Chapitre 1 : La diversité et I'inclusion clans l'appareil de la sécurité et du renseignement — Introduction
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement : Rapport annuel 2019
Introduction
Justification et aperçu
10. Le Canada est un pays multiculturel avec une population diversifiée et un portrait démographique en évolution sans cesse. À l'heure actuelle, les immigrants comptent pour les deux tiers de la croissance démographique, la population autochtone Note de bas de page 1 s'accroît quatre fois plus vite que la population non-autochtone, 22 % des personnes âgées de 15 ans et plus ont une incapacité et jusqu’à 13 % des personnes se définissent comme étant LGBT Note de bas de page 2 . Le gouvernement estime que d'ici 2031, les personnes qui font partie des minorités visibles formeront près du tiers de la population canadienne Note de bas de page 3 . La fonction publique du Canada doit s'adapter à ces changements. Comme le greffier du Conseil privé l’a déclaré : « Notre fonction publique tire sa force de la diversité et de l'inclusion. Toutes les voix de notre Canada méritent d'être entendues Note de bas de page 4 ».
11. La diversité et l'inclusion sont deux des principales valeurs de la fonction publique. Selon le Groupe de travail conjoint syndical-patronal sur la diversité et l'inclusion du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) : « un effectif diversifié dans la fonction publique est constitué de diverses personnes présentant une vaste gamme d'identités, d'habiletés, d'antécédents, de cultures, de compétences, de points de vue et d'expérience qui sont représentatifs de la population actuelle et en évolution du Canada. Un milieu de travail inclusif est juste, équitable, positif, accueillant et empreint de respect. Il reconnaît et met en valeur les différences sur le plan de l'identité, des habiletés, des antécédents, des cultures, des aptitudes, des expériences et des points de vue qui appuient et renforcent le cadre des droits de la personne en évolution du Canada, en plus d'en tirer parti Note de bas de page 5 . » [caractères gras ajoutés]
12. En plus d'avoir une valeur normative, la diversité et l'inclusion offrent des avantages concrets pour le rendement organisationnel. Selon une étude menée en 2018 portant sur plus de 1 700 entreprises établies dans huit pays différents, réalisée par le Boston Consulting Group et la Technical University of Berlin, il existe [traduction] « une relation statistiquement significative entre la diversité et les résultats liés à l'innovation dans tous les pays examinés », ce qui donne à penser que [traduction] « la diversité présente une occasion concrète ratée et des avantages potentiels importants Note de bas de page 6 ». De nombreuses études universitaires et professionnelles ont tiré des conclusions semblables Note de bas de page 7 . Le talent constitue une vaste part de cette occasion ratée. Le SCT note que les femmes, les personnes qui font partie des minorités visibles, les personnes handicapées et les Autochtones doivent surmonter des obstacles systémiques et comportementaux dans la fonction publique Note de bas de page 8 . L'élimination de ces obstacles permettra d'accroître la représentativité et la diversité de la main-d’œuvre et de faire en sorte que les organisations mettent à contribution le large éventail de points de vue et de talents que le Canada a à offrir.
13. Dans des rapports sur les appareils de la sécurité et du renseignement des alliés, on reconnait aussi la valeur d'une main-d’œuvre diversifiée et d'un environnement de travail inclusif. Dans un rapport de 2017 commandé par le directeur du renseignement national aux États-Unis, on stipule [traduction] « Il n'y a pas de domaine plus important où il faut encourager et soutenir une culture de diversité et d'inclusion que dans l'appareil actuel du renseignement ». Le rapport souligne que l'accroissement de la diversité [traduction] « permet d'élargir le bassin de talents et de refléter avec plus d'exactitude les capacités d'analyse nécessaires à l'évaluation et au respect des exigences de mission Note de bas de page 9 ». Un rapport sur la diversité des genres commandé en 2016 par la police fédérale australienne mettait l'accent sur le fait que les menaces de plus en plus complexes auxquelles sont confrontées les organisations responsables de la sécurité exigent une main-d’œuvre diversifiée, composée [traduction]« d'un vaste éventail de compétences, d'expertises et de talents Note de bas de page 10 ». Le comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité du Royaume-Uni a tiré des conclusions semblables en 2018, indiquant [traduction]« Si les professionnels du renseignement étaient tous de la même étoffe, ils auraient tendance à avoir en commun des "préjugés inconscients" qui circonscriraient à la fois la définition des problèmes et la recherche de solution Note de bas de page 11 ». Finalement, une étude de 2015, sur la diversité du leadership, menée par l'agence centrale du renseignement (CIA), soulignait que l'accroissement de la diversité, particulièrement aux échelons supérieurs, permet de promouvoir [traduction] « l'agence comme un employeur de choix au sein d'une nation de plus en plus diversifiée Note de bas de page 12 ».
