Chapitre 3 : Examen du processus d'établissement des priorités en matière de renseignement
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement — Rapport annuel 2018
Introduction
80. Pour l'un de ses premiers examens, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (le Comité) a examiné la façon dont le gouvernement établit les priorités en matière de renseignement. Cet examen - le premier depuis celui du Bureau du vérificateur général du Canada en 1996 - a permis au Comité d'acquérir une vue d'ensemble de la structure sur laquelle le Cabinet et divers organismes et ministères gouvernementaux liés au renseignement établissent les priorités et répondent aux exigences et aux demandes. Cet examen servira de fondement. Le Comité vient d'être créé et a reçu le mandat d'examiner la structure de la sécurité nationale et du renseignement au Canada. Les prochains examens s'appuieront sur ce premier examen, alors que le Comité examinera d'autres parties de la structure en vue de contribuer au soutien et au maintien d'un appareil de la sécurité et du renseignement efficace, adapté aux besoins et responsable.
81. Le Comité estime qu'il détient une position unique pour examiner cette question. Le Comité est le premier organisme d'examen externe indépendant qui peut intégralement examiner la sécurité nationale et le renseignement d'un point de vue stratégique, dans toutes les organisations et qui a accès à des renseignements classifiés. Ainsi, le Comité peut examiner le processus par l'entremise duquel l'appareil de la sécurité et du renseignement reçoit des instructions et y répond.
82. L'importance du processus d'établissement des priorités en matière de renseignement ne peut être surévaluée. Au Canada, le Parlement représente la plus haute forme de responsabilisation démocratique. Les ministres sont redevables devant le Parlement et les Canadiennes et Canadiens des activités et de la conduite des ministères et organismes de leur portefeuille. Au sein du Cabinet, les ministres doivent répondre au premier ministre. Pour la plupart des volets de la politique publique, ce système encourage les discussions et les débats et est à la base de la responsabilisation ministérielle.
83. Dans le domaine du renseignement, la responsabilisation représente un défi. Les renseignements sont presque toujours classifiés pour protéger les sources, les méthodes et l'accès aux cibles. Par conséquent, les ministres et les représentants d'organisations qui recueillent ou utilisent des renseignements ne peuvent être publiquement tenus responsables de la même manière que d'autres représentants peuvent l'être. Ils ne peuvent pas non plus être aussi transparents au sujet de leurs activités et des décisions qu'ils prennent. Les activités du renseignement peuvent également avoir des répercussions sur les droits des Canadiennes et des Canadiens, notamment par l'utilisation de méthodes intrusives. De même, les activités du renseignement sont de plus en plus intégrées, c'est-à-dire que plus d'un ministre est responsable des activités de l'appareil de la sécurité et du renseignement qui se chevauchent, c'est pourquoi la coordination est d'autant plus primordiale.
84. En raison de la nature délicate des cibles, des sources et des méthodes, les répercussions possibles des activités du renseignement sur les droits des Canadiennes et des Canadiens, ainsi que l'existence possible de lacunes, les activités du renseignement comportent une quantité inhérente de risques. Par exemple, la communication d'une cible du renseignement, comme un État étranger, pourrait porter gravement atteinte aux relations étrangères du Canada, et la divulgation de l'identité d'une source pourrait faire courir d'importants risques à une personne. Un autre élément du risque est le « coût de renonciation »; un appareil de la sécurité et du renseignement dont la taille et la portée sont limitées ne peut pas s'occuper de tous les enjeux. Des décisions doivent être prises pour déterminer les enjeux sur lesquels vont porter les efforts et les enjeux auxquels il faudra renoncer, y compris dans les décisions du Cabinet du point de vue stratégique.
85. Au fil du temps, le gouvernement a mis en place des mesures obligeant l'appareil de la sécurité et du renseignement à répondre de ses actes. Il a notamment adopté des lois qui définissent les pouvoirs et les limites des organisations de la sécurité et du renseignement, a délivré des mandats et a créé des organismes d'examen spécialisés. D'un point de vue axé sur les processus, la mesure la plus importante est l'établissement des priorités en matière de renseignement. Il s'agit d'un principal mécanisme par lequel le gouvernement fournit des instructions à l'appareil de la sécurité et du renseignement et le tient pour responsable. En résumé, le processus d'établissement des priorités en matière de renseignement fait partie intégrante de la responsabilisation et de la gestion du risque.
86. Le Comité a examiné le processus d'établissement des priorités en matière de renseignement sous trois angles, soit la gouvernance du processus, la participation des organisations touchées, et la mesure du rendement et les dépenses relatives aux ressources. Le Comité a reçu une quantité considérable d'informations de tous les ministères et organismes qui participent au processus Note de bas de page 1 . Il a tenu des audiences avec le Secrétariat de la sécurité et du renseignement du Bureau du Conseil privé (BCP), Sécurité publique Canada, le SCRS, le CST, Affaires mondiales Canada, le Secrétariat de l'évaluation du renseignement du BCP, le Centre intégré de l'évaluation du terrorisme (CIET) et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Ces organisations représentent les responsables clés de la collecte de renseignements et ceux qui jouent un rôle de coordination important, les clients du renseignement dont les besoins sont importants et ceux qui possèdent des besoins propres à des programmes, et les organisations responsables de l'évaluation du renseignement. Les ministères et organismes en question ont bien collaboré avec le Comité tout au long du processus d'examen.
87. Dans l'ensemble, le Comité est d'avis que le processus d'établissement de priorités en matière de renseignement possède de solides bases et s'est amélioré au fil du temps. Le Cabinet oriente régulièrement l'appareil de la sécurité et du renseignement. Cette voie à suivre passe par des mécanismes interministériels et produit des exigences précises qui aident les responsables de la collecte et de l'évaluation du renseignement à orienter leur travail. Le processus est régi par une structure de comité définie et un cadre de mesure du rendement qui soutient des mises à jour régulières aux ministres et au Cabinet. Toutefois, tous les processus peuvent être améliorés et l'appareil de la sécurité et du renseignement le reconnaît. L'examen mené par le Comité a permis de révéler des difficultés relativement à plusieurs aspects, dont certaines que les organisations de l'appareil de la sécurité et du renseignement ont déjà cernées. Ces difficultés englobent entre autres les incohérences entre les instructions ministérielles et la mise en œuvre des priorités sur le plan opérationnel, les mesures permettant de s'assurer que le Cabinet a suffisamment d'information pour appuyer ses discussions et ses décisions, la piètre communication de données sur le rendement et les finances, et une direction centrale insuffisante. Le Comité croit que, rassemblées, ces difficultés peuvent nuire à la responsabilisation ministérielle des activités du renseignement.
88. Ces difficultés devraient être abordées. Comme il est mentionné plus tôt, la responsabilisation est une condition fondamentale de la conduite convenable des activités du renseignement. En effet, le Comité remarque que la responsabilisation, et les priorités en matière de renseignement par extension, a été un élément central de deux examens externes réalisés depuis les années 1980 - un premier par un Groupe consultatif indépendant et l'autre par le Bureau du vérificateur général. Il est impératif de continuellement renouveler la responsabilisation pour qu'elle soit valable. Par conséquent, le Comité formule des recommandations qui, selon lui, renforceront la responsabilisation, l'efficience et l'efficacité de l'appareil de la sécurité et du renseignement.
