Chapitre 4 : Examen des activités de renseignement du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement — Rapport annuel 2018

Introduction

148. Le Comité a examiné les activités du renseignement que mènent le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes (MDN/FAC) à l'appui du mandat de la défense. Le présent examen est important pour nombre de raisons. En effet, le renseignement de défense est crucial à la réussite des opérations des FAC et à l'exécution du mandat du MDN/FAC : pour la défense du Canada, la défense de l'Amérique du Nord (avec les États-Unis), la promotion de la paix internationale et de la sécurité, et l'appui des demandes légitimes d'autres ministères gouvernementaux visant à obtenir un soutien lié au renseignement de défense. Dans une large mesure, les Canadiennes et les Canadiens ne sont pas au fait de la fonction du renseignement de défense du MDN/FAC. Par ailleurs, un examen indépendant et externe du programme du renseignement de défense n'a jamais été réalisé. Sur le plan des ressources, le programme du renseignement du MDN/FAC est l'un des plus importants de l'appareil de la sécurité et du renseignement au Canada et devrait s'accroître au cours des prochaines années. Il englobe le spectre complet des activités du renseignement, ce qui signifie que le MDN/FAC peuvent mener tous les types d'activités du renseignement, notamment le renseignement électromagnétique, le renseignement d'origine humaine, la contre-ingérence et l'évaluation du renseignement.

149. De telles activités sont également menées par d'autres membres de l'appareil de la sécurité et du renseignement, comme le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ou la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui possèdent chacun un mandat législatif adapté à son champ de responsabilité. Bien que chacune des organisations possède un champ de responsabilités qui lui est propre, les activités du renseignement du MDN/FAC ne sont pas régies par le même type de structure législative. Plutôt, les activités du renseignement de défense se déroulent dans un cadre d'autorité au titre de certains aspects de la Loi sur la défense nationale et de la prérogative de la Couronne.

150. Le chapitre précédent exposait bon nombre des risques inhérents à la conduite des activités du renseignement. Parmi ces risques, mentionnons la divulgation de cibles du renseignement, portant atteinte aux relations du Canada avec l'étranger, ou la divulgation de sources du renseignement, mettant la vie de personnes en danger. Le renseignement de défense comporte les mêmes risques que toutes les activités du renseignement. Toutefois, ces risques ne touchent pas toujours les mêmes aspects et n'ont pas nécessairement la même ampleur que pour d'autres organisations dont les mandats sont plus étroitement liés aux droits des Canadiennes et des Canadiens Note de bas de page 1 . L'atténuation de ces risques demande des structures uniques à l'appui du contrôle et de la responsabilité ministériel.

151. Le Comité n'a pas mené un examen approfondi d'aspects précis des activités du renseignement de défense. L'étendue du mandat du MDN/FAC et la portée de leurs activités du renseignement sont trop larges pour un seul examen. Le Comité devait d'abord comprendre les activités du renseignement de défense dans leur ensemble. Par conséquent, il a décidé de restreindre son examen à deux parties. La première partie consistait en l'exploration des types d'activités que mènent le MDN/FAC et de la structure de leur organisation du renseignement. La deuxième partie se voulait un examen des autorisations en vertu desquelles ils menaient leurs activités du renseignement. Le Comité estime que cet examen améliorera la sensibilisation et la connaissance des Canadiennes, des Canadiens et du Parlement à l'égard du mandat et des activités du renseignement de défense du MDN/FAC. Cet examen pourrait également ouvrir la voie à d'autres examens réalisés par le Comité et par l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSASNR) proposé Note de bas de page 2 .

152. Suivant une première visite dans les locaux du ministère de la Défense nationale en mars, le Comité a entamé son examen en avril 2018. Il a d'abord porté son attention sur trois questions :

  • Quelles sont les activités du renseignement du MDN/FAC?
  • Au titre de quelles autorisations ces activités sont-elles menées?
  • À quels mécanismes de responsabilisation ces activités sont-elles assujetties?

153. Du 27 avril au 4 décembre 2018, le Comité a reçu et a examiné plus de 4 500 pages de documentation du MDN/FAC (classifiées et non classifiées), notamment des avis juridiques, des lettres ministérielles, des directives ministérielles, des documents d'orientation de travail et d'opérations, des manuels de formation, des notes d'information, des exposés, des autorisations et des instructions opérationnelles et des rapports de renseignement. Il a également reçu de nombreuses réponses écrites et a assisté à des séances d'information opérationnelles, entre autres sur le renforcement et l'utilisation des capacités du renseignement de défense, les autorisations légales et la prérogative de la Couronne, le renseignement d'origine humaine et la contre-ingérence. Il a étoffé ces documents avec des recherches universitaires et juridiques.

154. Outre deux séances d'information générales sur le rôle et les activités du MDN/FAC, le Comité a assisté à quatre séances d'information des représentants du MDN/FAC au cours de l'examen. La première portait sur la prérogative de la Couronne et son emploi dans l'autorisation de l'élaboration et de l'utilisation des capacités du renseignement de défense dans les opérations des FAC. La deuxième portait sur le rôle central que le renseignement de défense joue dans la planification et la conduite des opérations et était centrée sur le spectre complet des activités du renseignement du MDN/FAC ***. La troisième et la quatrième présentations visaient à déterminer s'il fallait conférer au MDN/FAC un mandat législatif clairement défini pour les activités du renseignement de défense.

155. Le Comité a aussi reçu des informations d'autres ministères gouvernementaux, notamment du CST au sujet de la Ministerial Directive on the Integrated SIGINT [Signals Intelligence] Operations Model Note de bas de page 3 , qui établit le cadre en application duquel le CST délègue aux FAC ses pouvoirs en vue de la collecte de renseignements étrangers ***; du ministère de la Justice relativement à la prérogative de la Couronne et aux pouvoirs visant le renseignement de défense; d'Affaires mondiales Canada relativement aux consultations interministérielles avec le MDN/FAC sur ***; et du SCRS au sujet de sa participation avec le MDN/FAC *** en application de l'article 12 de la Loi sur le SCRSs.

156. Le présent chapitre expose en détails les conclusions du Comité. Il traite des activités du renseignement de défense du MDN/FAC et de la façon dont elles soutiennent les opérations des FAC des débuts de la planification des déploiements jusqu'à la conduite des opérations militaires au quotidien. Il décrit le processus d'autorisation des activités du renseignement de défense et leur déroulement au pays et à l'étranger. Il décrit également le système administratif interne conçu par le MDN/FAC lié à la gouvernance des activités du renseignement. Ce système comprend des directives ministérielles, des autorisations ministérielles, des comités de surveillance internes, des examens internes, des politiques, des ordres administratifs et une doctrine Note de bas de page 4 . Ce système est aussi renforcé par des obligations légales issues de la chaîne de commandement qui, d'après le MDN/FAC, est un système de commandement et de contrôle applicable aux membres des FAC, en application du paragraphe 18(2) de la Loi sur la défense nationale et du Code de discipline (Partie III de la Loi sur la défense nationale). Ce système de commandement et de contrôle oblige les membres des FAC à se conformer aux ordres et aux directives légitimes et, selon le MDN/FAC, est un élément intégrant qui assure la responsabilisation et la conformité des activités du renseignement de défense Note de bas de page 5 .

157. Le programme du renseignement de défense fait partie légitime du mandat du MDN/FAC pour la défense du Canada et de ses intérêts à l'étranger. Le Comité reconnaît que, à tout moment, le gouvernement peut faire appel aux FAC pour qu'elles s'engagent dans une mission visant la protection du Canada et de sa population et le maintien de la paix et de la stabilité internationale, et que les activités du renseignement de défense font partie intégrante de la réussite des missions et des opérations du MDN/FAC. Le paragraphe 170 du présent chapitre illustre l'éventail des activités du renseignement de défense du MDN/FAC et leur utilisation dans le cadre du mandat lié à la défense.

158. Le Comité reconnaît que le système administratif de gouvernance des activités du renseignement de défense du MDN/FAC est un élément important qui permet d'atténuer les risques liés aux opérations du renseignement et d'assurer un contrôle et une responsabilisation appropriés des activités du renseignement de défense. Pourtant, il a relevé des failles dans le système. Notamment, il a constaté une évaluation officielle limitée de la conformité avec les directives ministérielles par l'organe de surveillance interne principal du MDN/FAC, des lacunes dans l'examen externe actuel des activités du renseignement de défense, ainsi que l'absence de processus normalisés qui permettent de déterminer un « lien » entre le recours aux activités du renseignement de défense et les missions autorisées des FAC et qui régissent la tenue de consultations interministérielles sur l'utilisation et la mise en œuvre d'activités du renseignement de défense de nature délicate. Il estime que ces lacunes minent le système de gouvernance et de responsabilisation mis en œuvre par le MDN/FAC visant à encadrer les activités du renseignement de défense. Enfin, le Comité a tiré quatre conclusions et formulé trois recommandations.

159. Le présent chapitre expose d'abord en détail la raison pour laquelle le Comité a décidé de réaliser un examen des activités du renseignement de défense du MDN/FAC. Il traite ensuite des autorisations en application desquelles les activités du renseignement de défense sont menées et conclut par une discussion sur les avantages et les risques d'intégrer les activités du renseignement de défense dans des mesures législatives.

Contexte : justification de l'examen

Importance d'accroître la connaissance du public au sujet des activités du renseignement de défense

160. Le Comité a décidé d'examiner le renseignement de défense en raison de plusieurs facteurs. Premièrement, le programme du renseignement de défense du MDN/FAC n'a pas fait l'objet de la même attention du Parlement ou du public que d'autres aspects des activités du MDN/FAC ou d'autres organisations du renseignement, soit le SCRS et le CST. Les recherches universitaires sur le renseignement de défense au Canada témoignent de cette lacune. Comme l'universitaire canadien Wesley Wark l'a constaté dans son étude sur l'évolution du renseignement militaire au Canada, [traduction] « la quasi-inexistence d'ouvrages sur l'histoire du renseignement militaire canadien et la nature fragmentaire des documents d'archives disponibles écartent la possibilité de documenter l'évolution de façon détaillée Note de bas de page 6  ». La même constatation s'applique à d'autres gouvernements du modèle britannique, comme le Royaume-Uni [traduction] :

[Le renseignement de défense n'a pas] encore fait l'objet du niveau [...] d'intérêt ou de préoccupation du public et des universitaires qui a entraîné l'examen attentif et fervent auxquels ont fait face les organismes nationaux et l'appareil du renseignement central du Bureau du Cabinet. [...] Les travaux sur le renseignement dépassent à peine le stade des balbutiements en ce qui a trait au renseignement de défense au Royaume-Uni. Ils ne font qu'effleurer la question plus large du rôle et du statut des institutions du renseignement de défense ensemble et séparément. Même pour le Royaume-Uni, le territoire inexploré reste intimidant de par son ampleur Note de bas de page 7 .

Ressources du MDN/FAC dédiées au renseignement de défense

161. Deuxièmement, le programme du renseignement du MDN/FAC fait partie des plus importants au Canada. Selon l'Examen national des dépenses en renseignement, mentionnée au chapitre 3 du présent rapport, les dépenses du MDN/FAC liées aux priorités du gouvernement du Canada en matière de renseignement occupaient *** au Canada en 2016-2017 et s'élevaient à *** (le SCRS a dépensé 582 millions de dollars). Ce montant représentait près de *** pour cent des dépenses totales enregistrées du ministère qui s'élevaient à un peu plus de 19 milliards de dollars Note de bas de page 8 . Le portrait est le même pour les ressources humaines: le nombre d'employés à temps plein du MDN/FAC se consacrant aux priorités du gouvernement en matière de renseignement se chiffrait à *** (*** pour le SCRS), auxquels s'ajoutent *** employés qui travaillent à d'autres aspects du programme du renseignement du MDN/FAC (le total s'élève donc à *** employés). De plus, il existe *** postes vacants liés au renseignement au MDN/FAC, qui prévoient accroître leur effectif de 300 employés dans le cadre de la Politique de défense Protection, Sécurité, Engagement.

Autorisations liées au « spectre complet » des activités du renseignement de défense

162. Troisièmement, le MDN/FAC mènent des activités du renseignement plus diversifiées que toutes les autres organisations du renseignement au Canada. Comme il est indiqué dans la Politique de défense, le Commandement du renseignement des Forces canadiennes (COMRENSFC) est « l'unique entité du gouvernement du Canada à utiliser le spectre complet des capacités de collecte de renseignements tout en assurant une analyse multisource ». La Politique se veut un engagement visant le renforcement de ces capacités. Bon nombre des activités du renseignement de défense à l'appui des opérations du MDN/FAC sont semblables aux activités menées par le SCRS, le CST et la GRC, plus particulièrement, les activités dans le domaine du renseignement d'origine humaine, du renseignement électromagnétique, de la contre-ingérence, du renseignement de sources ouvertes et *** Note de bas de page 9 . Comme l'indiquera le paragraphe 221, il s'agit aussi des aspects des activités du renseignement de défense que le MDN/FAC décrivent comme étant de nature délicate. Bien qu'elles soient similaires ou identiques, ces activités sont menées conformément aux mandats et aux autorisations conférés par la loi de chacune des organisations. Dans ce contexte, le Comité tenait à mieux comprendre les autorisations en vertu desquelles le MDN/FAC menaient leurs activités.

Risques associés aux activités du renseignement

163. Quatrièmement, les activités du renseignement comportent des risques. Le renseignement est presque toujours classifié afin d'en protéger les sources et les méthodes. La divulgation d'une cible du renseignement, comme un État étranger, pourrait gravement porter atteinte aux relations du Canada avec l'étranger. La divulgation d'une source ou d'une méthode de collecte pourrait mettre la vie d'une personne en danger ou pousser des cibles à changer leur comportement, ce qui entraînerait la perte de renseignements vitaux et peut-être des importantes ressources investies pour accéder à cette source. Les activités du renseignement peuvent également avoir des répercussions sur les droits des Canadiennes et des Canadiens, notamment en raison de méthodes d'enquête intrusives ou de l'échange d'informations (ou de renseignements) qui pourrait entraîner un traitement inapproprié. L'ampleur de ce risque est bien illustrée par l'instruction du ministre de 2018 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par les entités étrangères Note de bas de page 10 . Le Comité tenait à mieux comprendre la façon dont ces risques sont atténués dans le contexte du MDN/FAC.

