pour d'autres ministères.
  • En octobre 2008, le juge Iacobucci a publié un rapport sur l'enquête interne sur les actions des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin. Bien que l'enquête n'ait pas abouti à des recommandations, le juge Iacobucci a souligné que les activités de la GRC et du SCRS avaient indirectement contribué à la détention et au mauvais traitement des trois personnes par les responsables syriens et égyptiens.
  • En 2010, l'honorable John Major a achevé les travaux de la Commission d'enquête relative aux mesures d'investigation prises à la suite de l'attentat à la bombe commis contre le vol 182 d'Air India (la Commission Major). Ses principales recommandations visaient à renforcer le rôle du conseiller à la sécurité nationale, à améliorer l'échange de renseignements entre les organisations et à moderniser la Loi sur Je SCRS.

Quel était l'élément manquant?

14. L'examen au Canada était auparavant centré sur des organisations précises et ne portait pas sur des questions plus larges. L'appareil de l'examen spécialisé au Canada se penchait exclusivement sur les activités précises du SCRS, du CST et de la GRC. Aucun organisme n'avait l'autorité, le mandat ou la capacité de suivre les traces d'une activité ou d'enquêter sur un dossier au sein de ces organisations ou même de l'ensemble du gouvernement fédéral jusqu'aux autres organisations dotées de responsabilités liées au renseignement et à la sécurité. Alors que les diverses organisations de la sécurité et du renseignement forment une communauté au sein de la bureaucratie fédérale, aucune fonction d'examen équivalente n'était en place pour examiner les questions ou les fonctions dans une optique interministérielle. De plus, les organismes d'examen spécialisés examinaient principalement la légalité des activités, mais ne pouvaient pas mener d'examen stratégique ou de la structure de l'appareil de la sécurité et du renseignement dans son ensemble.

15. L'examen ne comptait aucune entité parlementaire spécialisée ou d'ensemble de parlementaires. D'un point de vue international, les plus proches alliés du Canada possèdent depuis longtemps des organismes d'examen parlementaire ou législatif pour leurs organisations respectives de sécurité et de renseignement. En France, la Délégation parlementaire au renseignement est un comité bicaméral composé de huit membres responsables de surveiller les agences françaises de renseignement et de sécurité. Elle peut entendre des témoignages du premier ministre, des ministres et des dirigeants d'organisations, est habilitée à recevoir des renseignements classifiés et doit rédiger un rapport annuel sur ses activités et y présenter des observations et des recommandations. Dans les démocraties reposant sur le modèle britannique, ces organismes d'examen exercent un mandat limité. Par exemple, le Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité du Royaume-Uni est autorisé à examiner trois organismes: le Service de sécurité (MIS), le Service secret du renseignement (M16) et le Quartier général des communications du gouvernement britannique (GCHQ). Tout examen qui ne porte pas sur ces organismes nécessite un protocole d'entente entre le comité et le premier ministre. En Australie, le Comité parlementaire mixte sur le renseignement et la sécurité peut examiner l'administration et les dépenses de certaines organisations et les fonctions des activités de la Police fédérale australienne en matière de terrorisme. Ce comité australien effectue aussi des examens de certains projets de lois. En Nouvelle-Zélande, le premier ministre préside le Comité sur la sécurité et le renseignement, qui examine les politiques, l'administration et les dépenses de chacune des organisations de la sécurité et du renseignement. Il peut également examiner les lois soumises par la Chambre des représentants. Le rôle des organismes législatifs aux États-Unis est considérablement différent des fonctions de responsabilisation et d'examen du modèle britannique. Par exemple, le Comité de la Chambre des représentants sur le renseignement assure la surveillance de l'appareil du renseignement, étudie les activités du renseignement et examine les propositions législatives, tandis que le Comité du Sénat sur le renseignement tient des audiences et effectue des examens sur les activités du renseignement et fournit des niveaux de financement et une surveillance régulière.

Quel est le mandat du Comité et répond-il à certaines des lacunes relatives à l'examen?