89. L'examen par le Comité a lui aussi comporté son lot de défis. L'un des principaux défis était que le Comité, selon la Loi, ne peut consulter les « documents confidentiels du Conseil privé de la Reine ». Ces documents confidentiels sont définis dans la Loi sur la preuve au Canada et s'entendent des informations qui sont destinées à soumettre des propositions ou des recommandations au Ca binet, qui sont destinées à présenter des analyses ou un contexte à l'examen du Cabinet afin qu'ils prennent des décisions, qui sont contenues dans un procès-verbal de ses délibérations ou décisions, dans un document faisant état de communications ou de discussions entre ministres, dans un document d'information à l'usage des ministres sur des questions portées ou qu'il est prévu de porter devant le Cabinet, ou dans un avant-projet de loi ou projet de règlement Note de bas de page 2 . Puisque le processus d'établissement de priorités en matière de renseignement comprend des mémoires au Cabinet et des comptes rendus de décision, il était difficile pour le Comité d'examiner et d'étudier toutes les informations pertinentes sur le sujet. Le présent examen, ainsi que les conclusions et les recommandations du Comité reposent donc sur les documents et les informations, y compris les ébauches, créés dans le cadre du processus d'établissement des priorités en matière de renseignement, jusqu'au niveau du sous-ministre. D'après le Comité, il était suffisamment informé pour formuler ses conclusions et ses recommandations.
Un bref historique des priorités en matière de renseignement du Canada
90. Le BCP décrit le processus d'établissement des priorités en matière de renseignement comme étant [traduction] « Le principal mécanisme offert au premier ministre, au Cabinet et aux hauts dirigeants de la sécurité et du renseignement pour l'exercice, le contrôle, la responsabilisation et la surveillance de la production du renseignement du Canada Note de bas de page 3 . »
91. Le processus a évolué au fil du temps. Le Cabinet a établi les premières priorités nationales en matière de renseignement dans les années 1970, mais leur définition était très étroite et elles portaient sur le renseignement étranger. En 1987, le Groupe consultatif indépendant dirigé par l'honorable Gordon Osbaldeston a examiné le SCRS, qui venait d'être créé. Le rapport, intitulé Des ressources humaines et un processus en transition, présentant plusieurs recommandations, notamment qu'il « faut souligner de nouveau le rôle prépondérant du pouvoir exécutif qui donne des directives [en ce qui concerne la sécurité nationale] » et que le SCRS devrait chaque année obtenir l'approbation du Cabinet relativement à ses priorités Note de bas de page 4 . Depuis, le SCRS a demandé l'approbation relativement à ses priorités en matière de renseignement de sécurité.
92. Pendant les années 1990, le processus d'établissement des priorités en matière de renseignement du gouvernement du Canada s'est élargi. Auparavant très restreint, il comprend maintenant d'autres domaines, comme la défense. Les priorités sont devenues de plus en plus détaillées et catégorisées suivant les secteurs d'activités ministériels. En 1996, le Bureau du vérificateur général a mené un examen de la responsabilisation de l'appareil de la sécurité et du renseignement au Canada. Il a recommandé « d'améliorer le processus d'établissement des priorités nationales en assignant mieux les tâches en fonction de ces dernières, en procédant aux approbations avec plus de célérité, en perfectionnant le système de classement hiérarchique et en évaluant systématiquement la collecte de renseignements par rapport aux priorités approuvées ». L'appareil a répondu en indiquant que les recommandations coïncidaient avec ses objectifs et que « l'élaboration de priorités claires qui guideront la recherche de renseignements et la présentation de rapports est plus importante que jamais, puisque le milieu canadien du renseignement constate que davantage de consommateurs s'intéressent à un plus grand nombre de sujets, au moment même où diminuent les ressources permettant d'accomplir le travail Note de bas de page 5 . »
93. Le processus a continué d'évoluer en réaction aux nouvelles priorités et à l'orientation du gouvernement. Après l'attentat terroriste du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le gouvernement a augmenté le nombre de priorités et a réorienté leur importance, mais n'a pas apporté de changements considérables au processus dans son ensemble. En 2006, le gouvernement a approuvé une proposition visant à recentrer le processus sur un plus petit nombre de thèmes stratégiques hiérarchisés. En raison de l'étendue des thèmes, les priorités cadraient mieux avec les mandats des organisations du milieu du renseignement au Canada.
94. En 2016, le gouvernement a décidé de ne pas hiérarchiser les priorités en matière de renseignement de la même manière que dans les dix dernières années. Le BCP a informé le Comité que plusieurs facteurs avaient mené à cette décision. À la suite du cycle d'établissement des priorités de 2014-2016, le BCP a évalué les exigences de l'appareil en matière de dépenses, de production de renseignements et de demandes de collecte. Il a constaté que, en règle générale, les niveaux de dépense, la production de renseignements et les demandes de collecte de renseignements ne correspondaient pas avec la hiérarchie des priorités en matière de renseignement. Autrement dit, les ministères et les organismes dépensaient plus et présentaient plus de demandes de collecte pour des priorités de plus faible niveau que de priorités de plus haut niveau. La seule exception était la priorité ***, pour laquelle le niveau de priorité correspondait généralement à l'effort connexe déployé par l'appareil. De plus, le BCP a souligné que de nombreux ministères qui reçoivent des renseignements pour accomplir leur mandat, mais qui n'en font pas la collecte, ont exprimé leur frustration relativement au fait que leurs besoins en renseignements occupaient un rang trop faible pour retenir suffisamment l'attention des organisations responsables de la collecte de renseignements. D'autres organisations estimaient que les priorités hiérarchisées pouvaient être considérées comme en conflit avec leurs différents mandats. De plus, le BCP a constaté que ***. Le BCP a remarqué qu'en éliminant la hiérarchisation des priorités et en agissant sur la question sur le plan plus détaillé des exigences en matière de renseignement {décrit ci-après), l'appareil de la sécurité et du renseignement serait mieux à même de répondre à ces défis. La liste des priorités en matière de renseignement de 2017-2019 est présentée à la page 42.
Quel est le processus d'établissement des priorités en matière de renseignement?
95. Pour la période visée par l'examen du Comité, les priorités du gouvernement du Canada en matière de renseignement ont été établies le Comité du Cabinet chargé du renseignement et de la gestion des urgences Note de bas de page 6 . Le rôle de ce comité du Cabinet était d'étudier les rapports et les priorités et de coordonner et de gérer les interventions relatives aux situations d'urgence publiques et aux incidents de sécurité nationale. Ce comité était présidé par le premier ministre, témoignant de sa responsabilité globale à l'égard de la sécurité nationale et du renseignement. Le Comité était composé de ministres responsables d'organisations clés de la sécurité et du renseignement, plus précisément les ministres de la Sécurité publique et de la Protection civile, de la Défense nationale et d'Affaires mondiales. Le processus servant à établir les priorités en matière de renseignement est décrit à la page 42.