Absence d'examen externe indépendant du renseignement de défense

164. Cinquièmement, le programme sur les activités du renseignement du MDN/FAC ne fait pas l'objet d'un examen externe indépendant Note de bas de page 11 . Le Comité croit qu'un examen externe indépendant des activités de la sécurité et du renseignement est l'un des points de départ afin d'améliorer la confiance du public dans les activités des organismes de la sécurité et du renseignement. En effet, un examen accroît la responsabilisation et la transparence. Depuis déjà un bon moment, des organismes externes indépendants examinent les activités du SCRS et du CST. Leur expérience montre qu'un examen améliore les opérations des organisations examinées et hausse la confiance des Canadiennes et des Canadiens à savoir que les organismes du renseignement agissent en conformité avec la loi, sont redevables de leurs actions et respectent les droits et les libertés des Canadiennes et des Canadiens. La décision du Comité de mener un examen exploratoire sur les activités du renseignement du MDN/FAC contribuerait à agir sur les lacunes liées à un examen externe indépendant.

Le renseignement de défense : définitions, structure et activités

165. Dans le cadre du présent examen, l'objectif du Comité était de comprendre ce qu'est le renseignement dans le contexte du MDN/FAC, qui mène les activités du renseignement, comment et où elles sont utilisées et qui les utilise. La présente section donne des définitions pertinentes et décrit la structure et les activités du renseignement de défense. La section qui la suit décrit les autorisations en vertu desquelles les activités sont menées.

166. Le MDN/FAC donnent un sens large au renseignement. La Politique de défense établit le rôle du renseignement dans toutes les sphères de la prise de décision et indique que le renseignement est crucial à la conduite des opérations nationales ou internationales Note de bas de page 12 . Dans son sens le plus large, le renseignement de défense comprend « toutes les activités du renseignement que mènent le MDN/FAC à l'interne ou à l'externe, [y compris] le renseignement interarmées, maritime, terrestre, aérien, spatial et le cyberrenseignement, du niveau tactique au niveau stratégique (ainsi que le renseignement géopolitique, économique, scientifique, technique et de sécurité) où un tel renseignement soutient la mission de défense et les responsabilités plus générales du gouvernement du Canada, dans le domaine de la défense nationale, de la sécurité nationale et des affaires étrangères Note de bas de page 13  ».

167. Plus précisément, le MDN/FAC donnent les définitions suivantes au renseignement et au renseignement de défense :

  • Renseignement : Produit de la recherche, du traitement, de l'analyse, de l'intégration et de l'interprétation des informations disponibles sur les États étrangers, les forces ou éléments hostiles ou susceptibles de l'être, la géographie et les facteurs sociaux et culturels qui contribue à la compréhension de l'environnement opérationnel réel ou potentiel. Le terme « renseignement » décrit également les activités qui mènent au produit, ainsi que les organisations qui les exécutent Note de bas de page 14 .
  • Renseignement de défense : Ensemble du renseignement qui appuie les objectifs et la planification militaires, au pays ou à l'étranger, et qui comprend le renseignement stratégique, opérationnel et tactique pour un spectre d'activités allant de l'élaboration de politiques, de plans et de directives militaires aux menaces et aux dangers précis auxquels peut faire face un commandant dans la poursuite d'une mission particulière ou l'atteinte d'un objectif, en passant par la compréhension d'un commandant relative aux capacités et aux intentions d'un adversaire Note de bas de page 15 .

168. Le MDN/FAC définissent aussi trois niveaux de renseignement : stratégique, opérationnel et tactique. Ces niveaux appuient l'élaboration de politiques et de plans militaires afin de guider la prise de décision du gouvernement et d'atteindre les objectifs stratégiques, fournissent les informations détaillées nécessaires à la planification générale des opérations militaires et soutiennent le recours continu aux forces militaires afin d'atteindre les objectifs particuliers du déploiement Note de bas de page 16 .

Le programme du renseignement de défense

169. Le programme du renseignement de défense du MDN/FAC emploie à l'heure actuelle plus de *** personnes (force régulière, force de réserve et civils) au sein d'une enveloppe de dotation allouée de près de *** postes. Ces employés sont répartis au sein des éléments constitutifs du programme du renseignement de défense: les organisations nationales du renseignement, les services des FAC et les commandements d'armée Note de bas de page 17 ci-dessous :

Organisations nationales du renseignement

  • Chef du renseignement de la Défense (CRD) : À titre d'autorité fonctionnelle du renseignement de défense Note de bas de page 18 , le CRD est chargé de fournir des conseils en matière de renseignement, de mettre sur pied des employés, du matériel et une connectivité spécialisés en renseignement pour les opérations des FAC, et de veiller à ce que les activités du renseignement de défense se déroulent de façon adaptée à la situation, efficace et redevable.
  • Commandement du renseignement des Forces canadiennes : Chargé de fournir des conseils, des produits et des services stratégiques en matière de renseignement, de mettre en place des capacités futures en matière de renseignement de défense, et de mettre sur pied des employés, du matériel et une connectivité spécialisés en renseignement pour les opérations.
  • Groupe des opérations d'information des Forces canadiennes : Chargé de la coordination, de l'élaboration et de l'utilisation des capacités en matière de collecte et de production de renseignements électromagnétiques.

Services des Forces armées canadiennes

  • Marine royale canadienne : Maintient le soutien en matière de renseignement de défense pour les forces navales déployées.
  • Armée canadienne : Maintient le personnel du renseignement terrestre au sein du personnel de I'Armée canadienne au quartier général de la Défense nationale et de son quartier général divisionnaire. Elle comprend aussi un régiment de renseignement, un régiment de guerre électronique et cinq compagnies de réserve.
  • Aviation royale canadienne : Maintient un effectif du renseignement aérien au quartier général, au sein de plusieurs divisions aériennes, de nombreuses escadres et de quelques escadrons.

Commandements d'armée

  • Commandement des opérations interarmées du Canada : Responsable de toutes les opérations, à l'exception de celles dirigées uniquement par le Commandement des Forces d'opérations spéciales du Canada, sous l'autorité directe du CEMD.
  • Commandement des Forces d'opérations spéciales du Canada : Responsable de toutes les opérations spéciales, y compris de répondre aux menaces terroristes qui pèsent sur les Canadiennes et les Canadiens et sur les intérêts canadiens à l'étranger.
  • Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) : Responsable devant les gouvernements canadien et américain de l'exécution des missions assignées au NORAD, y compris la surveillance aérospatiale, le contrôle aérospatial et l'alerte maritime.

Activités du renseignement de défense

170. Le MDN/FAC maintiennent un vaste programme du renseignement de défense qui inclut un éventail d'activités du renseignement. D'après le MDN/FAC, ces activités sont essentielles pour établir de façon exhaustive une connaissance de la situation en vue de protéger les forces déployées, les installations du MDN et son personnel, et contribuer à l'atteinte des objectifs de mission dans tous les environnements opérationnels. À l'heure actuelle, les activités du renseignement de défense du MDN/FAC comprennent Note de bas de page 19  :

  • Renseignement électromagnétique (SIGINT) : Tiré de l'interception, de la collecte, du traitement et de l'analyse de communications et de liens de données, y compris les courriels et les communications par téléphone cellulaire et téléphone, le renseignement électromagnétique comprend également les renseignements issus des émissions électromagnétiques et les signaux d'instrumentation provenant notamment de radar et de systèmes de guidage et de commande de missile Note de bas de page 20 . À titre d'exemple pratique, [*** Cette section donne un exemple pour décrire comment le SIGINT a été utilisé en soutien à une opération. ***] Note de bas de page 21 .
  • Renseignement par imagerie : Dérivé de la collecte et de l'analyse d'imagerie de satellite ou de dispositifs portatifs (par exemple, la schématisation de données ou des dommages d'une explosion et l'évaluation de données au moyen de l'imagerie).
  • Renseignement géospatial : Dérivé de la collecte et de l'analyse de divers capteurs et de données géomatiques, y compris de l'analyse de cartes, de tableaux ou d'informations nautiques à des fins de renseignement. À titre d'exemple pratique, ***, le renseignement géospatial et le renseignement par imagerie (*** Cette section donne un exemple pour décrire comment le renseignement géospatial a été utilisé en soutien à une opération. ***) Note de bas de page 22 .
  • Renseignement d'origine humaine (HUMINT) : Dérivé de la collecte et de l'analyse d'informations de sources humaines. Les activités HUMINT sont menées par des unités spécialisées et comprennent ***, ainsi que l'interrogation de détenus. Le MDN/FAC incluent également dans les activités les échanges normaux des FAC avec la population locale lors d'un déploiement, le dialogue diplomatique ouvert entre des homologues de l'étranger et les attachés de la Défense, ainsi que les entrevues structurées menées auprès de Canadiens ciblés par le personnel HUMINT des FAC Note de bas de page 23 . À titre d'exemple pratique, [*** Cette section donne un exemple pour décrire comment le HUMINT a été utilisé en soutien à une opération. ***] Note de bas de page 24 .
  • Contre-ingérence (CI) : Activités visant à cerner et à déjouer les menaces envers la sécurité du personnel, des installations et des informations du MDN/FAC par des services de renseignement, des organisations ou des personnes hostiles. Le MDN/FAC décrivent leurs efforts dans ce domaine comme englobant [traduction] « le spectre complet des activités de contre-ingérence aux fins de détermination des menaces qui pèsent sur la sécurité du MDN/FAC Note de bas de page 25 . »
  • Renseignement sur les mesures et signatures : Dérivé de la collecte et de l'analyse de signatures (caractéristiques uniques) de cibles fixes et en mouvement (comme ***).
  • Renseignement technique : Dérivé de l'information sur les capacités et l'exploitation de technologie étrangère qui pourrait avoir une application pratique militaire. Il s'agit notamment ***.
  • Renseignement médical : Dérivé de l'étude d'informations médicales, bio-scientifiques, épidémiologiques et environnementales en vue de la protection des forces déployées. Il s'agit notamment de l'analyse des répercussions d'une maladie et des dangers environnementaux sur les forces militaires.
  • Météorologie-Océanographie : Dérivé de l'étude de la chimie et de la physique de l'atmosphère (temps) et des aspects physiques et biologiques de l'océan. L'étude porte principalement sur les répercussions environnementales des conditions climatiques sur le personnel, les plateformes, les armes, les capteurs, les communications et la planification de mission.
  • Renseignement de sources ouvertes : Dérivé de la presse et d'autres médias, de documents de référence, de journaux, de publications et d'autres documents non classifiés.
  • [*** Cette section décrit une activité de renseignement spécifique. ***]

Pouvoirs du renseignement de défense

171. La section précédente définissait le renseignement dans le contexte du MDN/FAC et décrivait la structure du programme du renseignement de défense du MDN/FAC et ses activités. La section qui suit porte principalement sur les pouvoirs en vertu desquels le MDN/FAC mènent leurs activités du renseignement de défense et la mesure dans laquelle ces pouvoirs contribuent à la responsabilisation ministérielle et du ministère relative à leur utilisation.

172. En termes plus généraux, les pouvoirs de mettre sur pied une force militaire sont conférés par la Loi constitutionnelle de 1867, qui donne au Parlement fédéral l'autorité sur la défense. Le Parlement a exercé ce pouvoir lorsqu'il a adopté la Loi sur la défense nationale, au titre de laquelle le ministre de la Défense nationale est responsable des Forces canadiennes et est compétent pour toutes les questions de défense nationale. En ce qui a trait aux déploiements des forces militaires, le gouvernement autorise le recours des FAC par décision du premier ministre, du Cabinet, d'un ministre ou de plusieurs ministres (cette décision renvoie à une prérogative de la Couronne qui constitue en soi une autorisation légale et est décrite ci-dessous). L'autorisation du recours aux activités du renseignement de défense est issue de la décision précise visant le déploiement de forces militaires. Comme l'indiquent le MDN/FAC, [traduction] « l'autorisation de mener des activités du renseignement est implicite lorsque les FAC sont légalement autorisées, conformément à la loi ou à l'exercice de la prérogative de la Couronne, de mener des opérations militaires et d'autres activités de la défense » [caractère gras ajoutés] Note de bas de page 26 . Ni la Loi sur la défense nationale ni d'autres lois ne contient de dispositions régissant expressément la conduite des activités du renseignement de défense menées par le MDN/FAC.

173. Le déploiement des FAC, notamment l'utilisation des activités du renseignement de défense, sont régis et limités par les lois canadiennes et le droit international. La juge-avocat général des FAC l'a exprimé simplement dans ses remarques au Comité :

  • Toutes les opérations des FAC sont autorisées par la loi.
  • Même si les autorisations légales diffèrent selon le type de mission, toutes les opérations des FAC sont menées conformément à la loi :
    • Toutes les opérations nationales doivent trouver un fondement juridique dans les lois du Canada et être menées conformément aux lois du Canada;
    • Toutes les opérations à l'étranger doivent trouver un fondement juridique dans les lois du Canada et le droit international. Elles doivent être menées conformément aux lois du Canada et au droit international applicable Note de bas de page 27 .

Autorisations liées aux activités du renseignement de défense menées au Canada

174. Les activités du renseignement de défense contribuent aux opérations des FAC au pays dans la zone d'opérations canadiennes (qui comprend les eaux et les terres territoriales du Canada, notamment en Arctique). Ces opérations sont autorisées par la loi ou par l'exercice de la prérogative de la Couronne (traité plus en détail ci-dessous). Les opérations nationales sont menées pour :

  • affirmer la souveraineté du Canada : Les FAC décèlent et préviennent les activités de pays étrangers ou d'entités hostiles liées à un attentat réel ou possible, ou d'autres actes d'agression contre le Canada. À titre d'exemple du renseignement à l'appui de telles opérations, les FAC peuvent intercepter les communications radios d'un avion *** qui s'approche de l'espace aérien du Canada, permettant ainsi à l'Aviation royale de l'intercepter alors qu'il approche le Canada.
  • répondre aux demandes d'aide des autorités civiles : les FAC répondent aux demandes d'aide des autorités civiles dans des cas de catastrophes naturelles ou d'urgence, entre autres. Ces opérations sont assujetties aux lois canadiennes, notamment la Loi sur la défense nationale. Par exemple, les FAC peuvent effectuer des survols pour se préparer à répondre à des demandes d'aide afin de lutter contre des incendies de forêt.
  • cerner et déjouer les menaces pour la sécurité des employés du MDN, des membres des FAC et des biens et des informations du MDN/FAC : Le MDN/FAC cernent et déjouent les menaces que constituent les services, les organisations et les personnes de renseignement hostiles, qui peuvent s'adonner à de l'espionnage, à du sabotage, à de la subversion, à des activités terroristes, à du crime organisé et à d'autres activités criminelles Note de bas de page 28 . Par exemple, l'Unité nationale de contre-ingérence des FAC peut mener une enquête sur un soldat qui possède des liens suspects avec un État étranger.