16. L'idée d'un examen de la sécurité et du renseignement par un comité de parlementaires a été soulevée à quelques reprises au Canada depuis le début des années 1980. Dans son rapport de 1981, la Commission McDonald avait au départ recommandé la mise en place d'un comité mixte de la sécurité et des renseignements (la recommandation n'a pas été retenue). En 2005, le gouvernement a présenté un projet de loi visant à créer un comité de parlementaires sur la sécurité nationale, mais le projet de loi est mort au feuilleton cinq jours plus tard. L'idée est ensuite réapparue dans des propositions de loi présentées à la Chambre des communes à plusieurs reprises, mais n'a jamais dépassé la première lecture.

17. Le 16 juin 2016, le leader du gouvernement à la Chambre des communes a déposé le projet de loi C-22, Loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et modifiant certaines lois en conséquence. À l'égard des fondements et de la motivation derrière la création du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a dit que le projet était la pierre angulaire de l'approche du gouvernement visant à veiller à ce que le cadre de sécurité nationale du Canada fonctionne de manière efficace pour assurer la sécurité des Canadiens, tout en protégeant nos droits et nos libertés Note de bas de page 7 . Dans son annonce de la nomination des membres du Comité en 2017, le premier ministre a déclaré:

La création d'un comité fort, multipartite, chargé de rendre des comptes et constitué de parlementaires dévoués, nous aidera à veiller à ce que les organismes chargés de notre sécurité nationale assurent la sécurité des Canadiens, tout en protégeant nos valeurs, nos droits et nos libertés. Ce groupe indépendant contribuera à renforcer la reddition des comptes en ce qui concerne nos travaux en matière de sécurité nationale et de renseignement.

Dans notre système de gouvernement responsable, rien de peut se substituer à l'examen approfondi par nos parlementaires Note de bas de page 8 .

18. Le 22 juin 2017, la Loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (Loi sur le CPSNR) a reçu la sanction royale Note de bas de page 9 . Conformément à l'article 8 de la Loi, le Comité a pour large mandat d'examiner:

  • les cadres législatif, réglementaire, stratégique, financier et administratif de la sécurité nationale et du renseignement;
  • les activités des ministères liées à la sécurité nationale ou au renseignement, à moins qu'il ne s'agisse d'opérations en cours et que le ministre compétent ne détermine que l'examen porterait atteinte à la sécurité nationale;
  • toute question liée à la sécurité nationale ou au renseignement dont il est saisi par un ministre.

19. Le 6 novembre 2017, le premier ministre a nommé les 11 premiers membres du Comité et le président. Les membres proviennent des deux chambres du parlement, possèdent les habiletés de sécurité les plus élevées, sont astreints au secret à perpétuité au titre de la Loi sur la protection de l'information et sont assujettis aux exigences de sécurité du règlement du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Les membres prêtent serment ou font la déclaration solennelle qu'ils respecteront et observeront les lois du Canada, ne communiqueront à personne ni n'utiliseront de façon inappropriée des renseignements obtenus à titre confidentiel en leur qualité de membre du Comité et n'invoqueront pas leurs privilèges parlementaires. Ainsi, les membres peuvent participer à des séances d'informations classifiées et recevoir des renseignements classifiés qui ont trait à la conduite des travaux menés par le Comité.

20. La Loi sur le CPSNR confère au Comité un accès aux renseignements important, mais restreint. En application de l'article 13 de la Loi, le Comité a droit à un accès aux renseignements qui sont liés à l'exercice de son mandat et qui relèvent d'un ministère. Ces renseignements comprennent les renseignements protégés par le privilège relatif au litige ou par le secret professionnel de l'avocat. Toutefois, l'article 14 de la Loi cite quatre exceptions relatives au droit d'accès aux renseignements du Comité :

  • les renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine (c'est-à-dire les documents confidentiels du Cabinet);
  • les renseignements visés par le paragraphe 11(1) de la Loi sur le Programme de protection des témoins, particulièrement en ce qui a trait à la communication de renseignements liés à l'identité d'une personne protégée;
  • l'identité d'une source confidentielle d'information, de renseignements ou d'assistance;
  • les renseignements qui ont un lien avec une enquête en cours menée par un organisme chargé de l'application de la loi et pouvant mener à des poursuites.