Priorités en matière de renseignement pour 2017-2019
Les priorités en matière de renseignement sont des questions d'importance larges établies par le Cabinet en fonction des besoins en information des ministères gouvernementaux pour prendre des décisions ou remplir leurs mandats. Les priorités actuelles en matière de renseignement visent :
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Cycle d’établissement des priorités en matière de renseignement
- Exigences permanentes (tous les 6 mois) : Établies par l’appareil de la sécurité et du renseignement. Comprennent les exigences relatives a la collecte et à l'évaluation du renseignement
- Rapports annuels sur les dépenses (une fois par année) : Mise à jour au Cabinet sur la mise en oeuvre et l'appui des priontés en matière de renseignement
- Priorités en matière de renseignement (tous les 2 ans) : Établies par le Cabinet. Fournissent des instructions ministérielles au SCRS, au CST, au MDN/FAC, à la GRC, à l’ASFC et à AMC
96. La procédure actuelle veut que l'appareil de la sécurité et du renseignement demande l'approbation du Cabinet tous les deux ans pour établir les priorités en matière de renseignement. D'abord, les ministres participants reçoivent un mémoire au Cabinet rédigé par le Secrétariat de la sécurité et du renseignement du BCP. Le Cabinet prend une décision relativement aux priorités stratégiques et un compte rendu de décision est publié, conformément au processus habituel du Cabinet. En s'appuyant sur ce compte rendu, les ministres de la Sécurité publique et de la Protection civile, de la Défense nationale et des Affaires étrangères, à titre de ministres responsables des plus grandes organisations chargées de la collecte de renseignements, donnent à leurs organisations respectives des instructions énonçant les priorités et leurs attentes.
97. Les ministères et organismes s'appuient ensuite sur les priorités en matière de renseignement et les instructions ministérielles pour créer les exigences permanentes en matière de renseignement (EPMR) interministériels, une ventilation plus détaillée des besoins en matière de collecte et d'évaluation. Les EPMR sont révisées et mises à jour au moins tous les six mois. Dans le cadre de ce processus, les organisations qui recueillent, évaluent et utilisent les renseignements exposent en détail leur capacité de répondre aux exigences et énoncent leurs propres exigences en matière de renseignement. Les exigences sont mises à jour au besoin en fonction des enjeux émergents. L'engagement continu de l'appareil de la sécurité et du renseignement envers les EPMR, coordonné par le Secrétariat de la sécurité et du renseignement, permet de mieux adapter la collecte et l'évaluation au contexte fluide de l'étranger, de la sécurité et de la défense. Ces processus sont coordonnés et gérés par le Secrétariat de la sécurité et du renseignement et supervisés par la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement (CSNR) du premier ministre.
98. Enfin, le BCP informe le comité du Cabinet annuellement de la contribution de l'appareil envers les priorités en matière de renseignement en décrivant la mise en œuvre et le soutien de chaque organisation. Il le fait en partie par l'entremise de l'Examen national des dépenses en renseignement, qui est géré par Sécurité publique Canada et coordonné par le Secrétariat de la sécurité et du renseignement du BCP. Ce rapport sur les dépenses comprend les dépenses liées aux ressources par priorité en matière de renseignement et par fonction (comme la collecte, la production et le soutien) et vise à démontrer au Cabinet la mesure dans laquelle la production de renseignements et l'allocation de ressources appuient les priorités.
99. Pendant de nombreuses années, le processus lié aux priorités était centré presque exclusivement sur la collecte de renseignements. En 2013, le Secrétariat de l'évaluation du renseignement du BCP et le CIET ont été ajoutés au processus. L'appareil de la sécurité et du renseignement a noté que ce changement
- a permis aux organisations du renseignement responsables de la collecte, de l'évaluation ou des deux d'être mieux représentées;
- a donné à la communauté de l'évaluation une orientation et des instructions renforcées pour faciliter l'établissement des priorités en matière de production d'évaluation;
- a resserré la collaboration entre les organisations de l'évaluation et leurs partenaires de la sécurité et du renseignement;
- a élargi les aspects du renseignement - collecte et évaluation - relevant de la gouvernance des priorités en matière de renseignement et de la structure de responsabilisation.
Il en découle une orientation gouvernementale relative au renseignement qui englobe maintenant toutes les organisations pertinentes.
Gouvernance
100. Les priorités en matière de renseignement sont expressément larges. Elles sont conçues pour englober les exigences stratégiques et opérationnelles du gouvernement, en même temps que pour cadrer avec les mandats des divers ministères et organismes qui prennent part au renseignement, à savoir :
- les deux plus grandes organisations du renseignement, soit le SCRS et le CST;
- les ministères qui participent au renseignement, dans la collecte, dans l'évaluation, ou dans les deux, comme le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes (MDN/FAC), Affaires mondiales Canada, le Centre intégré d'évaluation du terrorisme et la Gendarmerie royale du Canada (GRC);
- les organisations qui sont des clients importants du renseignement, mais dont le rôle premier se situe dans un autre domaine, par exemple les ministères fédéraux des Transports et de l'immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
101. L'appareil de la sécurité et du renseignement participe à ce processus à différents niveaux. Le BCP, par l'entremise de la CSNR et du Secrétariat de l'évaluation du renseignement, pilote et coordonne le processus. Le Secrétariat rédige un mémoire au Cabinet en collaboration avec l'appareil de la sécurité et du renseignement, puis il dirige le processus interministériel pour élaborer les EPMR détaillées. La CSNR copréside aussi le comité des sous-ministres pour la sécurité nationale, principal comité à ce niveau hiérarchique pour les conversations stratégiques sur le renseignement et la sécurité nationale. Ce comité étudie la version provisoire du mémoire, puis recommande de le soumettre au Cabinet. Les sous-ministres sont tenus de voir à ce que leur ministère respecte les directives ministérielles Note de bas de page 7 .
102. Au niveau des sous-ministres adjoints (SMA), le Secrétariat de la sécurité et du renseignement préside le comité des SMA pour le renseignement, lequel approuve et atteste les exigences, la mesure du rendement et l'affectation des ressources. Au niveau de travail enfin, le Secrétariat de la sécurité et du renseignement dirige plusieurs groupes de travail, qui mènent des discussions et des négociations de fond sur la priorisation des exigences particulières. Ces comités et groupes de travail aident le Cabinet à fixer les priorités de renseignement et à y donner suite. À cet égard, le Secrétariat s'acquitte de ses fonctions avec un minimum de ressources. Dans une note d'information au secrétaire adjoint pour la sécurité et le renseignement, des représentants ont écrit [traduction] « *** aux activités de coordination du renseignement » et qu'avec [traduction] « les ressources actuelles, nous n'avons pas pu maintenir une coordination cohérente avec l'appareil du renseignement Note de bas de page 8 . »
103. Le BCP se trouve dans la position idéale pour assurer la gouvernance et une direction relativement aux priorités en matière de renseignement. Sous la direction de la CSNR, le Secrétariat de la sécurité et du renseignement soutient directement le comité du Cabinet chargé de considérer les priorités de renseignement. De ses processus de soutien et son rôle de conseiller le Cabinet sur les questions de sécurité et de renseignement dans l'optique gouvernementale la plus large possible, le Secrétariat est donc bien positionné pour jouer un rôle de direction, de coordination et de médiation dans l'élaboration du mémoire au Cabinet. Ce modèle n'est pas passé inaperçu de nos alliés avec des appareils d'État similaires. En Australie par exemple, le lndependent Intelligence Review de 2017 recommande que le gouvernement coordonne le renseignement de façon centrale comme l'ont fait ses alliés, dont le Canada. Le rapport affirme qu'une coordination plus efficace améliorerait la responsabilité ministérielle en même temps que la responsabilisation de l'appareil du renseignement à l'égard du gouvernement, et aussi qu'une gestion au niveau de l'entreprise renforcerait les responsabilités légales des organismes Note de bas de page 9 . Or bien que le Canada dispose de la structure nécessaire pour la coordination et la gestion, les investissements et la concentration des efforts font défaut. Pour optimiser un tel système, il faut que la gouvernance et la direction centrales soient fortes et soutenues.