175. Lorsque des activités du renseignement sont utilisées pour soutenir une opération nationale, leur portée est restreinte par la loi, par les responsabilités spécifiques de divers ministères et organismes fédéraux et par le partage des compétences entre les autorités fédérales et provinciales. Pour ce qui est des lois nationales, le MDN a mentionné plusieurs importantes sources de loi, notamment Note de bas de page 29  :

  • La loi sur la défense nationale : L'article 273.6 de la Loi permet au MDN/FAC d'accomplir des tâches de service public et à prêter assistance aux organismes d'application de la loi, et la Partie VI de la Loi détermine à quel moment les FAC peuvent venir en aide au pouvoir civil (c'est-à-dire d'intervenir en cas d'émeutes ou de troubles qui ne peuvent être réglés sans l'aide des FAC) Note de bas de page 30 .
  • La Charte canadienne des droits et libertés : Les activités du MDN/FAC ne doivent pas enfreindre les dispositions de la Charte, particulièrement l'article 7 (le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne) et l'article 8 (le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives).
  • Le Code criminel : Les activités du renseignement de défense du MDN/FAC ne doivent pas enfreindre le Code criminel, notamment les articles sur les mandats de perquisition et l'interception de communications privées.
  • La loi sur l'accès à l'information et la loi sur la protection des renseignements personnels : Les activités de collecte de renseignements et les pratiques d'entreposage du MDN/FAC doivent être conformes aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

176. Dans la plupart des cas, les opérations nationales des FAC sont menées à l'appui d'autres ministères et organismes et à la demande officielle de leur ministre. Dans de tels cas, les opérations en question, y compris les activités du renseignement de défense, sont menées conformément aux pouvoirs légaux de l'entité appuyée. Comme l'a indiqué la juge-avocat général, cela signifie que, lorsque les FAC soutiennent une autre organisation, leurs pouvoirs ne sont pas supérieurs à ceux de l'organisation appuyée Note de bas de page 31 . Pour résumer, les FAC peuvent mener une activité de renseignement (l'interception de communications radios par exemple) seulement à l'appui d'un autre ministère (comme la GRC) uniquement si ce ministère est autorisé (par un mandat de la Cour par exemple) à mener cette activité.

177. Pour illustrer le fonctionnement concret de ces pouvoirs et de ces limites, le MDN/FAC ont fourni des avis juridiques propres au cadre légal du renseignement de défense, ainsi que des exemples d'opérations nationales. Le premier exemple se rapporte à l'aide en matière de renseignement offerte dans le cadre du [*** Cette section fait référence à un évènement qui a eu lieu au Canada. ***]. Dans ce cas, le solliciteur général (maintenant le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), au nom de la GRC, a demandé [traduction] « de recourir au personnel et à l'équipement du MDN/FAC pour appuyer la GRC dans le cadre de ses fonctions de sécurité et d'application de la loi [*** Cette section décrit le type d'aide demandé par la GRC, ainsi que le fait que l'aide n'a pas été fourni. ***] Note de bas de page 32 . Le deuxième exemple se rapporte à l'aide du MDN/FAC dans le cadre [*** Cette section fait référence à un évènement qui a eu lieu au Canada. ***]. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a demandé aux FAC d'appuyer la GRC et, notamment, de leur fournir des renseignements liés ***. Le ministre de la Défense nationale a accepté d'offrir l'aide au titre de l'article 273.6 de la Loi sur la défense nationale.

Autorisations liées aux activités du renseignement de défense menées dans le cadre d'opérations à l'étranger

178. Les activités du renseignement de défense à l'appui des opérations à l'étranger des FAC sont assujetties à des limites similaires. Dans l'ensemble, le MDN a souligné que l'instrument de droit national ou international qui peut régir une activité du renseignement de défense varie selon les circonstances, notamment le lieu de l'opération, si l'opération est dirigée sous les auspices d'une invitation d'un État étranger ou d'une résolution des Nations Unies, si l'opération est menée dans le cadre d'un conflit armé international reconnu auquel s'appliquent des instruments précis de droit international et de droit international humanitaire, et si une activité particulière est réputée contrevenir au droit international ou au droit international humanitaire. En bref, l'instrument juridique qui régit la conduite d'une activité de renseignement varie selon les circonstances de la mission.

179. Le droit canadien suit les FAC. Que ce soit au Canada ou dans un déploiement à l'étranger, les membres des FAC sont assujettis au Code de discipline militaire (qui définit les infractions d'ordre militaire et couvre les infractions en contravention des lois fédérales, aux termes de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale) Note de bas de page 33 . Autrement dit, si un membre des FAC commet une infraction militaire à l'étranger, il peut être accusé et jugé selon le système judicaire canadien. De plus, les FAC sont assujetties aux instruments du droit international qui peuvent toucher les activités du renseignement de défense, y compris :

  • la Charte des Nations Unies,
  • les Conventions de Genève,
  • le droit des conflits armés.

180. Pour illustrer la façon dont ces pouvoirs et ces limites fonctionnent concrètement, le MDN/FAC ont fourni des exemples opérationnels sur le déploiement des FAC ***. Le premier exemple, soit l'utilisation d'activités du renseignement électromagnétique (SIGINT) dans le cadre d'opérations à l'étranger, démontre comment le droit canadien suit les FAC. Lorsqu'elles sont déployées, les FAC recueillent des renseignements électromagnétiques [*** Le texte suivant donne un exemple et note certains objectifs de l'utilisation du SIGINT. ***]. L'autorisation de mener cette activité du renseignement étranger se trouve dans les lois canadiennes, à la Partie V.1 de la Loi sur la défense nationale (Centre de la sécurité des télécommunications) qui est le fondement légal du CST. Pour ce qui est des opérations menées dans le cadre d'un déploiement, le ministre de la Défense nationale a délégué l'autorisation de mener des activités SIGINT du CST aux FAC grâce à la Ministerial Directive on the Integrated SIGINT Operations Model. Par conséquent, les activités SIGINT des FAC sont assujetties aux mêmes restrictions que les pouvoirs du CST conférés par la Partie V.1 de la Loi sur la défense nationale Note de bas de page 34 , notamment qu'elles ne peuvent pas viser un Canadien, sont assujetties à l'autorisation ministérielle pertinente et sont passibles d'examen de la légalité par le BCCST Note de bas de page 35 . En bref, l'autorisation des FAC de mener des activités SIGINT *** découle de la décision du gouvernement de déployer des forces ***. Quant à la conduite de ces activités, elle est dictée (dans ce cas, rendues possibles et limitées) par le droit national du Canada, la directive ministérielle et l'autorisation ministérielle.

181. Le deuxième exemple, soit les activités du renseignement d'origine humaine (HUMINT) des FAC ***, témoigne de la manière dont les activités des FAC sont assujetties aux instruments du droit international. Dans ce contexte, une équipe *** HUMINT *** lui fournir des renseignements qui pourraient contribuer à l'atteinte des objectifs de mission des FAC, comme [*** Le texte suivant décrit quelques objectifs de l'utilisation du HUMINT. ***]. Les activités HUMINT des FAC sont soumises à la doctrine opérationnelle qui renvoie à des sources du droit international, comme les protocoles aux Conventions de Genève qui interdisent le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats dans le cadre d'hostilités, notamment comme sources de renseignement ou agents Note de bas de page 36 . Tout comme l'autorisation des FAC leur permettant de mener des activités SIGINT, l'autorisation de mener des activités HUMINT découle de la décision du gouvernement de déployer des forces ***. La tenue même d'activités HUMINT doit être autorisée par le ministre dans chacun des cas et par des sources précises du droit national et international (comme les protocoles additionnels aux Conventions de Genève) Note de bas de page 37 .

Évaluation du Comité

182. Le Comité reconnaît que le MDN/FAC mènent des activités du renseignement sous une structure de pouvoirs unique et complexe. Essentiellement, l'autorisation permettant au MDN/FAC de mener des activités du renseignement découle de l'exercice par le gouvernement de la prérogative de la Couronne lié au déploiement des FAC. La conduite de ces activités par le MDN/FAC est régie par les instruments du droit national (c'est-à-dire l'article 273.6 et la Partie VI de la Loi sur la défense nationale) et international, les directives et les autorisations ministérielles, le système de gouvernance administratif interne des politiques, des procédures et des directives fonctionnelles du MDN/FAC, et les ordres donnés par l'entremise de la chaîne de commandement de l'armée. Dans la section suivante, le Comité se penche sur un examen de la nature et de l'utilisation de la prérogative de la Couronne, ainsi que de la composition de la structure administrative actuelle de la gouvernance du MDN/FAC pour les activités du renseignement de défense.

Qu'est-ce que la prérogative de la Couronne?

183. Outre les pouvoirs conférés par la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur la défense nationale, la principale source de pouvoirs liés au déploiement des FAC et de pouvoir dérivé lié à la conduite des activités du renseignement de défense connexes est connue sous le nom de prérogative de la Couronne. La prérogative de la Couronne est une source de pouvoirs et de privilèges de l'exécutif conférés par le Common Law à la Couronne Note de bas de page 38 . Le théoricien britannique sur la constitution A.V. Dicey décrit la prérogative de la Couronne comme étant [traduction] « le résidu du pouvoir discrétionnaire ou arbitraire dont la Couronne est légalement investie à tout moment Note de bas de page 39  ». Essentiellement, la prérogative de la Couronne est le pouvoir exercé par le gouvernement pour prendre des décisions dans des domaines où la prérogative n'a pas été remplacée, ou autrement limitée, par le Parlement par l'adoption d'une loi ou par les tribunaux.

184. La prérogative de la Couronne n'est pas sans limite. Dans le contexte canadien, le Bureau du Conseil privé a fait un suivi de la mesure dans laquelle le Parlement a réduit la prérogative de par la loi. Il indique que « [l]'évolution du gouvernement parlementaire a limité l'exercice des prérogatives, en les soumettant graduellement à la primauté du pouvoir légal de façon à substituer le pouvoir de la Couronne au Parlement au pouvoir de la Couronne individuelle Note de bas de page 40  ». Comme l'a fait remarquer la Cour suprême du Canada, « [d]ès qu'une loi régit un domaine qui relevait auparavant de la prérogative, l'État est tenu de s'y conformer Note de bas de page 41  ». Un exemple récent et pertinent de la substitution de la prérogative de la Couronne par le Parlement dans le domaine du renseignement est la continuation du CST dans la loi. Avant 2001, le CST menait ses activités au titre des pouvoirs conférés par la prérogative de la Couronne dans deux décrets Note de bas de page 42 . En décembre 2001, le Parlement a adopté la Loi antiterroriste, qui modifiait la Loi sur la défense nationale afin d'y incorporer le mandat, les pouvoirs et les limites légales des activités du CST.

185. Les décisions des tribunaux ont davantage limité la prérogative de la Couronne de diverses manières. Jusqu'à récemment, l'exercice des pouvoirs en vertu de la prérogative était assujetti au contrôle judiciaire seulement de façon très limitée. Si une prérogative était invoquée, les tribunaux devaient déterminer si un tel pouvoir existait déjà et, le cas échéant, sa portée et s'il avait été remplacé ou était limité par une loi. Au cours des dernières décennies, la portée de l'examen judiciaire des pouvoirs de prérogative s'est élargie en raison de l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, après quoi la Cour suprême du Canada a décidé que les décisions administratives, y compris l'exercice de la prérogative de la Couronne, pouvaient faire l'objet d'un contrôle judiciaire en application de la Charte si elles touchent aux droits constitutionnels d'une personne Note de bas de page 43 . Même en dehors de la Charte, la portée grandissante du contrôle judiciaire et de la responsabilité de la Couronne faisaient en sorte que les tribunaux étaient de moins en moins favorables à protéger les actions du gouvernement de l'examen judiciaire simplement parce que le pouvoir découlait de la prérogative. Par exemple, la Cour d'appel de l'Ontario a affirmé que l'exercice de la prérogative relève de la compétence des tribunaux ou peut être soumis aux procédures judiciaires si son sujet touche les droits ou les attentes légitimes d'une personne Note de bas de page 44 . La Cour a fait allusion à un « spectre d'examen » dans le cadre duquel les affaires de « haute politique », comme la décision de signer des traités ou de déclarer la guerre, dépassaient toujours généralement la compétence des tribunaux et n'étaient assujetties au contrôle judiciaire que pour des motifs fondés sur la Charte Note de bas de page 45 .

186. Néanmoins, s'il est vrai que la prérogative de la Couronne a été remplacée ou limitée par le Parlement ou les tribunaux, il existe tout de même des domaines où la prérogative de la Couronne est la seule source d'autorité. Il s'agit notamment de pouvoirs relatifs aux affaires étrangères, comme les déclarations de guerre et la signature de traités, et les pouvoirs liés aux forces armées Note de bas de page 46 . L'exercice de la prérogative concernant la défense a évolué au fil du temps pour refléter les principes de la responsabilisation parlementaire. Comme l'explique le professeur Craig Forcese [traduction] :

Dans la division des pouvoirs au Canada, le Parlement fédéral détient un pouvoir exclusif sur la défense. Le Parlement a édicté la Loi sur la défense nationale, qui a donné un cadre réglementaire aux FAC. Constitutionnellement, le gouverneur général est investi du commandement de l'armée. Toutefois, conformément aux conventions constitutionnelles du gouvernement responsable, le gouverneur général ne décide pas le moment ou l'endroit où déployer les FAC. En pratique, ce pouvoir est exercé par le Cabinet sous la direction du premier ministre Note de bas de page 47 .

187. Forcese décrit également au moins deux champs où le droit canadien a limité, mais peut-être pas remplacé complètement, la prérogative concernant certaines fonctions du MDN/FAC, notamment:

  • le déploiement des FAC au titre d'un décret en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence : Un tel déploiement pourrait faire l'objet d'un examen parlementaire en raison du système d'examen parlementaire de la loi;
  • le déploiement des FAC en application de l'article 273.6 (service public et assistance aux organismes d'application de la loi) et de la Partie VI (Aide au pouvoir civil) de la Loi sur la défense nationale : Ces dispositions de la Loi ont limité, mais pas complètement remplacé, deux décrets fédéraux analogues (qui sont eux-mêmes des exemples d'exercice de la prérogative de la couronne) : les Instructions sur l'assistance des Forces canadiennes aux corps policiers des provinces, qui ont instauré un système fédéral d'approbation de l'assistance des FAC aux organismes d'application de la loi provinciaux, et les Instructions sur l'assistance armées des Forces canadiennes, par lesquelles le commissaire de la GRC ou le ministre de Sécurité publique et Protection civile peut demander l'assistance de l'unité des forces d'opérations spéciales responsables des opérations antiterroristes (FOl2) Note de bas de page 48 .

188. Nonobstant l'évolution de la prérogative de la Couronne, plus particulièrement que bon nombre des privilèges et immunités de la Couronne ont été limités ou éliminés par une loi ou les tribunaux, y compris dans le domaine de la défense, ni la Loi sur la défense nationale, ni aucune autre loi, ne peut limiter la prérogative de la Couronne visant à déployer les FAC dans le cadre d'opérations à l'étranger. La prérogative de la Couronne demeure la source de pouvoirs en ce qui concerne les déploiements Note de bas de page 49 .