14. L'appareil de la sécurité et du renseignement au Canada reconnaît qu'un effectif diversifié et inclusif est essentiel à la réussite des opérations. Selon un rapport de 2010, commandé par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l’accroissement de la diversité et de l'inclusion au SCRS permettrait de renforcer la capacité d'attirer des talents et d'établir des relations avec diverses collectivités au Canada Note de bas de page 13 . Ce rapport signalait également qu'un milieu de travail diversifié et inclusif permettrait au Service de tirer profit [traduction] « des compétences culturelles et linguistiques, des caractéristiques générationnelles et sexospécifiques, des liens avec les communautés [...] pour améliorer continuellement la façon dont le Service recueille des renseignements, lutte contre le terrorisme et protège la sécurité nationale au Canada Note de bas de page 14 . »
15. Le Comité a entrepris d'examiner la diversité et l'inclusion dans l'appareil de la sécurité et du renseignement pour plusieurs raisons. Tout particulièrement, malgré des décennies de lois, de rapports multiples et d'appels répétés au changement, les défis liés à l'accroissement de la diversité et de l'inclusion persistent dans l'appareil de la sécurité et du renseignement. Cette situation est particulièrement manifeste au sein des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada, qui ont réglé de nombreux recours collectifs pour harcèlement, violence et discrimination, et au SCRS, qui a réglé une poursuite à la suite d'allégations d'islamophobie, de racisme et d'homophobie. Le Comité est d'accord avec les organisations de la sécurité et du renseignement, à l'étranger et au Canada, sur l'importance de la diversité et de l'inclusion. Ces questions sont particulièrement importantes pour les organisations responsables d'assurer la protection de la sécurité nationale du Canada et des droits et libertés de la population canadienne. Un examen à l'échelle des organisations œuvrant dans ce domaine n'a jamais été réalisé. Le présent examen relève du mandat du Comité d'examiner le cadre législatif, réglementaire, stratégique, administratif et financier en ce qui concerne la sécurité nationale et le renseignement.
16. L'examen du Comité a porté sur l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), le ministère de la Défense nationale (MDN), les Forces armées canadiennes (FAC) Note de bas de page 15 , Affaires mondiales Canada (AMC), le Centre intégré d'évaluation du terrorisme (CIET), le Bureau du Conseil privé (BCP), Sécurité publique Canada et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) Note de bas de page 16 . Ces organisations travaillent étroitement ensemble et forment un appareil uni. En conséquence, dans son examen, le Comité a cherché à comprendre les circonstances propres à chacune de ces organisations, mais aussi à cerner les enjeux auxquels celles-ci sont confrontées en tant qu'appareil ainsi que les domaines dans lesquels ces organisations ont fait des efforts collectifs pour résoudre des problèmes communs.
Objectifs de l’examen
17. L'examen offre une évaluation de base de la représentation des femmes, des Autochtones, des personnes qui font partie des minorités visibles et des personnes handicapées dans l'appareil de la sécurité et du renseignement et examine les objectifs, les initiatives, les programmes et les mesures mis en place par les ministères et les organismes pour promouvoir la diversité et l'inclusion.
18. Bon nombre des objectifs de diversité et d'inclusion établis par les organisations visées par l'examen font partie d'une stratégie pangouvernementale à long terme de représentation et de changement culturel. Le présent examen a pour but d'établir une base de référence sur la diversité et l'inclusion dans l'appareil de la sécurité et du renseignement sur laquelle le Comité pourrait se fonder pour mener une évaluation plus approfondie d'ici trois à cinq ans. La première partie porte sur l'examen du cadre législatif et stratégique en matière de diversité et d'inclusion et la représentation actuelle des femmes, des Autochtones, des personnes qui font partie des minorités visibles et des personnes handicapées au sein de chacune des organisations visées. La deuxième partie porte sur l'évaluation des différents moyens par lesquels les organisations à l'échelle de l'appareil font la promotion de la diversité et favorisent l'inclusion dans le milieu de travail.
Méthodologie
19. Dans le cadre de l'examen, le Comité a demandé aux organisations visées de fournir de l'information portant principalement, mais pas exclusivement, sur la période du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018. Il a reçu les premiers documents au début de février 2019. Il a mené une première analyse de l'information fournie et a demandé des renseignements supplémentaires en avril. Le présent examen repose sur plus de 5 000 pages de documentation, sur des consultations ministérielles et sur de la recherche indépendante. Le Comité souligne que son examen comporte les limites suivantes :
- Le Comité n'a pas mené d'audience dans le contexte de son examen, mais le Secrétariat du CPNSR a tenu des consultations auprès de ministères, d'organismes, d'universitaires et d'intervenants de janvier à mai 2019 au nom du Comité.
- Le Comité n'a ni organisé de groupes de discussion avec le personnel de l'appareil ni examiné les cas individuels d'employés actuels ou anciens de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Plutôt, il a réalisé une analyse des données et des autres renseignements fournis par les ministères et les organismes.
- En l'absence de données plus détaillées, certaines informations examinées s'appliquent aux ministères et aux organismes dans leur ensemble, plutôt qu'aux employés ou aux groupes qui travaillent dans des domaines particuliers de la sécurité et du renseignement.