Directives ministérielles
104. Une fois les priorités en matière de renseignement approuvées par le Cabinet, les ministres responsables de chacune des principales organisations en jeu donnent des directives écrites afin d'expliquer leurs attentes à l'égard de leur organisation pour donner suite aux priorités. Les organisations en jeu n'ont pas toujours été les mêmes. Autrefois, seules les organisations au cœur de la collecte de renseignements recevaient des directives, à savoir le SCRS, le CST, la GRC, le MDN/FAC et Affaires mondiales Canada. Or, depuis les priorités de 2017-2019, l’ASFC reçoit aussi des directives pour mettre en œuvre ces priorités. Dans le cas des organismes d'exécution de la loi comme la GRC et l’ASFC, les directives ministérielles sont rédigées de manière à préserver leur indépendance opérationnelle.
105. Les directives ministérielles adaptent les priorités en matière de renseignement selon les mandats légaux et les responsabilités opérationnelles des organisations. Par exemple, une directive adressée au SCRS soulignerait les priorités directement liées au mandat de ce dernier, comme [*** nom d'une priorité ***), tandis qu'une autre pour la GRC insisterait sur [*** nom d'une priorité ***].
106. Dans le système actuel, une fois que le Cabinet a publié sa décision, chaque organisation rédige ses propres directives pour ensuite les faire approuver par son ministre. Il en résulte des incohérences majeures. Parfois, le ministère ou l'agence ne termine pas la rédaction dans un temps opportun Note de bas de page 10 . Quand les directives ministérielles arrivent en retard, la capacité d'adaptation des organismes en souffre, de même que l'opportunité de la collecte de renseignements. De tels retards peuvent toucher l'exactitude et la portée des rapports sur le rendement faits au Cabinet, surtout quand les priorités changent. Ils présentent aussi un risque pour les organisations et pour leur gestion. Les directives ministérielles existent notamment pour que, quand un ministère ou un organisme entreprend des activités de sécurité nationale ou de renseignement, son ministre puisse en rendre compte. Si les directives arrivent en retard et qu'un problème survient, le ou la ministre ne pourra pas nécessairement confirmer avoir eu connaissance de ce que l'organisation faisait. Note de bas de page 11 11
107. Le Comité abordera ces deux points plus en détail dans le présent chapitre. Il note aussi que certaines directives ministérielles contenaient des incohérences dans leur vocabulaire ou dans les attentes exprimées, ce dont pourraient souffrir les rapports sur le rendement adressés au Cabinet. Par exemple, la directive ministérielle rédigée par le SCRS 2017-2019 excluait deux priorités (*** noms des priorités ***) de même que (*** noms des priorités ***] Note de bas de page 12 . À remarquer, l'omission de (*** nom d'une priorité ***] a semé de la confusion au SCRS, à savoir si ses agents pouvaient recueillir du renseignement sur un enjeu désigné comme une priorité en matière de renseignement et comme une priorité très élevée dans les EPMR pour l'appareil, et dont la collecte relevait du mandat du SCRS Note de bas de page 13 . Pareilles incohérences minent l'efficacité et l'efficience de l'appareil ainsi que la responsabilité du ministre.
108. Sous la direction du BCP, l'appareil prend des mesures précises pour régler les problèmes de cohérence et l'opportunité des directives ministérielles associées aux priorités en matière de renseignement. Ces mesures visent aussi à améliorer le rôle de la conseillère sur la sécurité nationale et le renseignement du premier ministre pour surveiller le rendement lié à cet aspect du processus. Note de bas de page 14
Exigences permanentes en matière de renseignement
109. Les exigences permanentes en matière de renseignement (EPMR) sont une liste de demandes précises des clients pour la collecte ou l'évaluation en fonction des priorités en matière de renseignement. En termes simples, les EPMR reflètent le renseignement dont les ministères ont besoin pour faire leur travail. À l'heure actuelle, on en compte plus de 400, classées en quatre niveaux en fonction de l'importance et du risque ou de la menace qu'elles présentent, selon les critères approuvés par le gouvernement en 2016. Mises à jour tous les six mois et au besoin à l'arrivée de nouveaux enjeux, les EPMR sont négociées au niveau de travail et approuvées par le comité des SMA pour le renseignement.
110. Les EPMR visent à brosser un portrait global de ce que l'appareil recueille et évalue; des lacunes existantes; et des secteurs où l'appareil dépend toujours des rapports fournis par ses alliés, comme le Groupe des cinq. *** Les EPMR peuvent aussi détailler dans quelle mesure chaque organisation prise individuellement d'une part, et l'appareil de la sécurité et du renseignement dans son ensemble d'autre part, peut s'occuper (par de la collecte ou de l'évaluation) d'une priorité ou d'une exigence donnée. Ce type d'information est indispensable à la responsabilisation : les ministres ne peuvent prendre de décisions éclairées que s'ils en savent suffisamment pour comprendre les tenants et aboutissants.
111. Le Comité est inquiet que le Cabinet n'ait pas accès à toute l'information qui pourrait éclairer sa prise de décisions. En 2016, le BCP introduisait un nouveau cadre pour améliorer le processus d'établissement des priorités des nombreuses demandes particulières de l'appareil dans les EPMR. En 2017, l'appareil a aussi considéré une nouvelle approche propre à garantir des rapports plus détaillés au Cabinet, y compris :
- une estimation de la capacité et de l'intention qu'a chaque organisation de faire la collecte ou l'évaluation rattachée aux EPMR;
- quelles priorités génèrent la plus grande demande de collecte via le processus des EPMR;
- les principales cibles de renseignement de l'appareil dans son ensemble.
112. Cette option aurait montré que l'appareil avait la capacité et l'intention d'effectuer de la collecte pour *** pour cent des EPMR désignés de première importance, et pour *** pour cent des EPMR dans l'ensemble. Un document du BCP rédigé en prévision d'une rencontre du comité des SMA pour le renseignement décrivait l'approche comme une occasion d'employer les données utiles générées par le processus des exigences, pour favoriser une discussion de niveau stratégique sur la coordination du renseignement Note de bas de page 15 . Or, une version provisoire bien ultérieure considérée par l'appareil ne contenait pas la liste détaillée ci-dessus, mais plutôt un tableau classant les priorités de renseignement [traduction] « par niveau d'effort Note de bas de page 16 », sans données quantitatives. Le Comité ignore si les données plus informatives générées par le groupe de travail interministériel ont finalement été soumises au Cabinet, mais il croit néanmoins que des données précises offriraient aux ministres une précieuse mise en contexte. Le BCP a fait savoir au Comité qu'il explorait les options pour mieux employer l'information générée au moyen des EPMR en vue de produire des évaluations plus stratégiques de la demande de renseignement et de l'appui à celui-ci Note de bas de page 17 .
113. Lors d'audiences, le Comité a discuté avec plusieurs organisations des procédures en place pour définir les priorités en matière de renseignement et les EPMR. Deux thèmes sont ressortis : les difficultés inhérentes au niveau de détail exigé dans les EPMR, et la pression constante de toujours en ajouter à la liste. Le CST a fait remarquer que l'appareil avait de nombreuses conversations tactiques au sujet des EPMR, mais qu'il y avait place à davantage de discussion stratégique sur celles-ci et leur contexte dans le processus d'établissement des priorités en matière de renseignement Note de bas de page 18 . Le Comité convient qu'un tel aperçu serait avantageux pour le Cabinet. Avec un portrait global de la capacité de l'État à donner suite aux EPMR et aux priorités dont ils découlent, y compris là où il y aurait eu des compromis, les ministres et le Cabinet pourraient prendre des décisions éclairées sur les concessions et la gestion de risque. Sans pareilles considérations stratégiques, la demande de renseignement devient en effet de moins en moins gérable.