L'exercice de la prérogative de la Couronne

189. Au total, quatre principaux acteurs peuvent exercer la prérogative de la Couronne afin d'employer les FAC. Selon le Cabinet du juge-avocat général, il s'agit du Cabinet, du premier ministre et du ministre de la Défense nationale qui agissent indépendamment ou avec le concours du ministre des Affaires étrangères. Chacun de ces acteurs a exercé la prérogative de la Couronne qui a entraîné le recours aux activités du renseignement de défense dans le cadre d'une opération des FAC Note de bas de page 50 .

La prérogative de la Couronne et le renseignement de défense

190. Le MDN/FAC s'appuient sur la prérogative de la Couronne comme pouvoir pour la conduite des activités du renseignement de défense et ont déclaré que [traduction] « la prérogative de la Couronne est une source de pouvoir légal efficiente, efficace et adaptable pour les opérations militaires et les activités de défense, qui permet au gouvernement de reconnaître les conflits partout dans le monde et d'y répondre rapidement et avec souplesse Note de bas de page 51  ». Ils soutiennent que l'autorisation de mener des activités du renseignement de défense est implicite lorsque les FAC sont mandatées par la loi, conformément à la loi ou à l'exercice de la prérogative de la Couronne, de mener des opérations militaires et d'autres activités de défense Note de bas de page 52 . Autrement dit, les activités du renseignement de défense peuvent être autorisées dans le contexte des déploiements des FAC. D'après la Politique de défense, le « renseignement constitue la première ligne de défense du Canada. La défense du Canada, la capacité d'opérer efficacement à l'étranger et la possibilité de favoriser l'engagement sur la scène internationale dépendent de la collecte, de la coordination, de la fusion, de la production et de la diffusion systématiques de renseignement de défense Note de bas de page 53  ». Le MDN/FAC ont aussi déclaré que [traduction] *** Note de bas de page 54 .

191. Le Comité a également été informé de deux exemples importants où le MDN/FAC avaient créé une nouvelle activité du renseignement de défense ou un nouveau domaine d'opérations militaires, en vertu du pouvoir de la prérogative de la Couronne. Dans le cas des activités du renseignement, le MDN/FAC ont indiqué que la capacité HUMINT des FAC avait évolué comme secteur opérationnel du renseignement de défense depuis *** du Canada *** Note de bas de page 55 . Pour autoriser la création *** en ***, le ministre de la Défense nationale a invoqué la prérogative de la Couronne, conformément à l'obligation administrative interne du MDN/FAC selon laquelle chaque *** des capacités HUMINT doit être approuvé par le ministre Note de bas de page 56 .

192. En ce qui a trait aux domaines des opérations militaires, le MDN/FAC ont déclaré qu'en 2015, le gouvernement les avait autorisés à élaborer de nouvelles capacités pour les cyberopérations actives qui seront menées conformément aux directives du gouvernement. Le MDN/FAC ont précisé en indiquant qu'il s'agissait du développement d'un nouveau domaine d'opérations militaires, similaire aux domaines aérien, terrestre et maritime et que [traduction] « *** Note de bas de page 57  ». Les représentants du MDN ont souligné qu'ils ont demandé l'autorisation du gouvernement parce qu'ils avaient besoin de nouvelles ressources et que ces capacités pourraient toucher aux intérêts d'autres organisations, soit Affaires mondiales Canada (aspects sur la politique étrangère) et le CST (cyberexpertise opérationnelle et technique existante) Note de bas de page 58 .

193. Le MDN/FAC ont indiqué que la conduite des activités du renseignement de défense en vertu de la prérogative de la Couronne suppose un « lien » ou une « connexion raisonnable » entre les activités du renseignement de défense et la mission de défense. [*** L'information dans les paragraphes 193, 194 et 195 a été entièrement enlevée. ***]

194. *** Note de bas de page 60

195. Les questions concernant la prérogative de la Couronne et le renseignement de défense sont demeurées. *** Note de bas de page 61

196. En 2013, le MDN/FAC ont officialisé la nécessité d'un lien dans la Directive ministérielle sur le renseignement de défense (la Directive), selon laquelle il doit exister « un lien clair entre la nature et la portée d'une activité du renseignement de défense et les activités ou les opérations de renseignement de défense autorisées du MDN ou des FAC Note de bas de page 63  ». Dans leur explication du sens de la nécessité d'un lien, les représentants du MDN/FAC ont indiqué qu'il doit exister un lien clair entre le déploiement et l'utilisation d'une activité précise du renseignement et les objectifs de la mission. Le MDN/FAC ont ajouté que la nécessité d'un lien clair entre une activité du renseignement de défense et une mission autorisée par la loi agit comme une [traduction] « limite qui régit les activités du renseignement de défense Note de bas de page 64  ».

197. Le MDN/FAC ont répondu aux questions du Comité sur la façon dont le lien est établi et sur la manière dont fonctionnent en pratique les limites qui en découlent. Le MDN/FAC ont indiqué qu'aucune loi n'exigeait l'existence d'un lien entre une activité du renseignement de défense et une mission autorisée par la loi, et qu'il s'agissait d'une exigence politique de la Directive. Le MDN/FAC ont décrit le « lien » comme étant un « terme technique » et ont précisé qu'il n'y avait pas de ligne directrice ou de processus normalisé pour établir le lien Note de bas de page 65 . Plutôt, le MDN/FAC ont déclaré que le processus d'établissement d'un lien commence par l'autorisation du gouvernement de mener une mission, qui agit comme un « lien global » pour les activités du renseignement de défense Note de bas de page 66 .

198. Le lien est ensuite éclairci dans le cadre du processus de planification opérationnelle, qui est une procédure officielle visant à évaluer les besoins d'une mission en matière de forces et de ressources, y compris les capacités liées au renseignement de défense. Dans le cadre de ce processus, le MDN/FAC examinent les questions comme la menace qui pèse sur le personnel des FAC, la disponibilité du personnel et du matériel de renseignement, ainsi que la détermination du commandant relativement aux besoins de la mission et de la contribution possible du personnel canadien aux objectifs de la coalition. Ces évaluations font l'objet d'un examen juridique et stratégique rigoureux afin que soit établi, pour chaque cas, un lien entre l'utilisation d'activités du renseignement de défense et le mandat de la mission autorisée par la loi. Le MDN/FAC ont déclaré que le processus de planification est [traduction] « synonyme de l'établissement d'un lien Note de bas de page 67  » et que le lien est défini selon le cas afin de maximiser la souplesse pour les commandants. Toutes limites cernées dans le cadre du processus, et pour un lien précis, sont codifiées par l'entremise de la chaîne de commandement et des ordres opérationnelles, qui astreignent légalement le personnel des FAC à se soumettre à ces limites Note de bas de page 68 . Le CPSNR, a demandé s'il existait un facteur de proportion dans l'établissement d'un lien. Le MDN/FAC ont répondu qu'ils ne considéraient pas le lien comme étant une limite proportionnelle aux activités du renseignement de défense, mais plutôt qu'il constituait une façon d'adapter les activités de collecte de renseignements aux besoins et aux mandats légaux de chaque mission Note de bas de page 69 .

L'évaluation du Comité

199. Le Comité estime qu'il est important que la conduite des activités du renseignement de défense soit régie par un cadre de gouvernance exhaustif. Il a souligné que des éléments de ce cadre sont en place. Par exemple, les activités SIGINT du MDN/FAC risquent d'intercepter des communications privées. Ce risque est atténué par la Ministerial Direction on the Integrated SIGINT Operations Model, qui met en place le cadre selon lequel les FAC mènent des activités du renseignement étranger en vertu des pouvoirs du CST, régis par les mêmes limites imposées au CST par la Loi sur la défense nationale. Les opérations HUMINT des FAC comptent également des éléments du cadre. Par exemple, le fait de faire subir des interrogatoires à des détenus pourrait constituer une transgression des normes juridiques nationales ou internationales. Le MDN/FAC ont atténué ces risques de plusieurs façonsv: la conduite d'activités HUMINT doit être autorisée par le ministre chaque fois et les opérations HUMINT font l'objet de surveillance à divers échelons. Dans la même veine, la nécessité d'un lien entre l'autorisation de mission et les activités à l'appui vise à répondre aux risques énoncés *** sur la collecte de renseignements au-delà de ce qui est nécessaire.

200. Le Comité a passé un temps considérable à essayer de comprendre la signification du lien et la façon dont il est établi. Outre le fait qu'un lien signifie une connexion raisonnable entre une mission autorisée par la loi et une activité du renseignement de défense à l'appui, le Comité n'est pas convaincu que le cadre de gouvernance des activités du renseignement de défense fournit suffisamment de direction pour établir la connexion. Le MDN/FAC reconnaissent l'absence d'un processus normalisé leur permettant de l'établir.

201. Cela dit, le Comité convient absolument que la nécessité d'un lien est importante et devrait servir de limite aux activités du renseignement de défense. Toutefois, il est d'avis que l'établissement d'un lien peut seulement servir de limite pour les activités du renseignement de défense s'il est défini selon des principes clairs. Le Comité propose deux principes bien établis dans la loi et qui pourraient être adaptés aux circonstances uniques du MDN/FAC. Le premier est le « caractère raisonnabl  » : de quelle façon les représentants du MDN/FAC déterminent si l'utilisation d'une capacité du renseignement de défense est raisonnable dans le cadre d'une mission autorisée par la loi? Le deuxième est la « proportionnalité » : de quelle façon les représentants du MDN/FAC devraient-ils déterminer quelles activités du renseignement de défense sont proportionnelles aux objectifs de mission? Puisqu'il est important de déterminer la présence d'un lien pour remplir l'une des deux conditions à la conduite des activités du renseignement de défense (voir le paragraphe 208), l'élaboration de lignes directrices normalisées visant l'établissement d'un lien comblerait une importante lacune, assurerait une uniformité dans la prise de décision et améliorerait la transparence du processus.

Gouvernance et surveillance du renseignement de défense

202. La présente section décrit les mécanismes que le MDN/FAC ont mis en place pour assurer la gouvernance, les examens internes et la surveillance des activités du renseignement de défense, ainsi que la responsabilisation à cet égard.

203. Tel que décrits au chapitre 3 sur les priorités en matière de renseignement, les processus qui sont mis en place pour gouverner les activités du renseignement sont essentiels pour assurer la responsabilisation à l'égard des activités et des opérations du renseignement. Dans le contexte de la prérogative de la Couronne, le MDN/FAC ont élaboré une structure de gouvernance interne et un système administratif pour tenir compte des risques de la collecte de renseignements et pour en assurer la responsabilisation. Un système de la sorte est important. *** Note de bas de page 70 . La Directive ministérielle sur le renseignement de défense abonde dans le même sens :

Il est essentiel que la gouvernance et la responsabilité dans le cadre d'activités du renseignement de défense progressent au même rythme que l'évolution soutenue des activités de renseignement et des normes des milieux canadiens de la sécurité et du renseignement Note de bas de page 71 .

204. Le système administratif comprend cinq principaux mécanismes grâce auxquels l'orientation et les directives sont données pour la conduite des activités du renseignement. Parmi ces mécanismes, trois ont servi à établir des comités de gouvernance pour assurer la surveillance et la responsabilisation des activités de défense. Ces mécanismes sont :

  • La Directive ministérielle sur le renseignement de défense : Cette directive établit l'importance du renseignement pour la défense nationale, la sécurité nationale et les affaires étrangères, décrit les autorisations relatives aux activités du renseignement de défense et offre un cadre stratégique pour les politiques et les autorisations légales en matière de renseignement de défense Note de bas de page 72 .
  • La Directive ministérielle sur les priorités du renseignement de défensev: Cette directive repose sur le processus biannuel d'établissement des priorités du gouvernement du Canada en matière de renseignement et fournit une orientation au sous-ministre et au chef d'état-major de la Défense afin de concentrer la collecte, l'analyse, la production et l'évaluation de renseignement sur des enjeux précis Note de bas de page 73 .
  • Les Instructions du ministre pour éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères : Ces instructions interdisent la divulgation ou la demande d'information qui pourrait entraîner un risque substantiel de mauvais traitement à l'endroit d'une personne par une entité étrangère et interdit certaines utilisations de l'information qui est susceptible d'avoir été obtenue au moyen de mauvais traitements à l'endroit d'une personne par une entité étrangère Note de bas de page 74 .
  • Les autorisations ministérielles : Ces autorisations sont demandées pour mener des activités du renseignement de défense de nature délicate, notamment des activités HUMINT et SIGINT Note de bas de page 75 .
  • Les directives fonctionnelles du Chef du renseignement de la Défense (CRD) : Le CRD fournit des directives fonctionnelles au programme du renseignement de la Défense pour faire en sorte que les activités du renseignement de défense soient menées de manière efficace, responsable et souple. À ce jour, le CRD a émis 26 directives fonctionnelles qui portent sur la surveillance et la conduite des activités du renseignement de défense ainsi que sur le développement et l'emploi des capacités de renseignement, dans tous les domaines de capacités du programme.

205. Le Comité reconnaît l'importance de chacun de ces mécanismes. Aux fins de cet examen, cependant, le Comité se restreindra à la Directive ministérielle sur le renseignement de défense, pour son rôle prépondérant dans l'élaboration, l'utilisation et la surveillance des capacités de renseignement de défense. (L'importance de la Directive ministérielle sur les priorités du renseignement de défense est décrite dans le cadre de l'examen par le Comité des priorités en matière de renseignement au chapitre 3, et les directives fonctionnelles du CRD sont mentionnées ci-dessous, au besoin.)

La Directive ministérielle sur le renseignement de défense

206. La Directive ministérielle sur le renseignement de défense (ci-après « la Directive ministérielle ») établit la responsabilité du ministre lorsqu'il autorise des activités du renseignement de défense, à l'égard du Parlement et en sa qualité de ministre de la Couronne. La Directive ministérielle établit aussi la responsabilité des représentants du MDN/FAC à l'égard du ministre dans la conduite et la surveillance des activités du renseignement de défense.

  • 207. La Directive ministérielle stipule que le MDN/FAC peuvent renforcer, créer et utiliser des capacités de renseignement nécessaires pour prendre au bon moment des décisions et des mesures efficaces et légitimes Note de bas de page 76 . Les décisions de ce genre appuient les principaux rôles et les principales missions des FAC, notamment : la défense du Canada, la défense de l'Amérique du Nord (avec les États-Unis), la promotion de la paix et de la sécurité internationale, le développement des capacités des FAC, incluant la recherche et le développement et l'approvisionnement de la défense, ainsi que l'apport de soutien en matière de renseignement de défense aux autres ministères qui font des demandes légitimes à cet effet.
  • 208. La Directive stipule que les pouvoirs, le mandat et la mission en matière de renseignement de défense reposent sur deux principes :

    • Un lien clair entre la nature et la portée d'une activité du renseignement de défense et les activités ou les opérations de renseignement de défense autorisées du MDN ou des FAC;
    • Lorsqu'elle fait suite à une demande légitime, l'activité doit se conformer au mandat et aux pouvoirs qui régissent l'organisme demandeur.