De plus, les ministres peuvent refuser de fournir au Comité des renseignements parce qu'ils constituent des « renseignements opérationnels spéciaux », tels que définis au paragraphe 8(1) de la Loi sur la protection de l'information, et que la communication des renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale Note de bas de page 10 . Il s'agit notamment de renseignements à l'égard desquels le gouvernement du Canada prend des mesures de protection, de la teneur de plans en vue d'opérations militaires ou l'objet d'une enquête secrète.

21. Les ministres peuvent également déterminer que l'ensemble d'un examen proposé par le Comité vise une enquête en cours et pourrait porter atteinte à la sécurité nationale. Dans ce cas, le ministre doit informer le Comité de sa décision et des motifs de celle-ci. Si, ultérieurement, le ministre détermine que l'examen ne porterait plus atteinte à la sécurité nationale ou que l'activité n'est plus en cours, il doit informer le Comité qu'il peut effectuer l'examen.

22. En application de la Loi sur le CPSNR, le Comité doit présenter un rapport annuel qui comprend les examens effectués dans l'année qui précède le rapport. Le présent rapport contient les conclusions et les recommandations du Comité, ainsi que le nombre de fois où, au cours de l'année précédente, un ministre a déterminé qu'un examen visé par l'alinéa 8(1)b) porterait atteinte à la sécurité nationale ou a refusé de communiquer un renseignement parce que, selon lui, il constituait un renseignement opérationnel spécial ou que sa communication porterait atteinte à la sécurité nationale. De plus, le Comité peut, à tout moment, rédiger un rapport spécial sur toute question liée à son mandat et le présenter au premier ministre. Par exemple, le Comité a produit un rapport spécial sur le voyage en Inde, en février 2018, du premier ministre.

23. Relativement à la présentation de rapports au premier ministre, la Loi sur le CPSNR permet au gouvernement d'empêcher la communication de certains renseignements au public. Le premier ministre peut ordonner au Comité de lui présenter un rapport révisé afin qu'il ne contienne pas de renseignements dont la communication au public porterait atteinte à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales, ou qui sont protégés par le privilège relatif au litige ou par le secret professionnel. La Loi sur la preuve au Canada donne un exemple des critères de chacun de ces éléments. En plus de la jurisprudence et des précédents jurisprudentiels, la Loi sur la preuve au Canada donne un cadre détaillé visant le caviardage de tels renseignements confidentiels.

24. Dans l'exercice de ses responsabilités, le Comité reçoit le soutien de son Secrétariat. Les principales fonctions du Secrétariat sont de veiller à ce que les membres disposent en temps opportun d'un accès aux renseignements classifiés pertinents et à des conseils d'expert relativement à la tenue d'examens et à la rédaction de rapports. Le budget annuel du Secrétariat s'élève environ à 3,5 millions de dollars. Le Secrétariat dispose de fonds pour 10 employés à temps plein qui sont nommés conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Les fonctionnaires du Secrétariat possèdent pour la plupart une expérience dans divers ministères et organismes de l'appareil de la sécurité et du renseignement.

25. Le mandat d'examen du Comité correspond à l'approche actuelle en matière d'examen, mais est sans précédent dans le contexte canadien. Le mandat cadre avec l'examen actuel au Canada en ce sens qu'il s'appuie sur l'analyse des activités des organisations. Il concorde également à l'objectif principal de l'examen, soit d'améliorer le fonctionnement de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Le Comité doit donc relever les lacunes dans la loi, les politiques ou la gouvernance, renforcer la responsabilité ministérielle et améliorer la transparence. Il doit également s'employer à aider les Canadiennes et les Canadiens à mieux comprendre les rôles et les responsabilités des organisations qui le servent et les interactions entre la sécurité et les droits et libertés civiles des Canadiennes et des Canadiens.