114. Le Comité s'inquiète de voir que l'appareil de la sécurité et du renseignement en arrive là. Les demandes de renseignement recensées dans le processus interministériel se sont traduites par de nombreuses EPMR : le total actuel dépasse les 400. Aux audiences, le Comité a entendu un message uniforme de tous les ministères et organismes concernés : il y a trop d'EPMR, ce qui alourdit le processus et le rend moins efficace que la plupart voudraient. Affaires mondiales Canada, le plus gros client, a informé le Comité qu'il devrait être plus rigoureux dans sa propre priorisation interne, afin de moins souvent exiger des collectes et des analyses, et en préciser le but Note de bas de page 19 . Le BCP a aussi noté que l'appareil avait besoin de créer des outils pour gérer ces défis stratégiquement Note de bas de page 20 . Le Comité sait que le BCP a fait d'autres efforts dans les dernières années pour rationaliser le processus; mais voyant que *** pour cent des EPMR sont satisfaits, et *** pour cent des plus prioritaires, il croit que l'appareil peut encore s'améliorer.
115. De même, le comité doute que soit complète l'information fournie au Cabinet dans d'autres secteurs. Conformément à l'alinéa 14a) de la Loi sur Je CPSNR, le Comité n'a pas pu voir les mémoires au Cabinet au sujet des priorités en matière de renseignement, puisque ce sont des documents confidentiels du Conseil privé de la Reine, l'une des quatre catégories de renseignements auxquels une exception l'empêche d'avoir accès. Néanmoins, d'après l'information fournie au sujet du processus d'élaboration des conseils, il semblerait que l'appareil fournisse au Cabinet surtout de l'information et des anecdotes qui soulignent ses succès opérationnels, et où il a répondu aux directives gouvernementales Note de bas de page 21 21.
116. L'appareil s'est montré moins efficace à souligner les lacunes dans la collecte et l'analyse, ainsi que dans les concessions et la gestion de risque qui sont inévitables dans la collecte de renseignements dans certains secteurs mais pas dans d'autres {un concept décrit ci-dessus comme le coût de la renonciation, inhérent à l'établissement de priorités). Pour donner un exemple d'un tel coût, le Secrétariat de la sécurité et du renseignement a fait savoir à la CSNR que certaines organisations [traduction] « avaient noté que les dépenses relativement importantes liées [*** nom d'une priorité ***] avaient continué d'augmenter tandis que les pressions liées (*** noms des priorités ***] augmentaient aussi », mais que cette information ne serait pas à son tour communiquée au Cabinet Note de bas de page 22 . Le Comité reconnaît que des compromis doivent être faits au sujet des priorités de collecte et d'évaluation étant donné la taille relativement petite de l'appareil canadien de la sécurité et du renseignement. Pour cette raison, le Comité croit important dans une optique de responsabilité ministérielle que ces compromis soient expliqués au comité du Cabinet et que les ministres concernés reçoivent l'information requise pour évaluer correctement les décisions dont ils sont saisis, y compris pour évaluer les risques inhérents à l'établissement des priorités.
117. À toutes fins utiles, le processus d'établissement des priorités en matière de renseignement est important pour le fonctionnement, la gestion et la responsabilisation de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Il s'agit d'une tribune pour la discussion et le débat, mais aussi pour le compromis et la coordination. Cependant, le processus lui-même n'est pas plus fort que la somme de ses parties. Son but, une responsabilisation robuste, exige une saine gestion en même temps qu'un cadre cohérent et coordonné. Pour la responsabilité ministérielle comme pour l'efficacité de l'appareil, il faut que le Cabinet dispose de l'information la plus complète. Comme nous allons le voir, la décision de déclarer les résultats par des rapports simplifiés a affaibli le processus, tout comme l'absence d'un investissement soutenu dans le processus pour ajouter des outils de production de rapports. Ces décisions ont aussi contribué aux incohérences observées chez certaines organisations dans le processus. C'est le point vers lequel le Comité va maintenant se tourner.
Opérationnalisation
118. Le Comité a étudié la manière dont les ministères et organismes particuliers opérationnalisaient les priorités en matière de renseignement et les EPMR, c'est-à-dire comment ils en faisaient des plans de collecte précis. La plupart se sont donné des méthodes pour traduire les priorités et des exigences en conseils et autres directives pointus pour leurs propres activités. Les trois plus grandes organisations (soit le SCRS, le CST et le MDN/FAC) ont des processus officiels. Ceux-ci viennent préciser les EPMR dans le contexte du mandat, des capacités et de l'orientation de chaque organisation.
119. Toutes les organisations définissent leurs priorités internes selon des méthodes semblables. Chacune utilise des méthodes pondérées (attribuer un pointage à un enjeu d'après son importance pour l'appareil, la hiérarchisation des EPMR, les directives du ministre, la pertinence en regard du mandat et enfin la capacité de collecte de l'organisation) pour produire des documents internes grâce auxquels les personnes chargées de la collecte au niveau de travail auront des directives détaillées pour guider la collecte et assurer un suivi du rendement. Ces documents sont au SCRS les exigences de renseignement, au CST la liste nationale des priorités relatives au renseignement électromagnétique Note de bas de page 23 et au MDN/FAC les besoins en matière de renseignement stratégique de la Défense.
120. Cette adaptation des EPMR est importante pour que les priorités et autres exigences s'accordent avec le mandat particulier des diverses organisations chargées de la collecte et de l'évaluation du renseignement, et aussi pour donner des directives suffisamment détaillées aux responsables des activités de renseignement de l'organisation.
121. Les processus pour définir les priorités en matière de renseignement et les EPMR admettent que les exigences à l'endroit d'une organisation donnée (en termes de participation et de rapports) soient proportionnelles à son rôle dans l'appareil de la sécurité et du renseignement. Ainsi, les attentes les plus élevées sur le plan de la participation et de la présentation de rapport sont celles envers les deux organisations qui recueillent le plus de renseignement : le CST et le SCRS. Or, on voit depuis quelques années que l'une et l'autre s'en acquittent par des moyens très différents.
Centre de la sécurité des télécommunications
122. Le CST est l'organisme canadien chargé du renseignement électromagnétique. Aucune autre entité au pays n'est tenue par la loi de fournir des renseignements en conformité avec les priorités du gouvernement du Canada en matière de renseignements Note de bas de page 24 . Pour cette raison, il participe à fond à l'établissement des priorités, et a développé s'est donné pour ce faire avec le temps un processus interne rigoureux, cohérent et efficace. Le CST utilise les priorités de renseignement et les EPMR pour définir des priorités de collecte internes qui lui permettent de répondre aux besoins et priorités du gouvernement et des clients. Le CST rapporte son rendement et ses dépenses à son ministre par un rapport annuel, et au Cabinet par le processus des priorités en matière de renseignement (c.-à-d. par les mémoires au Cabinet interministériels et les mises à jour connexes). En outre, le CST a pris des décisions stratégiques concernant son affectation des ressources d'après les priorités et les EPMR : il consacre près de *** pour cent de ses ressources aux exigences les plus prioritaires Note de bas de page 25 .