    209. La Directive ministérielle donne une orientation claire sur la responsabilité du ministre à l'égard du renseignement de défense, et vise également le chef d'état-major de la Défense (CEMD) et le sous-ministre de la Défense nationale. Le CEMD doit rendre compte au ministre de la mise sur pied des capacités des Forces armées canadiennes, et en particulier des capacités du renseignement de défense. Cette responsabilité comprend aussi la surveillance et le contrôle des activités du renseignement de défense. Le sous-ministre est chargé de fournir des conseils stratégiques sur les questions du renseignement de défense, notamment l'harmonisation des activités du renseignement de défense aux politiques et initiatives élargies du gouvernement, et de relations de défense internationales. La Directive ministérielle ordonne aussi au sous-ministre et au CEMD « de collaborer dans leurs domaines respectifs de responsabilités de manière à assurer de l'élaboration et de la mise en place de politiques, de directives et de structures de surveillance adéquate en vue de maintenir le niveau le plus élevé possible de souplesse, d'efficacité et de responsabilité en matière de renseignement de défense ».

    210. La Directive oblige le sous-ministre et le CEMD à garder le ministre informé des activités du renseignement de défense conformément à son mandat et à ses responsabilités à titre de ministre. La Directive stipule que le sous-ministre et le CEMD doivent « mener des consultations interministérielles et juridiques adéquates avant d'autoriser ou d'entreprendre une activité du renseignement de défense qu'ils jugent particulièrement délicate » ou qui est susceptible d'avoir les effets suivants :

    • Atteinte à la sécurité nationale ou à la souveraineté du Canada;
    • Menace sérieuse à la vie d'une personne qui se trouve au Canada, ou à la vie d'un citoyen canadien à l'étranger, ou à ses droits constitutionnels ou conférés par la loi, ou bien de manière plus générale aux droits de la personne reconnus en droit international;
    • Menace sérieuse à la protection ou à l'amélioration des relations internationales du Canada ou à sa réputation à l'étranger;
    • Risque potentiel, réel ou perçu, que le gouvernement du Canada, le MDN ou [les FAC] soient exposés à des poursuites judiciaires à l'échelle nationale ou internationale, ou à des circonstances dans le cadre desquelles le Code de valeurs et d'éthique du MDN et des FC pourrait être enfreint;
    • Risque que des dossiers ou des activités entraînent des engagements financiers importants qui n'entrent pas dans le cadre des investissements et des dépenses autorisées par le gouvernement du Canada.

    211. Le Comité a demandé de l'information supplémentaire au MDN/FAC sur trois aspects clés de la Directive ministérielle:

    • Les responsabilités ministérielles : Avec quels moyens et à quelle fréquence le MDN/FAC ont-ils informé le ministre de l'utilisation ou du développement de capacités de renseignement de défense ou de dispositions qu'ils ont prises qui peuvent être de nature délicate et entraîner les risques décrits dans la Directive ministérielle?
    • La détermination de la nature délicate des activités du renseignement de défense : De quelle manière le MDN/FAC mesurent-ils ou évaluent-ils la nature délicate des activités ou des dispositions précises en matière de renseignement de défense?
    • Les consultations interministérielles et juridiques : Dans quelle mesure des consultations interministérielles et juridiques ont-elles lieu en ce qui concerne l'utilisation et le développement des capacités de renseignement de défense? De quelle manière le MDN/FAC atténuent-ils les risques ou les préoccupations soulevés dans ces consultations?

    212. Le Comité a étudié ces trois aspects dans les paragraphes ci-dessous.

    Responsabilités ministérielles

    213. Comme décrit précédemment, la Directive ministérielle offre une orientation au sous-ministre et au CEMD sur divers aspects liés aux activités du renseignement de défense et sur leurs obligations à l'égard du ministre. La gouvernance du renseignement de défense est un aspect important, puisqu'il représente un élément essentiel du cadre de responsabilisation du ministre et de ses représentants en ce qui a trait aux activités du renseignement de défense Note de bas de page 77 .

    214. Le ministre de la Défense nationale a inclus dans la Directive ministérielle l'obligation pour le sous-ministre et le CEMD de « présenter au ministre un rapport annuel sur la gouvernance, le rendement, les priorités stratégiques, le programme principal et les projets spéciaux en matière de renseignement de défense, ainsi que sur les politiques et les problèmes juridiques et de gestion d'importance. » Cette Directive ministérielle indique aussi que le commandant du Commandement du renseignement des Forces canadiennes / Chef du renseignement de la Défense (CRD) est responsable devant le sous-ministre et le CEMD de la production de rapports périodiques et ponctuels sur le respect de l'orientation fonctionnelle. À ce jour, le MDN/FAC ont présenté au ministre de la Défense nationale des rapports annuels sur le programme du renseignement de défense pour les années 2015, 2016 et 2017.

    Rapport annuel sur la gouvernance, le rendement et les priorités

    215. Le Rapport annuel sur le renseignement à l'intention du ministre de la Défense nationale 2015 définit le Comité de gestion du renseignement de la Défense (CGRD), présidé par le CRD, comme principal organisme de gouvernance interne pour aider le CRD à fournir une orientation stratégique coordonnée et à assurer la surveillance du renseignement de défense, et pour acheminer les questions d'orientation stratégique, de surveillance et de conformité au sous-ministre et au CEMD aux fins d'étude Note de bas de page 78 . Le rôle du CGRD permettant au CRD de fournir une orientation stratégique en matière de renseignement de défense et d'en assurer la surveillance est aussi mentionné dans les rapports annuels 2016 et 2017 Note de bas de page 79 . Le mandat du CGRD et les documents du MDN/FAC sur la structure de gouvernance du renseignement de défense indiquent que le CGRD est aussi censé étudier les propositions et les plans de capacités de renseignement ou de relations de nature délicate, de même que l'utilisation ou l'emploi de capacités ou de relations en matière de collecte de renseignements de nature délicate, et d'en informer le sous-ministre ou le CEMD lorsqu'il envisage la conception ou l'utilisation de capacités ou d'activités du renseignement de défense de nature délicate ou en demande l'approbation Note de bas de page 80

    216. Le MDN/FAC ont reconnu que le CGRD ne remplit pas entièrement les fonctions prévues Note de bas de page 81 . Dans le cadre de l'examen, le MDN/FAC ont démontré que le ministre de la Défense nationale est consulté et approuve l'utilisation de capacités précises de renseignement de défense de nature délicate. Toutefois, ces consultations ne sont pas le fruit des travaux du CGRD, parce que, selon les indications du MDN/FAC, ce comité est mieux adapté à la gestion du programme du renseignement de défense, notamment l'élaboration de politiques, l'établissement de priorités et la gestion des ressources humaines. Il a aussi souffert d'une composition trop vaste et ne s'est pas réuni assez souvent (une fois par trimestre tout au plus) pour s'acquitter de ses fonctions prévues. Au lieu, le MDN/FAC ont soumis les questions du renseignement de défense jugées délicates directement au sous-ministre, au Chef d'état-major de la Défense ou au ministre pour étude et décision Note de bas de page 82 .

    217. Le MDN/FAC ont aussi informé le Comité qu'ils ne possèdent pas de programme spécifique pour mesurer le respect de la Directive. Ils le font de façon limitée et exercent la surveillance et assurent le respect au moyen de la chaîne de commandement et à l'aide de comités de surveillance propres à certaines disciplines pour les activités de renseignement de nature particulièrement délicate (décrit au paragraphe 221 ci-dessous). Le MDN/FAC ont aussi déclaré qu'ils procédaient à la mise sur pied de deux nouveaux organismes internes pour assurer une surveillance centralisée des activités du renseignement de défense : la Direction - Examen, conformité et divulgation du renseignement, qui établira un programme officiel de conformité pour l'ensemble du programme du renseignement de défense et le Comité de su Neillance du renseignement de défense, qui sera présidé par le sous-ministre et le CEMD, se réunira trois par année et fera rapport au ministre au moyen d'une section dédiée dans le Rapport annuel sur le renseignement à l'intention du ministre de la Défense nationale Note de bas de page 83 . Les rapports annuels précédents sur le renseignement de défense n'ont pas fait état du manquement du CGRD à s'acquitter entièrement de ses fonctions prévues, ni des difficultés possibles qu'entraîne cette lacune à l'égard de la surveillance des activités du renseignement de défense.

    Évaluation du Comité

    218. Conformément à l'obligation dans la Directive ministérielle de présenter un rapport annuel, le MDN/FAC ont fourni des rapports annuels sur le renseignement de défense au ministre de la Défense nationale depuis 2015. Tel qu'indiqué au paragraphe 210 ci-dessus, chaque rapport doit informer le ministre des questions d'importance sur la gouvernance, le rendement, les priorités stratégiques, le programme principal et les projets spéciaux en matière de renseignement de défense, ainsi que sur les politiques et les problèmes juridiques et de gestion d'importance. Dans l'opinion du Comité, le fait que le CGRD n'a pas [traduction] « assumé un rôle clé dans la surveillance du respect et dans la communication des questions de nature délicate aux décideurs supérieurs Note de bas de page 84  » constitue un problème de gouvernance et de gestion substantiel, que le MDN/FAC règlent maintenant par la création de deux organismes distincts. Les rapports annuels n'abordent pas d'autres obligations importantes dans la Directive ministérielle, telles que la tenue de consultations interministérielles ou juridiques en raison de l'ampleur de la menace envers les relations étrangères ou la réputation du Canada, ou des menaces envers les droits des citoyens canadiens qui peuvent découler de l'autorisation de mener des activités ou d'établir des relations de renseignement de défense ou de la mise en place de celles-ci. Le Comité croit que l'inclusion d'éléments comme ceux-ci dans les rapports annuels subséquents rehausserait la responsabilisation du ministre à l'égard des activités du renseignement de défense.

    219. Même au premier stade de leur création, la Direction - Examen, respect et divulgation du renseignement et le Comité de surveillance du renseignement de défense devraient, selon le Comité, augmenter la capacité du MDN/FAC à faire le suivi et la mesure du respect des activités du renseignement, et soutiendront la responsabilisation du ministre à l'égard du programme de renseignement de défense.

    Détermination de la nature délicate des activités du renseignement de défense

    220. La Directive ministérielle comporte des exigences précises concernant les questions délicates. Tel que décrit au paragraphe 209, la Directive ministérielle astreint le sous-ministre et le CEMD à mener des consultations interministérielles et juridiques avant d'autoriser ou d'entreprendre une activité du renseignement de défense qu'ils jugent délicate, ou qui est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada ou à sa souveraineté, de menacer la vie et les droits constitutionnels des personnes au Canada et des Canadiens à l'étranger ou de menacer les relations internationales du Canada et sa réputation à l'étranger.

    221. Le MDN/FAC ont défini ce qu'ils entendent par « nature délicate» en ce qui concerne les capacités de renseignement de défense [traduction] : « qui exige une protection spéciale contre la divulgation parce qu'elle pourrait causer de l'embarras, poser une menace ou compromettre la sécurité Note de bas de page 85  ». Chaque domaine d'activité du renseignement de défense jugé délicat est associé à un organisme de surveillance interne désigné et à des exigences de consultation et de rapport. Ces organismes et exigences sont présentés au tableau 3.

    Tableau 3. Tableau de la surveillance des capacités du renseignement de défense de nature délicate du MDN/FAC
    Domained'activité délicat Organisme de surveillance Organisations consultées Rapport à la haute direction et au ministre
    HUMINT Conseil d'autorisation du renseignement humain du CEMD SCRS, juge-avocat général/conseiller juridique des Forces canadiennes Rapport annuel au CEMD sur *** Examens par un tiers
    *** Conseil de révision des évaluations *** Affaires mondiales Canada, SCRS, CST, ASFC, IRCC, juge-avocat général/conseiller juridique des Forces canadiennes SCRS, GRC, juge-avocat général/conseiller Rapport annuel au ministre et au Secrétariat du Conseil du Trésor Aucune exigence en matière de rapport
    Contre-ingérence Comité de surveillance de la contre-ingérence SCRS, GRC, juge-avocat général/conseiller juridique des Forces canadiennes, et autres forces de l'ordre et organismes de sécurité au besoin Aucune exigence en matière de rapport
    SIGINT Commandant du Groupe des opérations d'information des Forces canadiennes (avec l'équipe de conformité du CST) CST, juge-avocat général/conseiller juridique des Forces canadiennes Rapports annuels précis du Bureau du Commissaire du CST
    *** Commandant du Commandement du renseignement des Forces canadiennes SCRS, CST, juge-avocat général/conseiller juridique des Forces canadiennes Aucune exigence en matière de rapport

    Gouvernance du renseignement d'origine humaine (HUMINT)

    222. Cette section décrit l'un des domaines d'activité du renseignement de défense de nature délicate pour lesquels les autorisations ministérielles sont requises afin de permettre leur emploi *** : les activités *** humaines (HUMINT).

    223. *** tout le personnel HUMINT dans les opérations doit être approuvé par le ministre de la Défense nationale. Toutes les activités HUMINT font l'objet d'une surveillance officielle par le Conseil d'autorisation du renseignement humain de défense, qui est présidé par le CEMD. Ce conseil se réunit une fois l'an pour examiner la conduite générale des opérations HUMINT (***). Il comprend des représentants de l'ensemble du programme du renseignement de défense, le juge-avocat général et le SRCS Note de bas de page 86 . Un rapport annuel sur les opérations *** est préparé pour le CEMD, qui le communique avec le ministre. Le programme HUMINT fait l'objet de visites d'aide d'état-major régulières pour vérifier que les activités respectent les politiques et les directives Note de bas de page 87 .

    224. Les directives et l'orientation visant les opérations *** HUMINT émanent des directives fonctionnelles du CRD, telle que la Chief of Defence Intelligence Functional Directive : CF Policy Framework for the Conduct of HUMINT Activities. Entre autres choses, cette directive du CRD stipule que l'autorisation du ministre est requise pour [*** Cette section note certaines conditions imposées par la directive. ***] et que le ministre ou le CEMD peuvent ordonner un examen externe de ces opérations Note de bas de page 88 .