26. D'un autre côté, le mandat du Comité est sans précédent, c'est-à-dire qu'il permet aux parlementaires de se pencher sur des questions d'un point de vue pangouvernemental et de formuler des conclusions et des recommandations qui peuvent être avantageuses pour les organisations, améliorer les relations entre les organisations ou renforcer l'appareil de la sécurité et du renseignement dans son ensemble. Le Comité a donc structuré sa propre approche à l'examen en s'appuyant sur le précédent précieux établi par le CSARS et le BCCST, ainsi que sur l'expérience d'organisations homologues pertinentes au sein des proches alliés de l'étranger du Canada Note de bas de page 11 .

Quel est le rôle du Comité et comment mène-t-il ses opérations?

27. Le contexte de la sécurité et du renseignement est en constante évolution. Les organisations doivent répondre au contexte de la menace qui évolue continuellement. Les gouvernements mettent en œuvre des changements législatifs ou des mesures budgétaires afin d'améliorer ou de changer la portée des activités de la sécurité et du renseignement. La jurisprudence fait en sorte que les organisations doivent adapter la façon dont elles mènent leurs opérations respectives. Les organismes d'examen spécialisé formulent des recommandations qui améliorent le travail d'organisations spécifique ainsi que leur conformité à la loi. C'est dans ce contexte que le Comité contribuera à l'évolution des activités de la sécurité et du renseignement au Canada.

28. Le Comité se considère un élément important de la responsabilisation au sein de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Les ministres demeurent toujours responsables des activités des ministères et des organismes de leur portefeuille (leur rôle en est un de surveillance plutôt que d'examen), mais ils tirent avantage d'un examen indépendant pangouvernemental de la sécurité et du renseignement. Le mandat du Comité renforce la responsabilisation, car il permet aux parlementaires d'examiner les activités forcément secrètes de l'État et de tenir le gouvernement responsable des influences réciproques entre la sécurité et les droits des Canadiennes et Canadiens. Le Comité s'attend à ce que son rôle suscitera et maintiendra la confiance du public dans les activités de ses institutions, conformément à la primauté du droit et aux principes d'un gouvernement responsable.

29. Le rôle du Comité est compatible avec celui des trois autres organismes d'examen existants. Son rôle deviendra de plus en plus complémentaire étant donné l'évolution prévue du contexte d'examen au Canada en application des éléments proposés dans le projet de loi C-59, Loi concernant les questions de sécurité nationale. Le projet de loi mettra en place deux nouvelles structures de reddition de compte pour remplacer le CSARS et le BCCST : l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSASNR) et le commissaire au renseignement. En application de la loi proposée:

  • L'OSASNR aurait comme mandat d'examiner les activités menées par le SCRS et le CST , les activités menées par un ministère qui sont liées à la sécurité nationale ou au renseignement et toute question liée à la sécurité nationale ou au renseignement dont il est saisi par un ministre. L'OSASNR ferait également enquête sur les plaintes contre le SCRS, le CST et, s'il est question de sécurité nationale, la GRC. Chaque année civile, l'OSASNR devra examiner au moins un aspect de l'exécution des mesures prises par le SCRS en vue de réduire les menaces envers la sécurité du Canada, la communication d'information au titre de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, et examinerait aussi la mise en œuvre d'éléments importants de toute instruction ministérielle nouvelle ou modifiée. Dans le cadre de ses examens, l'OSASNR peut formuler des conclusions et des recommandations, notamment sur la conformité d'un ministère à la loi et aux instructions ministérielles applicables ainsi que sur le caractère raisonnable et la nécessité d'un ministère d'exercer ses pouvoirs.
  • Le commissaire au renseignement serait chargé d'examiner et d'approuver les autorisations ministérielles de certaines activités menées par le SCRS et le CST , notamment en matière de renseignement étranger, de cybersécurité et d'ensembles de données.

30. Si le projet de loi C-59 est adopté dans sa forme actuelle (en date de décembre 2018), la création de l'OSASNR offrira une meilleure symétrie de l'examen au sein de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Il créera un équilibre entre, d'une part, le vaste cadre d'examen du Comité et l'examen des parlementaires et, d'autre part, les examens relatifs à la conformité et aux activités réalisés par l'OSASNR. Cet organisme d'examen sera outillé pour formuler des constatations et des recommandations à l'échelle des organisations et de l'appareil sur la fonctionnalité, l'efficacité et la légalité. La coordination et la collaboration entre le Comité et l'OSASNR seront cruciales afin d'éviter les chevauchements et de maximiser l'efficacité de l'examen.