Service canadien du renseignement de sécurité
123. Le SCRS a lui aussi un processus interne pour traduire les exigences et priorités plus larges en priorités de collecte qui ensuite guident ses opérations, rapports et évaluations. Comme au CST, le processus est bien rodé et permet de garder la trace de la collecte et de la production aux fins de rapport. Les instructions internes sont mises à jour tous les six mois, juste après la mise à jour des EPMR. Cependant, la haute direction du SCRS a approuvé les instructions internes (étape nécessaire) en septembre 2016, puis de nouveau pas plus tôt qu'en avril 2018, ce qui représente un délai de mise en œuvre supérieur à un an Note de bas de page 26 . Les représentants de l'organisme ont indiqué au Comité que ce retard n'avait pas eu de conséquences matérielles sur le travail de collecte, vu l'absence de tout changement fondamental ou de changement important entre les priorités et les exigences précédentes et les nouvelles. Le SCRS a fait savoir qu'il continuait à recueillir du renseignement sur les menaces envers la sécurité du Canada, et a maintenu qu'il respectait toujours les directives ministérielles Note de bas de page 27 .124. Aux yeux du Comité en revanche, ce retard du SCRS a eu des conséquences pour tout l'appareil de la sécurité et du renseignement. En se fiant à des exigences internes inexactes ou dépassées, il sera très difficile de rendre pleinement compte des activités du SCRS et d'exposer au Cabinet de la façon la plus complète comment celui-ci a donné suite aux priorités en matière de renseignement. De plus, le SCRS ne pourra pas fournir de mesures de production fiables sur les EPMR; autrement dit, l'appareil aura du mal à évaluer son rendement par rapport aux EPMR et aux priorités de renseignement. Le Comité croit que ce retard a affaibli la responsabilisation que le système était justement censé garantir.
125. Finalement, le SCRS n'a pas donné le bon exemple pour le reste de l'appareil. Comme le Comité l'a noté dans son introduction, le processus de définition des priorités de renseignement s'est amélioré avec les années, comme l'ont reconnu tous les ministères et organismes concernés. Ce processus, cependant, n'est pas plus robuste que la somme de ses parties. Le SCRS et le CST sont les deux organisations qui recueillent le plus de renseignement dans tout l'appareil d'État : aussi le Comité s'attend-il à ce que le SCRS s'affirme comme un chef de file quand il s'agit de définir les priorités de renseignement et les EPMR, de les appliquer, et de mesurer sa capacité à y répondre.
126. Résultat de cet examen, le SCRS a fait remarquer au Comité qu'il avait commencé à mettre en place de nouvelles structures de surveillance et plusieurs améliorations à sa façon de diriger les efforts de collecte et d'ordonner les priorités afin de mieux comprendre les besoins des clients. Il procède aussi actuellement à un examen de son système d'exigences en matière de renseignement, pour évaluer comment celui-ci traduit les priorités de renseignement en exigences et en directives pour son travail de collecte. Le SCRS travaille avec le BCP pour soutenir les améliorations continues au processus des EPMR Note de bas de page 28
Organisations d'évaluation
127. Le processus des priorités de renseignement est devenu plus inclusif avec l'ajout officiel, en 2013, du Secrétariat de l'évaluation du renseignement du BCP et du Centre intégré d'évaluation du terrorisme. Quand on fait mieux concorder ces organisations d'évaluation avec les priorités du gouvernement et les exigences de l'appareil, les organisations clientes (les ministères et organismes qui obtiennent du renseignement et des évaluations à l'appui de leur mandat légal) disent qu'elles reçoivent davantage d'analyses pertinentes et de produits informatifs dans leur domaine Note de bas de page 29 . Notant que l'évaluation du renseignement procure un contexte et une perspective sur le renseignement à la disposition de l'appareil, les ministères et organismes ont affirmé que l'inclusion des organisations d'évaluation dans le processus des priorités de renseignement avait rendu service au processus en même temps qu'à l'appareil de la sécurité et du renseignement. Cette inclusion a aussi donné au Centre intégré d'évaluation du terrorisme l'occasion de communiquer directement ses besoins et préférences en la matière indépendamment des autres membres de l'appareil, dont le SCRS, chez qui il est installé.
128. En outre, le Comité a été informé que l'inclusion de l'évaluation du renseignement dans le processus des priorités de renseignement avait commencé à aller au-delà des organisations se consacrant exclusivement à l'évaluation. Pour la première fois, le SCRS a fait part de son plan de production d'évaluations au groupe de travail pour les EPMR et au comité des SMA pour le renseignement. Le SCRS a communiqué cette information [traduction] « dans le souci d'être plus transparent, permettant une meilleure coordination et résolution des incompatibilités avec la communauté de l'analyse [de la sécurité et du renseignement Note de bas de page 30 ] ». Le Comité voit ces tendances comme autant de progrès.
Dépenses de ressources et mesure du rendement
129. Un autre aspect de la responsabilisation consiste à mesurer le rendement et les dépenses en regard des priorités. Depuis une dizaine d'années, les gouvernements successifs insistent sur l'intérêt de mesurer le rendement des activités gouvernementales, et ils adoptent de nouvelles manières de faire le suivi du rendement organisationnel et de rendre compte des dépenses connexes. Ce sont là des façons importantes de garantir le contrôle et la responsabilisation. L'importance d'évaluer l'efficacité du travail gouvernemental et d'accorder les ressources avec les priorités a été illustrée récemment dans les lettres de mandat adressées à chacun de ses ministres par le premier ministre. Comparativement aux autres volets de l'obligation de rendre compte en démocratie, l'appareil de la sécurité et du renseignement vit des difficultés uniques du fait que son travail est secret. Il importe d'autant plus que le Cabinet et les ministres disposent de mesures pour dûment répondre du rendement et des dépenses quant aux priorités de renseignement. C'est un défi majeur pour l'appareil du Canada comme pour ceux de ses alliés, et la difficulté de mesurer le succès dans un contexte de sécurité et de renseignement y est assurément pour quelque chose Note de bas de page 31 .
130. Les efforts pour une meilleure responsabilisation dans le domaine du renseignement ont commencé par un examen des dépenses. En 2011, le gouvernement a lancé le Rapport national des dépenses liées à la sécurité nationale, conçu pour mesurer les dépenses et autres ressources consacrées aux priorités de renseignement. Les réponses organisationnelles à cet examen ont beaucoup varié. Le gouvernement avait demandé à savoir comment les ministères et organismes allouaient leurs ressources financières et autres aux priorités de renseignement. La première itération, en 2012-2013, a été coordonnée par le Secrétariat du Conseil du Trésor; ce dernier a noté, premièrement que les rapports respectifs des ministères et organismes ne mesuraient pas les mêmes choses et ne procédaient pas de la même manière, et deuxièmement que la distinction restait souvent floue entre le renseignement proprement dit et les activités découlant du renseignement. Essentiellement, il n'a pas été possible de concilier l'information des diverses organisations pour brosser un portrait clair.