    225. Dans le cas des opérations *** HUMINT ***, l'autorisation ministérielle donnait la directive au CEMD de [traduction] « mener *** des opérations du renseignement humain en appui ***. » Le ministre a aussi ordonné que [traduction] « un examen externe *** soit mené, et qu'un rapport annuel classifié soit préparé à l'intention du ministre afin de fournir l'assurance du respect des FAC à l'égard de la lettre d'approbation du ministre et des directives associées qui ont été émises par la chaîne de commandement Note de bas de page 89 . »

    226. Conformément à la Directive ministérielle, trois examens externes des opérations *** HUMINT *** ont été menés par un entrepreneur externe ***. L'entrepreneur a cerné des problèmes précis, notamment des instances de non-respect de directives de la haute direction, ainsi que des erreurs, des omissions et des ambiguïtés dans les documents officiels qui consignent les décisions de la chaîne de commandement. Des recommandations ont été formulées pour améliorer les rapports à l'intention du ministre de la Défense nationale, et afin d'améliorer la rigueur, le contrôle de la qualité, l'examen et la surveillance des activités du renseignement ***. Les rapports d'examen comportaient des recommandations pour que la CO/ Directive on CF HUM/NT *** soit révisée en vue d'atténuer [traduction] « les interprétations divergentes de la Directive [... ] qui ont contribué à des instances de non-respect Note de bas de page 90  ». Le MDN/FAC ont accepté les recommandations et ont révisé la directive fonctionnelle.

    227. Les Forces armées canadiennes n'ont pas mené d'activités HUMINT dans les opérations entre ***. ***, le ministre a autorisé des opérations *** HUMINT *** plus tard la même année. [*** Le texte suivant décrit un ordre dans lequel le CEMD ordonnait que l'on réalise un examen des opérations HUMINT, et note que le MND/FAC n'a pas effectué cet examen dans les trois années qui ont suivi. ***] Note de bas de page 91 * * * Note de bas de page 92

    Évaluation interne des activités du renseignement de défense

    228. Depuis 2001, les activités du renseignement de défense ont fait l'objet de trois évaluations internes.

    Tableau 4. Évaluations internes des activités du renseignement de défense
    Date Examen Organisme d'examen Type
    2002 Évaluation interne du renseignement de défense Services d'examen du MDN Interne
    2004 Examen du renseignement de la Défense (ERO) Ensemble du MDN Interne
    2015 Évaluation interne du renseignement de défense Services d'examen du MDN Interne

    229. L'évaluation interne du renseignement de défense de 2015 a été réalisée par le groupe des Services d'examen du MDN/FAC et a porté sur la période 2009-2014. Cette évaluation s'est attardée à l'examen des résultats immédiats, aux activités, à la gouvernance et à la coordination du renseignement parmi les éléments du renseignement de défense à l'époque. L'évaluation a révélé qu'il y avait un besoin continu manifeste en matière de renseignements de défense, et que le programme de renseignement de la Défense demeurait pertinent malgré un environnement de menaces en évolution, puisqu'il produisait des renseignements de défense prêts à l'emploi pour le MDN/FAC et le gouvernement du Canada, et représentait un facteur clé des opérations militaires. L'évaluation a aussi permis de noter des améliorations possibles. Ces améliorations comprenaient la gouvernance du Programme du renseignement de la Défense, notamment de regrouper et de préparer des documents de gouvernance, de mettre à jour la doctrine des FAC, d'éclaircir le rôle et les responsabilités du Chef du renseignement de la Défense, et de concevoir de nouvelles stratégies en matière de ressources humaines pour le renseignement de défense (en particulier pour les analystes civil). L'évaluation de 2015 conclut que le renseignement de défense concordait bien avec les rôles, les responsabilités et les priorités du gouvernement et que la conduite des activités du renseignement était appropriée pour appuyer le droit à la légitime défense du gouvernement Note de bas de page 93 .

    230. Le MDN/FAC ont également mené des vérifications et des examens internes d'activités du renseignement de défense précises. La première est une vérification interne en deux phases du *** réalisée par les Services d'examen du MDN en 2013-2014. Dirigé par le Commandement du renseignement des Forces canadiennes, *** permet d'évaluer la menace que posent *** Note de bas de page 94 . La deuxième est constituée d'examens externes déjà mentionnés des opérations *** HUMINT des FAC ***, pour voir à ce que les opérations respectent toutes les politiques et les directives.

    Évaluation du Comité

    231. Le MDN/FAC ont donné suite aux recommandations de leurs examens, évaluations et vérifications internes. Par exemple, ils ont créé le poste de Chef du renseignement de la Défense (CRD) en décembre 2005 en réponse à l'Examen du renseignement de la Défense de 2004 et ont attribué au CRD l'autorité fonctionnelle du programme du renseignement de la Défense en 2013 grâce à la création du Commandement du renseignement des Forces canadiennes en 2013. Ils ont continué d'élargir et de mettre à jour leurs documents de gouvernance et ont mis en œuvre une stratégie de ressources humaines en 2016 pour le recrutement et le perfectionnement professionnel des analystes du renseignement de défense afin de répondre à l'évaluation de 2015 Note de bas de page 95 .

    232. Dans leurs exposés au Comité et dans la Politique de défense, le MDN/FAC reconnaissent l'importance de réaliser un examen civil des activités de sécurité nationale et du renseignement Note de bas de page 96 . Toutefois, ni le Comité ni l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSASNR) (proposé dans le projet de loi) n'est tenu, de par la loi, de mener des examens réguliers des activités du renseignement de défense du MDN/FAC. Par conséquent, des lacunes dans l'examen externe demeureront; les risques provenant de l'absence de cet examen ne seront alors que partiellement atténués.

    Consultations interministérielles et juridiques

    233. La Directive ministérielle astreint les représentants qu'ils mènent des consultations interministérielles et juridiques avant d'autoriser et d'entreprendre des activités du renseignement de défense de nature délicate. Le MDN/FAC ont déclaré que les consultations avec leur service juridique ont lieu à tous les échelons selon les pratiques courantes, et notent que [traduction] « les consultations interministérielles ont lieu lorsque les activités [du renseignement de défense] ont des répercussions sur le mandat des autres ministères et organismes du gouvernement, ou vice versa Note de bas de page 97  ».

    234. Le MDN/FAC ont fourni une liste d'exemples de questions et d'activités pour lesquelles ils ont consulté le conseiller juridique et d'autres ministères dans les deux dernières années. En voici des exemples :

    • Consultation du juge-avocat général et conseiller juridique des Forces canadiennes et du SCRS relativement à des activités HUMINT;
    • Consultation du juge-avocat général et conseiller juridique des Forces canadiennes et du CST relativement à des activités SIGINT;
    • Consultation du juge-avocat général et conseiller juridique des Forces canadiennes, du SCRS et de la GRC relativement à des activités de contre-ingérence;
    • Consultation du juge-avocat général et conseiller juridique des Forces canadiennes, d'Affaires mondiales Canada, du SCRS, du CST, de I'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et d'immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) relativement aux activités du ***;
    • Consultation du juge-avocat général et conseiller juridique des Forces canadiennes, du SCRS et du CST relativement à la politique qui gouverne ***;
    • Consultation du juge-avocat général et conseiller juridique des Forces canadiennes, d'Affaires mondiales Canada, du SCRS, de la GRC et du CST relativement à la mise en œuvre de l'instruction du ministre Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères Note de bas de page 98 .

    235. Le Comité a demandé au MDN/FAC de fournir des exemples précis de consultations qu'ils ont tenues avec d'autres ministères, qui correspondent à l'exigence de la Directive ministérielle. Le MDN/FAC ont présenté l'exemple, ci-dessous, qui a soulevé des préoccupations relativement aux procédures que le MDN utilise pour consulter les autres ministères, notamment, que le MDN/FAC n'ont pas de procédure normalisée pour mobiliser les autres ministères en ce qui a trait aux activités du renseignement de défense dans le cadre de la planification et de l'exécution des opérations déployées Note de bas de page 99 .

    236. [*** Les paragraphes 236, 237 et 238 ont été révisés afin d'enlever l'information préjudiciable et pour assurer la lisibilité du texte. Cette section décrit une situation dans laquelle des représentants du MDN/FAC ont informé le ministre de la Défense nationale qu'ils allaient consulter des représentants d'Affaires mondiales Canada, conformément à la Directive ministérielle sur le renseignement de défense de 2013. Dans la Directive ministérielle, il est noté que « le CEMD et/ou la sous-ministre doivent effectuer des consultations interministérielles et légales appropriées avant d'autoriser ou d'initier une activité de renseignement de défense qu'ils considèrent comme étant de nature particulièrement délicate, ou qui est susceptible d'avoir un impacte sur les enjeux suivants : ... une menace importante à la protection et/ou l'évolution des relations internationales et la réputation du Canada à l'étranger... » Ni le MND/FAC ni Affaires mondiales Canada n'a pu fournir au Comité une preuve de cette consultation. Les représentants du MND/FAC ont déclaré que le ministère n'avait pas de processus standardisé pour des consultations interministérielles pour ces cas particuliers, mais que ces consultations sont menées de façon informelle au jour le jour entre des représentants des deux organisations. Les représentants d'Affaires mondiales Canada ont dit que, s'ils avaient été consultés, ils auraient effectué des évaluations sur plusieurs enjeux, incluant sur les incidences sur les relations internationales du Canada. ***] Note de bas de page 100 . *** Note de bas de page 101

    237. *** Note de bas de page 102 *** Note de bas de page 103

    238. *** Note de bas de page 104 . *** Note de bas de page 105 . *** Note de bas de page 106

    Évaluation du Comité

    239. [*** Ce paragraphe a été révisé afin d'enlever l'information préjudiciable et pour assurer la lisibilité du texte. Le paragraphe décrit l'évaluation du Comité sur un des deux points importants. Le premier point est que le MND/FAC a effectué sa propre évaluation des risques associés à une activité aux relations internationales. Affaires mondiales Canada est l'organisation responsable d'effectuer ce genre d'évaluation de risque. Alors que les représentants du MND/FAC ont insisté que des consultations avec les représentants d'Affaires mondiales Canada sont routinières et institutionnalisées, ceux-ci n'ont pas fourni de preuve qu'ils ont consulté les représentants d'Affaires mondiales Canada, ce qui va à l'encontre des exigences de la Directive ministérielle. Les représentants d'Affaires mondiales Canada n'ont donc pas effectué leurs propre évaluation de risque. ***] Note de bas de page 107 . *** Note de bas de page 108 .

    240. La deuxième préoccupation d'importance provient de l'absence d'un processus officiel de consultations interministérielles sur l'utilisation d'activités du renseignement de défense dans les opérations. Le Comité redoute que l'absence d'un processus à cet effet, du moins dans ce cas, ait mené à l'incapacité du MDN/FAC de fournir une preuve de la consultation interministérielle requise par la Directive ministérielle.

    Renseignement de défense : la question de législation

    241. En tant que parlementaires, nous avons été saisis dans le cours de notre travail par les différentes structures de pouvoirs qui gouvernent les organisations de sécurité et de renseignement du Canada, et comment ces structures ont évolué au fil du temps. La décision du Comité d'examiner les activités du renseignement de défense du MDN/FAC était motivée en partie par le besoin de comprendre les pouvoirs en vertu desquels ces activités sont menées. Les paragraphes 171 à 200 examinent le cadre légal des activités du renseignement de défense du MDN/FAC. Le Comité a noté que le cadre actuel ne comprend pas de loi du Parlement, étant donné que les activités du renseignement de défense émanent de la prérogative de la Couronne. Conformément au mandat du Comité d'examiner le cadre légal des activités de sécurité nationale et de renseignement, la question à se poser est alors légitime : faudrait-il envisager de donner aux activités du MDN/FAC un fondement légal?

    242. Le présent examen a également donné lieu à des questions de comparaison, tant au pays qu'à l'étranger : les activités et les pouvoirs d'autres organisations, d'ici ou d'ailleurs, sont-ils semblables ou différents, et pourquoi? Tel qu'abordé dans le présent chapitre, le MDN/FAC, le SCRS et le CST mènent tous des activités similaires en matière de renseignement, quoique sous des mandats et des pouvoirs différents. Le SCRS et le CST ont reçu des fondements légaux en 1984 pour le premier et en 2001 pour le deuxième. Les dispositions législatives pour chacune de ces organisations ont été soigneusement élaborées pour tenir compte des mandats, des environnements opérationnels et des risques opérationnels très différents. Le Comité a résumé ces différences ci-dessous, puis a étudié la question que le gouvernement fournisse au MDN/FAC un fondement légal explicite pour la conduite d'activités du renseignement de défense en appui aux opérations militaires.

    243. À l'échelle internationale, d'autres pays ont considéré le rôle des parlementaires et des législatures dans l'approbation ou dans l'imposition de limites aux activités militaires Note de bas de page 109 . La plupart des enquêtes et des études dans les pays du Commonwealth ont tourné autour du remplacement juridique de la prérogative de la Couronne en ce qui a trait aux décisions relatives au déploiement des forces Note de bas de page 110 . À la connaissance du Comité, aucune analyse détaillée n'a été menée relativement aux rôles des parlementaires à l'égard des activités du renseignement de défense. Aucun partenaire du Groupe des cinq n'a donné de rôle législatif à son Parlement (pour les membres du Commonwealth) ou à son Congrès (pour les États-Unis) dans la décision du gouvernement d'approuver le déploiement des forces armées à l'étranger Note de bas de page 111 . Le Royaume-Uni possède ce qui s'approche le plus de ce rôle, même si le gouvernement n'est pas légalement tenu de recevoir l'approbation parlementaire avant le déploiement des forces armées Note de bas de page 112 . Des comités parlementaires du Royaume-Uni ont étudié cette question en long et en large depuis 2003 et ont proposé divers moyens pour officialiser le rôle du Parlement dans la loi, mais aucun de ces comités n'a examiné de près la question des lois relatives aux activités du renseignement de défense.

    Le contexte juridique canadien : le SCRS et le CST

    244. Avant 1984, le Service de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) était responsable d'enquêter sur les menaces envers la sécurité nationale du Canada et de les contrer. Au fil du temps, le Service de sécurité de la GRC a fait l'objet de critiques croissantes, parce qu'il abusait semble-t-il de ses pouvoirs et qu'il manquait de responsabilisation. De 1966 à 1981, six grandes commissions d'enquête dans les activités du Service de sécurité de la GRC ont eu lieu. La plus importante de celles-ci, la commission McDonald (1981), a recommandé une nouvelle architecture institutionnelle pour assurer une plus grande responsabilisation du Service de sécurité de la GRC. Parmi les principaux domaines de préoccupation de la commission McDonald se trouvait le manque de mandat juridique pour l'organisation. Le commissaire a déclaré :

    Nous croyons que l'histoire du Canada est maintenant arrivée au point où les intérêts de la sécurité comme ceux de la démocratie seraient mieux servis si le mandat de son service du renseignement pour la sécurité était inscrit dans une loi. [...] Un service gouvernemental de cette importance ne doit pas être régi presque uniquement au moyen de directives administratives. Or, c'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Pourtant, la démocratie parlementaire exigerait que ce service fût explicitement sanctionné par le Parlement Note de bas de page 113 .