31. Le Comité croit qu'il est important de tirer parti de l'expertise d'autres organisations qui participent à l'évaluation des activités de la bureaucratie fédérale, tout particulièrement le vérificateur général et le commissaire à la protection de la vie privée, ainsi que les universitaires. Le Comité entend étudier les occasions de collaboration dans les années qui viennent.

32. Le Comité croit en l'examen éclairé et non partisan de la sécurité nationale et du renseignement. Les membres du Comité acceptent le calendrier et le programme du Comité et ils peuvent tous proposer un examen au Comité. Le Comité se réunit à huis clos dans des locaux sécurisés afin que ses discussions soient confidentielles, non partisanes et ininterrompues. Les membres du Comité se livrent activement à l'étude de documents et à la préparation de rapports d'examen et participent aux séances d'information tenues par l'appareil de la sécurité et du renseignement. Le rôle du président consiste à obtenir le consensus, à orienter le Comité dans ses délibérations et à travailler étroitement avec le Secrétariat, notamment à élaborer des propositions d'examen destinées au Comité. Le président communique également aux ministres compétents le mandat d'examens en particulier et présente au premier ministre les rapports du Comité.

Comment le Comité détermine-t-il l'objet des examens?

33. Le travail qu'accomplit l'appareil de la sécurité et du renseignement offre un large éventail de sujets dignes d'être examinés. Comment le Comité détermine-t-il l'objet de ses examens? Aux fins de ses examens, le Comité a adopté des définitions de travail de la « sécurité nationale » et du « renseignement ». Pour que le Comité s'intéresse à une question de sécurité, elle doit se rapporter à au moins un membre principal de l'appareil de la sécurité et du renseignement (voir le Tableau 1) et être d'envergure nationale, être considérée se rapporter aux menaces envers la sécurité du Canada telles qu'elles sont définies dans la Loi sur le SCRS ou à la criminalité de nature ou de gravité nationale. Dans le domaine du renseignement, la question devrait se rapporter principalement à l'utilisation de sources ou de méthodes clandestines, secrètes ou privilégiées (en gros, les aspects qui pourraient grandement porter atteinte aux droits des Canadiennes et Canadiens ou qui comportent des risques considérables pour le gouvernement) et à au moins un membre principal de l'appareil de la sécurité et du renseignement. En guise d'exemple pratique, ces définitions de travail permettraient l'examen d'enquêtes sur le terrorisme (une question nationale qui touche le SCRS, la GRC et d'autres organisations fédérales), mais pas de la violence des gangs de rue (avant tout du ressort des provinces, des territoires et des municipalités). Le Comité peut également accepter d'examiner une question dont il est saisi par un ministre, en application de l'alinéa 8(1)c) de la Loi sur le CPSNR.

34. Lorsqu'il a commencé son travail d'examen au printemps 2018, le Comité a examiné l'étendue des enjeux auxquels faisait face l'appareil de la sécurité et du renseignement. Ses délibérations ont été éclairées par des visites des ministères et organismes principaux et son dialogue avec leurs représentants. Il a tenté de déterminer les aspects qui bénéficieraient le plus de son examen. Outre les définitions de travail susmentionnées, le Comité s'est penché sur certains critères pour l'aider à guider ses décisions. En ce qui a trait aux activités d'un organisme en particulier, il a examiné:

  • si l'organisme avait déjà fait l'objet d'examen;
  • la portée de ses activités de sécurité ou de renseignement et la mesure dans laquelle elles sont connues;
  • si les activités étaient régies par une loi ou une directive gouvernementale (comme un décret).

Les réponses à ces questions ont guidé l'évaluation par le Comité des risques possibles liés aux activités d'une organisation.