131. Au début du cycle de 2014-2016 pour l'établissement des priorités de renseignement, l'appareil comprenait qu'il devait définir les normes, la hiérarchie et les processus requis pour des rapports horizontaux plus robustes sur les dépenses et le rendement en matière de renseignement Note de bas de page 32 . Autrement dit, il avait besoin d'étendre la mesure du rendement au-delà des programmes de renseignement particuliers pour inclure comment le renseignement est utilisé à l'échelle de chaque organisation. En 2015, le CSNR a considéré les options pour élaborer un système de mesure du rendement au sein de l'appareil de la sécurité et du renseignement, après que le gouvernement ait exigé des rapports horizontaux plus robustes. Le BCP a informé le CSNR que
[traduction] si ce n'est que de donner une indication générale de la capacité de répondre aux instructions stratégiques, le cadre de reddition de comptes actuel ne suffit pas à savoir si l'appareil travaille bien ou efficacement [souligné dans l'original anglais]. Cette seconde interprétation du rendement cadre avec les recommandations que le Bureau du vérificateur général a faites en 1996 quant à intégrer les rapports sur le rendement au processus de priorités, avec l'objectif de donner aux cadres supérieurs des outils supplémentaires pour améliorer le rendement de l'appareil à l'appui des priorités Note de bas de page 33 .
132. Le BCP a présenté au CSNR deux options. La première consistait à créer un cadre de mesure du rendement complet expliquant les similarités et les différences entre les rapports des organisations concernées; sa mise en œuvre nécessitait cependant un travail stratégique, des investissements et un rôle moteur du BCP plus importants. L'autre option était une version simplifiée, axée sur la capacité de répondre plutôt que sur le rendement, mais qu'on pouvait mettre en œuvre dès le cycle en cours Note de bas de page 34 . Le CSNR l'a d'ailleurs choisie pour cette raison, et parce qu'elle répondait aux exigences du gouvernement. Il y a eu des conséquences sur la mesure des dépenses et aussi du rendement, comme nous allons le voir.
Dépenses : combien dépense l'appareil de la sécurité et du renseignement?
133. L'appareil de la sécurité et du renseignement a remis au Comité de l'information sur ses dépenses financières et ses ressources humaines. Selon cette information, les priorités de renseignement coûteraient à peu près *** par année au gouvernement du Canada, et mobiliseraient plus ou moins ***. Les organisations considérées ici sont l’ASFC, le SCRS, le CST, le MDN/FAC, Affaires mondiales Canada, le Centre intégré de l'évaluation du terrorisme, le BCP, Sécurité publique Canada, et enfin la GRC; leurs dépenses pour les priorités de renseignement totalisent juste un peu plus de *** pour cent de leurs dépenses totales (soit environ *** de dollars sur 31 milliards), puisque certaines ont des mandats et des fonctions supplémentaires sans rapport avec le renseignement Note de bas de page 35 .
134. Concernant les dépenses, le système révisé lancé en 2014 avait été conçu par le BCP, le SCT et Sécurité publique Canada, puis mis en œuvre en 2016. La méthode appliquée aux dépenses a été révisée pour démontrer de la souplesse, uniformiser les rapports financiers d'un ministère à l'autre, et mieux rendre compte des dépenses réellement et spécifiquement effectuées au service des priorités de renseignement. Les changements avaient aussi pour but de faciliter la responsabilisation, et de faire mieux correspondre les rapports avec les autres exigences de rapport ministériel en matière de finances. Cet examen a été rebaptisé l'Examen national des dépenses en renseignement, pour montrer qu'il se concentrait exclusivement sur les ressources et activités consacrées aux priorités de renseignement.
135. Mais malgré ces changements, la mise en œuvre de la nouvelle méthodologie ne s'est pas faite de façon uniforme dans tous les ministères et organismes. À certains endroits, il y a eu des changements dans le bon sens; le MDN/FAC par exemple se sont donnés une méthode complète pour calculer les dépenses, y compris ce qu'on pourrait appeler du menu détail (comme les heures de vol consacrées à une fonction de renseignement). Ailleurs, la méthodologie pour calculer les dépenses consacrées aux priorités du renseignement n'a pas abouti à une ventilation correspondante des dépenses; le SCRS par exemple a écrit dans son cadre ministériel des résultats Note de bas de page 36 qu'en 2016-2017, il avait consacré 100 pour cent de son budget aux priorités de renseignement. Et entre autres difficultés de procédures, mentionnons le retard de certaines organisations à fournir l'information pertinente, et la confusion entraînée par les différences de méthodes, des difficultés que l'appareil continue à gérer Note de bas de page 37 .
136. Ces incohérences compliquent la tâche d'évaluer la taille et la portée de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Ainsi, quand une organisation exagère dans les rapports ses dépenses à l'appui des priorités du renseignement, l'appareil ne peut avec exactitude ni apprécier, ni déclarer au Cabinet, la portion des dépenses globales consacrée aux priorités de renseignement en général, ou aux diverses fonctions particulières (évaluation, collecte, etc.). Cependant le BCP note que la validité des chiffres continue de s'améliorer, et que l'appareil a maintenant pour six ans de données financières annuelles Note de bas de page 38 .
Mesure du rendement : L'appareil fait-il bonne figure?
137. La mesure du rendement fait toujours face à d'importantes difficultés. Pour donner suite à la décision prise en 2014 de fournir une information plus complète, le BCP a dressé en 2015 un cadre de mesure du rendement. Comme nous l'avons vu, ce cadre était censé mesurer la qualité et l'efficacité de la contribution de l'appareil aux priorités de renseignement. Plus précisément, l'ébauche du cadre désignait quatre secteurs particulièrement importants :
- Fournir une information susceptible d'éclairer les échanges de ressources éventuels au sein de l'appareil.
- Situer en contexte les coûts associés aux diverses priorités de renseignement, et comprendre en quoi la coordination et les partenariats contribuent aux priorités plutôt que de simplement examiner les efforts d'organisations particulières.
- Donner une mesure claire de la capacité qu'a chaque organisation de donner suite à chaque priorité, et aussi de sa capacité à réaligner ou réharmoniser ses efforts au besoin, pour permettre aux cadres supérieurs et au Cabinet de considérer les lacunes importantes.
- Comprendre la capacité qu'a l'appareil de communiquer le renseignement efficacement et en temps utile aux clients, et la capacité de ceux-ci à gérer et utiliser au mieux le renseignement qu'ils reçoivent Note de bas de page 39 .
138. Le cadre envisagé faisait partie de l'option plus complète que le CSNR avait considérée en 2015 aux fins de mesure du rendement et des dépenses. Le CSNR a opté pour une formule de rapports plus simple, axée sur la souplesse à l'égard des priorités de renseignement plutôt que sur le rendement, avec une mise en œuvre plus facile. En conséquence, ce cadre pour définir les normes de l'appareil en mesure du rendement n'a jamais servi; l'appareil s'est plutôt concentré sur la mesure des dépenses et de la production.
139. Mesurer la production (c'est-à-dire le nombre de rapports de renseignement produits) sans mesurer le rendement pour fournir le contexte comporte des défis. De nombreuses organisations doivent relever le défi de compter la production lorsque les rapports ne peuvent pas être facilement catégorisés. Même si la pratique de la double (ou multiple) comptabilisation est conforme à la directive du BCP, elle entraîne des chevauchements considérables dans le calcul de la production sans contexte pour expliquer les incohérences. La double comptabilisation peut aider l'appareil et le Cabinet relever les endroits où il y a chevauchement dans la collecte et l'évaluation, néanmoins, elle peut également masquer à quel point l'appareil de la sécurité et du renseignement s'adapte à des priorités particulières.