    245. En réponse à la commission McDonald, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Cette loi prévoit la création du SCRS avec un mandat juridique de recueillir, d'analyser et de conserver du renseignement « sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada Note de bas de page 114 . » Entre autres choses, la Loi définit des termes clés tels que « menace envers la sécurité du Canada »; elle décrit les fonctions du SCRS; elle impose des limites précises à ses activités; elle prévoit un mécanisme d'autorisation et des mandats judiciaires afin de s'acquitter de ses fonctions et définit l'information qui doit être fournie pour satisfaire les tribunaux; elle prévoit l'examen indépendant de ses activités Note de bas de page 115 . Au cours des années, le SCRS a reçu des directives ministérielles pour assurer la gouvernance et la responsabilisation de l'organisation, et a vu à satisfaire aux exigences juridiques de ses activités grâce à des politiques et à des procédures.

    246. L'établissement d'un fondement légal pour les activités de sécurité nationale et du renseignement qui étaient menées précédemment en vertu de la prérogative de la Couronne n'a pas été fait uniquement pour répondre à des abus de pouvoirs ou d'autorité par un organisme de sécurité. L'évolution de la structure de pouvoirs du CST, depuis la prérogative de la Couronne jusqu'au fondement légal n'en n'est qu'un exemple. Le premier exercice de la prérogative de la Couronne qui a créé le CST est survenu est 1946, lorsque le gouvernement a émis un décret secret pour la création de la Direction des télécommunications du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). En 1975, un deuxième décret a changé le titre de la Direction à Centre de la sécurité des télécommunications et a fait passer l'organisation au portefeuille de la Défense nationale Note de bas de page 116 .

    247. En 1990, un comité spécial de la Chambre des communes a exprimé des préoccupations concernant les pouvoirs substantiels exercés par le CST, à la lumière du fait que le Centre avait été établi au moyen d'un décret, et de l'absence de mandat et de limites juridiques. Conséquemment, le comité spécial a recommandé dans son rapport, Une période de transition, mais non de crise, que le CST soit sanctionné dans la loi Note de bas de page 117 . En 2001, le gouvernement a accordé au CST un mandat juridique quand il a ajouté la Partie V.1 à la Loi sur la défense nationale, qui donnait suite aux recommandations précédentes du comité et qui répondait au besoin de renforcer les pouvoirs du CST selon la prérogative de la Couronne après les attaques du 11 septembre 2001 Note de bas de page 118 . Entre autres choses, la Partie V.1 de la Loi sur la défense nationale définit des termes clés, tels que « renseignements étrangers »; décrit le mandat en trois parties du CST; impose des limites précises à ses activités; prévoit un mécanisme de pouvoirs et les autorisations ministérielles pour permettre l'interception des communications privées pendant la conduite de certaines activités dans le cadre de son mandat, et impose des conditions qui doivent être satisfaites avant qu'une autorisation soit émise; et prévoit l'examen indépendant des activités du CST Note de bas de page 119 . Tout comme le SCRS, le CST a reçu une directive ministérielle pour assurer la gouvernance et la responsabilité envers son ministre, et a mis en place la directive au moyen de procédures et de politiques pour veiller à la conformité légale de ses activités.

    248. Lorsque des lacunes sont découvertes dans les pouvoirs du SCRS ou du CST, les ministres responsables soumettent au Cabinet une proposition pour étude, puis le gouvernement dépose des modifications aux lois pour examen parlementaire. Cette procédure est rigoureuse. Elle veille à ce que les ministres puissent étudier les répercussions sur les priorités générales du gouvernement et les intérêts de leur ministère, et fait en sorte que les parlementaires puissent envisager les répercussions sur les politiques publiques pour les Canadiens. À titre d'exemple, les modifications légales apportées en 2015 ont éclairci les pouvoirs du SCRS à s'acquitter de son mandat et de ses fonctions à l'extérieur du Canada, et ont fourni au SCRS le pouvoir de prendre des mesures pour réduire la menace envers la sécurité du Canada Note de bas de page 120 . Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-59 propose des changements substantiels au mandat du CST, notamment d'accorder au CST le pouvoir de mener du renseignement étranger et des opérations défensives et actives dans le cyberdomaine.

    Risques soulevés par le MDN/FAC

    249. Dans leurs multiples témoignages devant le Comité et dans leurs observations écrites, le MDN/FAC ont soulevé des préoccupations concernant la création d'un cadre légal explicite pour le renseignement de défense :

    • Les comparaisons avec le SCRS et le CST sont inappropriées. Le MDN/FAC ont déclaré que la comparaison entre les activités du renseignement de défense du MDN/FAC et celles des organismes du renseignement, telles que le SCRS et le CST, représente une [traduction] « faille fondamentale » de l'examen du Comité, puisque [traduction] « le MDN/FAC ne dirigent pas un organisme du renseignement ». Les comparaisons sont également inappropriées parce que [traduction] « le renseignement est la raison d'être principale de ces organismes, alors que le renseignement de défense n'est qu'un aspect du spectre des activités que mènent le MDN/FAC en appui aux opérations militaires et à la défense du Canada Note de bas de page 121 . »
    • Les risques inhérents aux activités du renseignement de défense du MDN/FAC sont différents de ceux des activités du renseignement du SCRS et du CST. Le MDN/FAC ont déclaré que [traduction] « le cadre légal [du SCRS et du CST] a été créé pour gouverner la collecte et l'utilisation du renseignement, à la suite de préoccupations relatives aux droits des Canadiennes et des Canadiens. Ces préoccupations n'existent pas dans le cas du MDN/FAC étant donné son absence de pouvoirs d'enquête Note de bas de page 122 . »
    • Risques à l'égard de la prérogative de la Couronne à l'extérieur des activités du renseignement de défense. Le MDN/FAC ont déclaré que le remplacement de la prérogative de la Couronne à titre d'autorité pour le renseignement de défense risque de remplacer la prérogative dans d'autres secteurs de la défense Note de bas de page 123 .
    • Risques liés à la coopération et au partage d'information. Le MDN/FAC ont déclaré que la création d'un cadre légal en matière de renseignement de défense peut nuire à la coopération internationale et au partage d'information avec les plus proches alliés du Canada Note de bas de page 124 .
    • Risques à l'égard de la souplesse opérationnelle. Le MDN/FAC ont déclaré qu'un cadre légal en matière de renseignement de défense peut nuire à la souplesse opérationnelle Note de bas de page 125 .

    Évaluation du Comité

    250. Le Comité a examiné l'expérience du SCRS et du CST pendant la transition de leur cadre légal entre la prérogative de la Couronne à une loi. Il a aussi débattu longuement des risques soulevés par le MDN/FAC, qui sont des préoccupations qui méritent une considération attentive. En fin de compte, cependant, l'examen du Comité a démontré qu'il existe des raisons légitimes de fournir au MDN/FAC un fondement légal explicite pour la conduite des activités du renseignement de défense. Le MDN/FAC possèdent l'un des programmes de renseignement les plus vastes au Canada, en termes de personnes et de dépenses. Dans le cadre de ce programme, le MDN/FAC mènent des activités du renseignement dans le spectre complet des opérations, y compris de l'évaluation et de la collecte de renseignements à l'aide de méthodes délicates, notamment du renseignement SIGINT et HUMI NT, des enquêtes de contre ingérence et *** - Ils sont la seule entité au Canada à mener toutes ces activités au sein d'une seule organisation. Or, des risques considérables sont associés à chacune de ces activités, y compris dans certains cas, des risques envers les droits des Canadiennes et des Canadiens.

    251. Le MD N/FAC dépendent de la prérogative de la Couronne pour le pouvoir implicite de mener des activités du renseignement de défense. Au contraire du SCRS et du CST, le mandat, les pouvoirs, les limites et les mécanismes de responsabilisation du MDN/FAC sont inconnus des Canadiennes et des Canadiens et ne font pas l'objet d'un examen au Parlement. Ils sont plutôt définis à l'aide de politiques administratives internes. En absence de fondement légal, les pouvoirs de mener de nouvelles activités du renseignement de défense ne sont également pas soumis à l'examen du Parlement. Le Parlement peut avoir l'autorité exclusive sur la défense, mais il n'a pas examiné les questions importantes des pouvoirs, des limites ou de l'élargissement des pouvoirs des activités du renseignement de défense. Au contraire du SCRS et du CST, le MDN/FAC mènent des activités de renseignement qui ne sont pas assujetties à un examen régulier par un organisme externe et indépendant. L'examen, peut, entre autres choses, renforcer la responsabilisation envers le respect de la loi d'une organisation. Le Comité croit que cette absence de fondement légal représente une anomalie dans le cadre juridique du Canada en matière de renseignement.

    252. À la suite de l'examen des structures, des pouvoirs et de la gouvernance des activités du renseignement de défense du MDN/FAC, le Comité estime que la création d'un fondement légal pour les activités du renseignement de défense apporterait des avantages substantiels. Parmi ces avantages, mentionnons le renforcement de l'examen parlementaire sur un domaine de politique publique quasi inconnu, mais essentiel à la sécurité et à la souveraineté du Canada; l'éclaircissement de la portée et des limites des pouvoirs du MDN/FAC; la définition des termes clés; l'établissement d'exigences officielles de consultations interministérielles; la détermination des mécanismes de responsabilisation, tels que les exigences de rapport au ministre et la tenue d'examens réguliers et indépendants. Le Comité reconnaît pleinement qu'une loi relative aux activités du renseignement de défense devra être soigneusement rédigée pour tenir compte du mandat unique du MDN/FAC et de ses obligations à l'égard du droit international.

    Conclusion

    253. Le Comité s'est attardé à trois volets dans le présent chapitre. Le premier, pour définir la nature, l'ampleur et la portée des activités du renseignement de défense; le deuxième, pour déterminer le cadre légal en vertu duquel ces activités sont menées; et le troisième, pour déterminer la structure de gouvernance qui est employée par le MDN/FAC pour assurer la surveillance et la responsabilisation du renseignement de défense. Le Comité n'a pas émis de conclusion sur le premier volet : il reconnaît le rôle vital que joue le renseignement de défense dans le mandat de la Défense nationale, un aspect particulièrement vrai en ce qui concerne la planification et la conduite d'opérations, la protection des membres des FAC et le déploiement des forces dans les opérations.

    254. Le Comité croit que le système administratif de gouvernance du MDN/FAC pour leurs activités du renseignement de défense forme une partie importante de l'atténuation des risques associés aux opérations du renseignement et de l'assurance de la responsabilisation et du contrôle appropriés. Or, le Comité a trouvé des faiblesses dans ce système et a formulé des conclusions et des recommandations qu'il croit pourront améliorer la gouvernance et la responsabilisation des activités du renseignement de défense du MDN/FAC.

    255. Relativement à la question d'un cadre législatif, le Comité s'est efforcé de présenter les risques et les avantages d'accorder un fondement légal au renseignement de défense. La demande du Comité au gouvernement d'envisager sérieusement des dispositions législatives à ce sujet témoigne de l'analyse qu'a faite le Comité de cette importante question.

    Conclusions du Comité

    256. Le Comité tire les conclusions suivantes:

    C8.

    L'élaboration et l'utilisation d'activités du renseignement de défense entraînent des risques inhérents, et requièrent des mesures robustes de contrôle et de responsabilisation. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes (MDN/FAC) ont mis en œuvre un système administratif interne de gouvernance pour le programme du renseignement de la Défense qui comprend des organismes internes de surveillance précis, une Directive ministérielle et des autorisations spéciales par le ministre de la Défense nationale pour l'emploi de capacités du renseignement précises, et une orientation fonctionnelle pour l'ensemble de son programme de renseignement.

    C9.

    La gouvernance du programme du renseignement de défense présente des lacunes dans les domaines suivants :

    • Le MDN/FAC n'ont pas de processus ou de principes normalisés pour déterminer le lien clair entre une mission autorisée et une activité du renseignement (paragraphe 200);
    • L'organisme principal de gouvernance interne pour le renseignement de défense, le Comité de gestion du renseignement de défense, n'a pas respecté son mandat d'aider le Chef du renseignement de la Défense à acheminer au sous-ministre et au CEMD les questions liées aux capacités du renseignement de défense de nature délicate (paragraphe 216); Le MDN/FAC ont fait des efforts limités pour mesurer et consigner le respect de leurs obligations selon la Directive ministérielle sur le renseignement de défense. La nouvelle Direction - Examen, conformité et divulgation du renseignement et le Comité de surveillance du renseignement de défense constituent une partie importante à cet égard (paragraphe 217);
    • Les rapports annuels sur le renseignement à l'intention du ministre de la Défense nationale n'abordent pas les difficultés ou les lacunes dans la surveillance du renseignement de défense, et sont muets sur le respect des aspects clés de la Directive ministérielle sur le renseignement de défense qui traitent des domaines de risque cernés (paragraphes 215-217);
    • Le MDN/FAC ne disposent pas d'un processus normalisé pour les consultations interministérielles (paragraphe 233).

    C10.

    Le programme de renseignement de défense a fait l'objet de vérifications et d'évaluations internes, qui ont menées à des recommandations mises en œuvre par le MDN/FAC. Il n'existe toutefois pas d'examen continu externe des activités du renseignement de défense du MDN/FAC. Ni le CPNSR, ni l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement proposée ne sont requis de mener des examens réguliers des activités du renseignement de défense du MDN/FAC.

    C11.

    Dans le cadre légal du Canada relatif à la sécurité nationale et à la sécurité, le MDN/FAC constitue une anomalie dans la conduite de ses activités de renseignement en vertu de la prérogative de la Couronne. Le caractère, le risque et la nature délicate des activités du MDN/FAC sont semblables à celles que mènent d'autres organisations de sécurité et de renseignement du Canada, qui fonctionnent selon des pouvoirs, des limites et des exigences d'examen continus clairement établis dans une loi adaptée aux exigences de leur mandat précis. Note de bas de page *

    Recommandations

    256. Le Comité tire les conclusions suivantes:

    R5.

    Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes (MDN/FAC) examinent et renforcent leur cadre administratif qui gouverne les activités du renseignement de défense, particulièrement en ce qui a trait à la Directive ministérielle sur le renseignement de défense, pour faire en sorte de respecter ses propres obligations de gouvernance et de rapport au ministre de la Défense nationale, et de bien faire le suivi du respect de ces obligations, notamment :

    • Concevoir un processus normalisé, ou des principes, pour déterminer le lien entre une activité du renseignement de défense et une mission autorisée par la loi;
    • Consigner le respect des obligations de la Directive, y compris les domaines de risque cernés dans la Directive qui ne sont pas actuellement inclus dans le rapport annuel à l'intention du ministre;
    • Mettre en œuvre un processus normalisé de consultations interministérielles concernant le déploiement de capacités du renseignement de défense, qui comprend une norme minimale de documentation.