35. Ses délibérations sur les examens possibles ont été guidées par d'autres facteurs, notamment:

  • la mesure dans laquelle une activité ou une question touche la vie privée ou les droits démocratiques des Canadiennes et des Canadiens;
  • la mesure dans laquelle une activité ou une question touche les alliances canadiennes ou les relations avec l'étranger;
  • si l'activité ou la question suscitait un grand intérêt du public;
  • si l'activité ou la question touchait la souveraineté du Canada ou l'intégrité de ses institutions, de son économie ou de la société;
  • si le Parlement ou un autre organisme d'examen avait déjà examiné l'activité ou la question.

36. S'appuyant sur les critères et les facteurs énoncés ci-haut, le Comité a décidé de réaliser un examen en application de chacun de ses deux premiers mandats: un examen du cadre au titre de l'alinéa 8(1)a) de la Loi sur le CPSNR et un examen d'une activité au titre de l'alinéa 8(1)b). Pour son examen du cadre, le Comité a décidé de se pencher sur l'établissement des priorités en matière de renseignement. Dans ses rapports avec les hauts représentants de l'appareil de la sécurité et du renseignement, il est devenu clair que le processus d'établissement des priorités constituait l'une des bases permettant de veiller à la responsabilité ministérielle, d'agir sur le risque envers l'appareil, d'affecter des ressources et de gouverner l'appareil. Le Comité était d'avis qu'un tel examen de cet important processus permettrait de mieux comprendre comment les différents organismes de la sécurité et du renseignement mènent leurs opérations en tant qu'appareil. Le chapitre 3 expose les détails de cet examen.

37. Pour son examen d'activité, le Comité a choisi d'examiner les activités du renseignement du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes (MDN/FAC). Dans son apprentissage sur l'appareil de la sécurité et du renseignement, le Comité a été étonné de la taille relative du programme du renseignement du MDN/FAC (à lui seul le programme du renseignement le plus important au Canada en termes de personnel, et le deuxième en termes de budget) et de l'étendue de ses activités. Au contraire du SCRS, du CST ou de la GRC, les activités du renseignement de défense sont relativement peu connues du public, ne sont pas précisées dans les lois et, jusqu'à la création du Comité, n'avaient jamais fait l'objet d'un examen externe. Étant donné la croissance prévue des capacités en matière de renseignement du MDN/FAC décrite dans la politique de défense Protection, Sécurité, Engagement, le Comité a décidé qu'il était opportun d'examiner la structure et les pouvoirs du programme du renseignement du MDN/FAC comme point de départ d'éventuels examens. Le chapitre 4 présente de façon détaillée cet examen.

Outre le rapport annuel, quelles sont les réalisations du Comité dans sa première année?

38. Dans sa préparation à ses activités officielles d'examen, le Comité a noué le dialogue avec l'appareil de la sécurité et du renseignement dans les mois qui ont suivi sa création. Entre décembre 2017 et décembre 2018, le Comité a tenu 54 réunions, visites sur place et audiences, pour un total de 220 heures de rencontre, ce qui représente en moyenne 4 heures par rencontre. De même, le Comité a entendu plus de 60 témoins.

39. Le Bureau du Conseil privé (BCP) a donné un aperçu préliminaire de l'appareil de la sécurité et du renseignement et des menaces pour la sécurité nationale qui pèsent sur le Canada. Il a également informé le Comité des mesures, des exigences et des règles de sécurité relatives à la gestion de documents classifiés. À la suite de la nomination de la directrice générale du Secrétariat en décembre 2017, le Secrétariat a pris le relais du BCP dans son appui au Comité. Le Secrétariat a organisé des visites en février, en mars et en avril dans les locaux des principales organisations de la sécurité nationale et du renseignement, à savoir le Centre de la sécurité des télécommunication (CST), le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes (MDN/FAC), Affaires mondiales Canada (AMC) et le Centre intégré de l'évaluation du terrorisme (CIET). Ces visites ont permis aux membres du Comité d'approfondir leur compréhension des mandats et des activités de l'appareil. En mars et en avril, le Comité s'est penché sur plusieurs propositions d'examen avant de s'arrêter sur les deux examens importants dont il est question aux chapitres 3 et 4.