140. Le CST a cherché à aborder la question en 2015. L'organisation a constaté que, en moyenne, 16 exigences en matière de renseignement différentes selon les EPMR ont été relevées pour chaque rapport Note de bas de page 40 - une mesure erronée de la façon dont l'organisation répondait aux exigences et aux priorités. (*** Le texte suivant a été révisé afin d'enlever les noms des priorités : Par exemple, un long rapport sur une priorité pourrait inclure une seule référence à une organisation sans fournir davantage de contexte. Ce rapport serait automatiquement consigné comme répondant aux deux priorités, alors que le rapport portait en réalité seulement sur la première priorité. ***] En réponse, le CST a mis en œuvre une méthode d'identification à l'aide de laquelle les analystes indiquent l'intention du rapport en faisant référence à des EPMR spécifiques. Le CST peut ainsi fournir des mesures reflétant l'intention des rapports plutôt que de se fier à des associations automatisées de mots-clés. Le CST assure également le suivi de ses rapports en fonction de la rétroaction des clients, y compris si le rapport a été lu par au moins un client et s'il a répondu aux besoins, s'il était exceptionnel ou s'il était exploitable Note de bas de page 41 . Ces méthodologies ont été combinées pour fournir une mesure du rendement quantitatif et qualitatif de la valeur de la production de renseignement.
141. La question de la mesure de la production sans mesurer le rendement pour fournir le contexte touche également d'autres organisations. Par exemple, le Secrétariat d'évaluation du renseignement du BCP a indiqué avoir produit *** rapports en 2017-2018. Ce nombre est dû en partie au fait que le Secrétariat compte comme des rapports distincts chaque élément du sommaire du *** (un document produit à l'intention des hauts fonctionnaires et des politiciens ***) et qu'il compte d'autres rapports plusieurs fois si le rapport correspond à plus d'une priorité Note de bas de page 42 .
142. Le Comité a appris que l'appareil de la sécurité et du renseignement cherche toujours une façon de surmonter ces défis et d'améliorer sa capacité de mesurer le rendement. Il comprend qu'il est difficile de mesurer le rendement en matière de renseignement, une difficulté avec laquelle doivent composer ***. Le BCP, qui coordonnerait un tel travail, ne possède pas les ressources nécessaires pour élaborer ou mettre en œuvre des améliorations substantielles. Néanmoins, la mesure du rendement est importante pour la responsabilisation. Les indicateurs de rendement mettent en contexte l'information sur les dépenses que l'appareil fournit au Cabinet pour la prise de décisions, qui, à son tour, appuie la gestion de l'appareil grâce à l'identification et à la compréhension des compromis, des priorités et des gains d'efficience possibles.
Conclusion
143. Le Comité conclut que le processus pour établir les priorités en matière de renseignements est fondamental pour assurer la responsabilisation dans un secteur d'activités qui représente un risque élevé en raison de sa nature délicate et des répercussions possibles sur les droits des Canadiennes et Canadiens et parce que, par nécessité, il est à l'abri d'un examen du public. Il s'agit d'un mécanisme essentiel pour coordonner et optimiser les activités ainsi que les ressources des ministères et des organismes de l'appareil de la sécurité et du renseignement. En effet, le gouvernement établit les priorités afin que les ministères et les organismes puissent mieux déterminer où utiliser leurs ressources limitées pour recueillir, évaluer et communiquer les renseignements. L'établissement de priorités et de compromis et le partage du fardeau font partie intégrante de la réussite de l'appareil de la sécurité et du renseignement du Canada, compte tenu de sa taille et de sa portée.
144. Le Comité reconnaît les améliorations qui ont été apportées au processus au fil des ans. Compte tenu de son importance, le processus devrait être aussi robuste que possible. L'examen a révélé un certain nombre de faiblesses, notamment :
- les directives ministérielles ne sont pas toujours publiées rapidement, conformes aux priorités ou pleinement mises en œuvre par les organisations;
- les EPMR doivent concorder avec la capacité de l'appareil de la sécurité et du renseignement du Canada;
- l'appareil doit s'assurer que le Cabinet reçoit tous les renseignements pertinents pour prendre des décisions;
- des systèmes pour suivre la mesure du rendement sont sous-développés et les systèmes pour suivre les dépenses financières manquent de cohérence.
145. Ces enjeux sont importants et devraient être réglés. La responsabilisation est minée par l'absence d'une excellente compréhension des limites et des faiblesses du renseignement, d'une pleine participation et mobilisation des participants et d'une coordination et d'une gestion solides et uniformes. Le Comité croit que ses recommandations contribueront à créer un processus plus robuste et, en fin de compte, plus responsable.
Conclusions du Comité
146. Le Comité tire les conclusions suivantes :
C1.
Non seulement la méthode pour fixer les priorités en matière de renseignement possède une bonne assise, mais la participation de tout l'appareil l'a rendue plus rigoureuse, inclusive, et systématiquement appliquée que jamais.
C2.
Coordonner les délais et la cohérence des directives ministérielles aux organisations participant au processus d'établissement des priorités de renseignement ajouterait de la rigueur à celui-ci, renforcerait l'élaboration des exigences permanentes en matière de renseignement (EPMR), et augmenterait la responsabilisation des ministres.
C3.
Vu le grand nombre d'EPMR, surtout au niveau de priorité le plus élevé, l'appareil peut difficilement s'assurer que le Cabinet dispose de l'information nécessaire sur l'importance relative des lacunes connues en matière de collecte et d'évaluation.
C4.
En général, les processus internes examinés par le Comité étaient appliqués et efficaces.
C5.
Le retard du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) à mettre à jour son document interne sur les exigences de renseignement pour y intégrer en temps opportun les nouvelles priorités et les nouvelles EPMR a miné la responsabilisation du Cabinet et du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, et a affaibli la responsabilisation du système qui appuie ces priorités.
C6.
La méthode de l'Examen national des dépenses en renseignement n'est pas appliquée assez uniformément pour fournir au Cabinet une information valide sur l'utilisation des ressources organisationnelles dans l'ensemble du gouvernement au service des priorités de renseignement.
C7.
La mesure du rendement pour l'appareil de la sécurité et du renseignement n'est pas suffisamment robuste pour fournir au Cabinet le contexte requis pour comprendre l'efficience et l'efficacité de l'appareil de la sécurité et du renseignement.
Recommandations
147. Le Comité formule les recommandations suivantes :
R1.
La conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, avec l'appui du Bureau du Conseil privé, investit et joue un rôle de gestion et de chef de file plus important dans le processus lié à l'établissement des priorités en matière de renseignement afin de s'assurer que les réponses organisationnelles aux priorités en matière de renseignement sont mises en œuvre rapidement et uniformément.
R2.
L'appareil de la sécurité et du renseignement élabore un aperçu stratégique des exigences permanentes en matière de renseignement pour s'assurer que le Cabinet reçoit la meilleure information possible pour prendre des décisions.
R3.
Sous la direction de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement et avec l'appui du Bureau du Conseil privé, l'appareil de la sécurité et du renseignement élabore des outils pour relever les défis liés à la coordination et à l'établissement des priorités en lien avec les exigences permanentes en matière de renseignement.
R4.
L'appareil de la sécurité et du renseignement, en consultation avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, élabore un cadre de mesure du rendement uniforme dans le but d'examiner dans quelle mesure l'appareil répond aux priorités en matière de renseignement, y compris un examen robuste et uniforme des dépenses relatives aux ressources.