    R6.

    Le gouvernement modifie le projet de loi C-59, Loi concernant les questions de sécurité nationale, de manière à ce que le mandat de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement proposé comporte une exigence explicite de faire rapport chaque année sur les activités du MDN/FAC liées à la sécurité nationale ou au renseignement.

    R7.

    Se basant sur les évaluations et les conclusions du Comité, le gouvernement envisage sérieusement de fournir un pouvoir légal explicite pour la conduite des activités du renseignement de défense.

    Addenda : Rapport spécial 2019 sur la collecte d'information sur les Canadiens par le MDN/FAC dans le cadre du programme du renseignement de défense

    258. Le 26 octobre 2018, le MDN/FAC a fourni au Comité une nouvelle directive, Chief of Defence Intelligence Functional Directive: Guidance on the Collection of Canadian Citizen Information. Cette directive a été publiée le 31 août 2018. Le MDN/FAC n'a pas fourni cette nouvelle directive fonctionnelle en temps utile, malgré son lien clair avec le mandat du Comité d'examiner les activités du renseignement de défense du Comité. Le MDN/FAC ont déclaré qu'ils avaient omis de fournir cette directive par erreur, une explication qu'accepte le Comité.

    259. Néanmoins, le Comité croit que le sujet de cette directive fonctionnelle est d'une importance considérable et mérite une analyse additionnelle dans le cadre de l'ensemble de directives et de politiques du MDN/FAC relatives aux activités du renseignement de défense. Le Comité estime également qu'une étude supplémentaire du programme de renseignement de défense du MDN/FAC serait utile pour l'évaluation de manière continue de la structure de pouvoirs et de gouvernance du programme du renseignement de défense. Le Comité a par alors pris la décision de terminer le présent chapitre de son rapport annuel, et de mener un examen distinct des pouvoirs et des directives du MDN/FAC pour recueillir, utiliser, conserver et diffuser de l'information et du renseignement sur les Canadiens dans le cadre de ses activités du renseignement de défense.

    260. En vertu de l'article 21(2) de la Loi sur le CPSNR, le Comité présentera un rapport spécial au premier ministre et au ministre de la Défense nationale en 2019.

    Appendice A : Directive ministérielle sur le renseignement de défense

    SANS CLASSIFICATION

    AUX : Sous-ministre de la Défense nationale Chef d'état-major de la Défense

    DIRECTIVE MINISTÉRIELLE SUR LE RENSEIGNEMENT DE DÉFENSE

    I. Avant-propos

    1.

    Le renseignement de défense constitue un volet essentiel et fait partie intégrante des opérations des Forces canadiennes (FC), qu'elles soient menées au pays, à l'étranger, en temps de paix ou au cours d'un conflit armé. Il apporte également une aide indispensable au ministère de la Défense nationale (MDN) en le soutenant dans le cadre de ses principales responsabilités, notamment dans les domaines de la recherche et du développement, du renforcement des capacités et de l'acquisition de matériel de défense. Enfin, il s'agit d'un élément essentiel pour pennettre au gouvernement du Canada (GC) de prendre des décisions éclairées en matière de défense nationale, de sécurité nationale et d'affaires étrangères.

    2.

    Au cours des dernières années, on a assisté à une prolifération des nouvelles menaces étatiques et non étatiques contre le Canada ainsi qu'à un rapprochement entre les rôles et les responsabilités du MDN et des FC et ceux d'autres ministères el organismes du GC et de nos partenaires et alliés du monde entier. Ce changement stratégique, de pair avec la croissance rapide des nouvelles technologies à l'échelle mondiale - et de la dépendance à celles-ci -, a complexifié grandement le contexte dans lequel se déroulent les opérations militaires modernes.

    3.

    Les changements observés ont modifié la nature même du soutien offert par le renseignement de défense et son administration efficace en est plus importante que jamais. Par conséquent, afin d'assurer l'efficacité et la responsabilité continue des programmes et des aclivités relevant du renseignement de défense, le document présent donne des directives et des conseils de haut niveau qui appuie le développement d'une gouvernance claire et détaillée.

    4.

    La directive présente est publiée avec l'autorisation du ministre en vertu de l'article 4 de la Loi sur la défense nationale (LDN). Elle donne des précisions au sous-ministre (SM) et au Chef d'état-major de la Défense (CEMD) au sujet de leurs responsabilités et obligations respectives, mais complémentaires, en matière de défense nationale. La directive ne vise pas le renseignement criminel, qui constitue une discipline distincte qui relève du grand prévôt des FC et de la police militaire.

    5.

    D'autres directives ministérielles seront éventuellement publiées afin d'offrir une orientation supplémentaire en ce qui concerne les questions relatives au renseignement de défense. Le SM et le CEMD sont tous les deux encouragés à in former le ministre lorsque des directives supplémentaires seraient avantageuses pour le renseignement de défense.

    II. Énoncé de politique

    6.

    Conformément aux directives du ministre sur l'établissement des priorités en matière de renseignement, le MDN et les FC peuvent renforcer, créer et utiliser les capacités de renseignement nécessaires pour prendre au bon moment des décisions et des mesures efficaces et légitimes en vue d'appuyer :

    • les missions et les rôles principaux des FC, y compris la planification et l'exécution des opérations courantes ou de contingence visant à défendre le Canada ou l'Amérique du Nord, en collaboration avec les États-Unis, et à promouvoir la paix el la sécurité dans le monde;
    • le renforcement des capacités des FC et les activités de mise sur pied d' une force, ainsi que toutes les responsabilités auxiliaires du MON, telles que la recherche et le développement, l' acquisition de matériel de défense; el
    • les demandes légitimes d'intervenants externes 9. ui veulent obtenir un soutien en matière de renseignement de défense.

    III. Pouvoirs. mandat et mission

    7.

    Le fondement juridique des activités de renseignement de défense, comme pour toutes les activités de défense, est solidement établi dans la législation canadienne (p. ex. la loi sur la défense nationale), le droit international et des éléments du droit commun (y compris la prérogative de la Couronne). Cependant, tous les moyens et procédés employés pour mener ces activités demeurent assujettis aux lois canadiennes et internationales applicables ainsi qu'aux politiques et aux directives du ministère et du GC.

    8.

    Le pouvoir de mener des activités de renseignement de défense suppose :

    • un lien clair entre la nature et la portée d'une activité de renseignement de déense et les activités ou les opérations de renseignement de défense autorisées du MDN ou des FC; ou,
    • dans les cas où un soutien en matière de renseignement de défense est offert à la suite d'une demande légitime d'un intervenant externe, un soutien conforme aux mêmes mandats et pouvoirs qui régissent l'organisme qui reçoit l'information.
    • * Dans le cadre de la présente directive, l'expression « intervenants externes » comprend, sans nécessairement s'y limiter, les autorités fédérales et provinciales ainsi que les partenaires et les alliés internationaux du Canada.

    IV. Obligations et responsabilités du CEMD par rapport au renseillnement de défense

    9.

    Le CEMD doit rendre compte au ministre du contrôle et de l'administration des FC, notamment en ce qui a trait aux moyens employés et aux résultats obtenus dans le cadre de la planification et de l'exécution des opérations et des activités de renseignement des FC. Il est également chargé du renforcement et de la mise sur pied des capacités des FC - y compris en ce qui concerne le renseignement de défense - dans le but de soutenir leur efficacité actuelle et future. Pour ce faire, il est responsable d'exercer une surveillance et un contrôle stricts des activités de renseignement de défense des FC, conformément aux obligations et aux restrictions énumérées dans les lois canadiennes et internationales applicables ainsi que les politiques et les directives du ministère et du GC.

    V. Obligations et responsabilités du SM par rapport au renseignement de défense

    10.

    Le SM est responsable de donner au ministre des conseils stratégiques éclairés sur toutes les questions relatives au renseignement de défense, que ce soit pour l'appuyer dans sa responsabilité individuelle à l 'égard du Parlement ou dans sa responsabilité générale envers le GC. Il se doit également conseiller le ministre sur les questions de relations internationales en matière de défense ainsi que sur l' harmonisation des activités de renseignement de défense avec les politiques et les initiatives plus vastes du GC.

    11.

    En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, le SM est responsable de la gestion prudente des ressources et des programmes ministériels - y compris les ressources affectées au renseignement de défense. À titre d'administrateur des comptes du MON et des FC, il est tenu par la loi de fournir aux comités parlementaires concernés un compte-rendu sur la façon dont les ressources sont organisées et affectées dans le cadre du programme de renseignement de défense. Il doit ainsi aider le Parlement à demander des comptes au gouvernement.

    VI. Rôle du Commandant du Commandement du renseignement des Forces canadiennes / Chef du renseignement de la Défense

    12.

    Sous la direction du CEDM et du SM, le Commandant du Commandement du renseignement des Forces canadiennes (Cmdt COMRENSFC) / Chef du renseignement de la Défense (CRD) agit à titre d'autorité fonctionnelle pour toutes les activités de renseignement de défense du MDN et des FC.

    13.

    Le Cmdt COMRENSFC / CRD relève directement du CEMD et a la responsabilité du leadership et de l'administration efficaces du Commandement du renseignement des Forces canadiennes (COMRENSFC) et de ses unités subordonnées. De plus, il assure la surveillance et l'orientation de toutes les activités de renseignement de défense du MON et des FC, y compris les opérations de déploiement, conformément aux priorités du ministère et des FC.

    14.

    Le Cmdt COMRENSFC / CRD en a également la responsabilité devant le SM ainsi que le CEMD en ce qui concerne :

    • l'orientation fonctionnelle régissant le renforcement, la création et l'emploi des capacités en matière de renseignement de défense;
    • la surveillance de la mise en œuvre de cette orientation fonctionnelle;
    • la gestion des ententes relatives au renseignement de défense avec des intervenants externes; et
    • la production de rapports périodiques et ponctuels sur le respect de l' orientation fonctionnelle, les questions préoccupantes ou les problèmes potentiels, et la formulation de recommandations sur les mesures correctives nécessaires.

    15.

    À titre d'autorité fonctionnelle du renseignement de défense, le Cmdt COMRENSFC / CRD s'assure que le MDN et les FC respectent toutes les lois canadiennes et internationales applicables, les politiques et les directives du GC et du ministère, ainsi que les ordonnances et les directives du CEMD et des FC.

    VII. Directives à l'intention du SM et du CEMD

    16.

    Il est essentiel que la gouvernance et la responsabilité dans le cadre des activités de renseignement de défense progressent au même rythme que l'évolution soutenue des activités de renseignement et des normes des milieux canadiens de la sécurité et du renseignement. Le SM et le CEMD doivent collaborer pour s'assurer de l' élaboration et de la mise en place de politiques, de directives et de structures de surveillance adéquates en vue de maintenir le niveau le plus élevé possible de souplesse, d'efficacité et de responsabilité en matière de renseignement de défense. Le cadre de gouvernance et de responsabilisation doit prévoir des mesures pour appuyer les éventuels mécanismes d'examen du renseignement de défense. S'il y a lieu, le ministre fournira d' autres directives sur l'élaboration de tels mécanismes.

    17.

    Conformément à leurs responsabilités respectives, et pour assurer une reddition de comptes continue en matière de renseignement de défense, le SM et le CEMD doivent exercer une surveillance rigoureuse et faire preuve de bon jugement lo rsqu'ils autorisent le renforcement ou l' utilisation de capacités dans le domaine du renseignement de défense ou envisagent de le faire. Ils doivent également veiller à ce que le ministre demeure bien informé des activités qui s'y rattachent conformément à son mandat tel qu' il est décrit dans la Loi sur la défense nationale, ainsi qu'à ses responsabilités élargies à titre de ministre fédéral.

    18.

    Le CEMD et le SM doivent mener des consultations interministérielles et juridiques adéquates avant d'autoriser ou d'entreprendre une activité de renseignement de défense quïls jugent particulièrement délicate ou qui est susceptible d' avoir des répercussions importantes d'une des façons suivantes :

    • atteinte à la sécurité nationale et la souveraineté du Canada;
    • menace sérieuse à la vie d'une personne qui se trouve au Canada, ou à la vie d'un citoyen canadien à l' étranger, ou à leurs droits constitutionnels ou conférés par la loi, ou bien de manière plus générale aux droits de la personne reconnus en droit international;
    • menace sérieuse à la protection ou à l' amélioration des relations internationales du Canada ou à sa réputation à l'étranger;
    • risque potentiel, réel ou perçu, que le GC, le MDN ou les FC soient exposés à des poursuites judiciaires à l'échelle nationale ou internationale, ou à des circonstances dans le cadre desquelles le Code de valeurs et d'éthique du MDN et des FC pourraient être enfreint; et
    • risque que des dossiers ou des activités entraînent des engagements financiers importants qui n'entrent pas dans le cadre des investissements et des dépenses autorisés par le GC.

    19.

    De plus, le SM et le CEMD doivent s' assurer que le MDN et les FC mènent des consultations interministérielles adéquates, y compris auprès du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, avant de conclure une entente liée au renseignement de défense avec un gouvernement, une organisation ou un organisme multilatéral étrangers. Ils doivent veiller à ce que le ministre soit bien informé de toute nouvelle entente internationale liée au renseignement de défense, ainsi que de toute modification importante à la nature ou à la portée d'une entente existante.

    20.

    Conformément à leurs responsabilités respectives, le SM et/ou le CEMD peuvent demander au ministre, s'ils jugent que c'est approprié, de décider si une activité ou une entente relative au renseignement de défense doit être autorisée, ce qui tient compte des responsabilités et du mandat du ministre tels qu' ils sont décrits dans la Loi sur la défense nationale, ainsi que de ses responsabilités à titre de ministre fédéral.

    21.

    Enfin, le SM et le CEDM doivent présenter au ministre un rapport annuel sur la gouvernance, le rendement, les priorités stratégiques, le programme principal et les projets spéciaux en matière de renseignement de défense, ainsi que sur les politiques et les problèmes juridiques et de gestion d'importance. Le ministre s' appuiera sur les renseignements et les conseils que contiennent ces rapports pour remplir ses obligations à l'égard du Parlement, pour s'acquitter de ses responsabilités envers le premier ministre et le Cabinet, et pour communiquer avec le public et les médias au sujet de questions liées au renseignement de sécurité.

    22.

    La présente directive demeurera en vigueur jusqu'à nouvel ordre.

    [[TO DO: add signature photo?]]

    L'honorable Rob Nicholson

    Ministre de la Défense nationale