40. Le Comité a tenu plusieurs rencontres d'information avec les ministères et organismes clés, y compris Sécurité publique Canada afin de discuter de ses rôles et de ses responsabilités, le Secrétariat du Conseil du Trésor pour en apprendre davantage sur le financement de l'appareil de la sécurité et du renseignement et le BCP pour avoir une vue d'ensemble du processus d'établissement des priorités en matière de renseignement. Le Comité a assisté à une séance d'information du commissaire à la protection de la vie privée sur son mandat et son expérience de l'examen de l'appareil de la sécurité et du renseignement au Canada. Le Comité a également tenu des discussions avec des universitaires, des experts et plusieurs groupes de défense des libertés civiles sur les interactions entre les droits et la sécurité.

41. Le 5 avril 2018, le Comité a décidé d'effectuer un examen spécial sur certaines allégations entourant la visite du premier ministre en Inde en février 2018. Ces allégations portaient sur l'ingérence étrangère dans les politiques canadiennes, les risques pour la sécurité du premier ministre et l'utilisation inappropriée de renseignements. Le Comité a pris sa décision après avoir examiné minutieusement la signification de la question pour le mandat du Comité et après que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et, séparément, le Sénat aient indiqué que le Comité devrait se pencher sur la question Note de bas de page 12 . Après le 20 avril, après que le Comité ait reçu les informations qu'il avait demandées, le Comité a étudié un rapport provisoire rédigé par son Secrétariat, a tenu des audiences avec de hauts fonctionnaires de quatre organisations gouvernementales et a achevé la rédaction et la révision de son rapport final. Le rapport a présenté plusieurs conclusions et recommandations. En octobre, le Comité a tenu d'autres délibérations au sujet du rapport et a remis une version révisée du rapport au premier ministre le 12 octobre. La version déclassifiée de ce rapport a été déposée au Parlement le 3 décembre 2018.

42. De juin à octobre 2018, le Comité s'est préoccupé avant tout d'achever ses deux grands examens et de terminer son premier rapport annuel. Le Comité a étudié les rapports provisoires et a tenu des séances d'information et des audiences avec de hauts dirigeants du CST , du SCRS, du MDN/FAC, du BCP, d'AMC, du CIET et d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Tel que mandaté dans la Loi sur le CPSNR, le Comité rapporte qu'aucun ministre n'a exercé son droit de refuser de communiquer un renseignement au Comité dans la dernière année et aucun ministre n'a déterminé qu'un examen porterait atteinte à la sécurité nationale. Le Comité a pris note que les dirigeants du CST et du SCRS ont individuellement informé le Comité des décisions qu'ils ont prises à la suite des Instructions du ministre pour éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères.

43. Le Comité a noué le dialogue avec ses homologues du domaine de l'examen. Dans le cadre de son obligation légale de coordonner ses activités avec les organismes d'examen existants, les membres du Comité et de son secrétariat ont rencontré le CSARS et le BCCST afin de discuter des examens en cours et prévus. En avril, plusieurs membres du Comité se sont rendus à Washington, D.C., pour rencontrer le Comité parlementaire mixte sur le renseignement et la sécurité de l'Australie, en visite pour d'autres affaires, afin de discuter des activités d'examen de ce dernier. Pendant leur voyage à Washington, les membres ont assisté à une présentation donnée par une ancienne sous-secrétaire au Renseignement et à l'Analyse des États-Unis au département de la Sécurité intérieure sur la surveillance de l'appareil du renseignement américain. En octobre, le Comité a organisé des réunions avec le Comité du renseignement et de la sécurité du Royaume-Uni à Ottawa, afin de mettre à profit les échanges entre les secrétariats des deux comités.

44. Le Comité remercie le BCCST d'avoir soutenu le travail quotidien du Comité en fournissant au personnel du Secrétariat des locaux dans les premiers mois de 2018, ainsi que des installations sécurisées pour le Comité afin qu'il puisse tenir des réunions jusqu'au déménagement du Secrétariat dans ses locaux permanents en septembre 2018. Le Comité remercie les représentants du BCP de l'avoir aidé à démarrer ses activités. Enfin, le Comité remercie la Chambre des communes de son aide dans la conception et l'hébergement de son site Web. La capacité du Comité d'informer les citoyennes et citoyens du Canada est cruciale à l'exercice de son mandat.