Chapitre 2 : La réponse du gouvernement a l'ingérence étrangère — Partie I
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement : Rapport annuel 2019

Partie I : La menace de l'ingérence étrangère

Les pays qui se livrent a l'ingérence étrangère

120. Les pays mènent des activités d'ingérence étrangère pour appuyer leurs intérêts nationaux. Ces intérêts comprennent la protection du régime et la légitimité nationale; l'avantage stratégique et les sphères d'influence (pour leurs programmes en matière d'économie, de politique ou de sécurité); la projection de la puissance et la dissuasion; et la réputation Note de bas de page 11 . *** acteurs en matière d'ingérence étrangère au Canada sont la République populaire de Chine (RPC) et la Fédération de Russie. Les autres pays actifs dans ce domaine comprennent *** Note de bas de page 12

121. Dans leur évaluation, le BCP et le SCRS ont jugé que le Canada représente une cible en raison de sa notoriété mondiale; de son économie robuste et variée; de ses grandes communautés ethnoculturelles; de sa participation comme membre à des organisations multilatérales importantes, comme le Groupe des cinq Note de bas de page 13 , le G7 et l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN); et de ses relations étroites avec les États-Unis Note de bas de page 14 .

122. Les activités qui sont décrites dans le présent chapitre le sont à titre d'illustration et ne représente qu'une partie des activités que mènent les pays hostiles pour pénétrer et manipuler les institutions, l'économie, la sphère politique et la société du Canada. Il faut savoir qu'elles font partie de stratégies plus vastes dirigées vers le Canada par des pays étrangers.

La République populaire de Chine

123. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit une évaluation du SCRS. ***] Note de bas de page 15 *** Note de bas de page 16

124. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit des objectifs et des outils des activités d'ingérence étrangère de la Chine. *** ] Note de bas de page 17 *** Note de bas de page 18

125. [*** Deux phrases ont été revues pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Elles décrivent des outils d'ingérence étrangère de la Chine. ***] Note de bas de page 21 . La RPC utilise sa richesse économique croissante pour mobiliser des opérations d'ingérence : [traduction] « Grâce à ses coffres bien garnis et à l'aide de facilitateurs occidentaux, le Parti communiste de Chine utilise l'argent, plutôt que l'idéologie communiste, comme une source puissante d'influence, pour créer des relations parasitaires de dépendance à long terme Note de bas de page 22 . »

126. Le cadre légal de la RPC ordonne à toutes les entités et à tous les particuliers chinois de contribuer à la sécurité de l'État. Le SCRS est d'avis [traduction] « [qu'il est probable que les citoyens puissent être portés à aider les auteurs étatiques de la RPC dans leurs efforts liés à l'ingérence si ces efforts peuvent cadrer dans la grande définition du 'travail de renseignement national' et des 'efforts de renseignement nationaux' comme l'énonce la loi Note de bas de page 23 . » Adoptée en juin 2017, la loi sur le renseignement national de la Chine :

[traduction] contraint les entités chinoises, incluant les entreprises de l'État et du secteur privé, de même que les citoyens chinois (peu importe s'ils sont résidents d'autres pays) à coopérer avec les Services du renseignement de la RPC et le gouvernement en général sur les questions de sécurité nationale . . . La loi sur le renseignement national s'applique aussi aux entités chinoises et aux particuliers chinois qui œuvrent à l'extérieur de la Chine [...] La loi sur le renseignement chinois crée un cadre juridique évident de coopération entre les Services du renseignement de la RPC et les entreprises et les particuliers chinois Note de bas de page 24 .

127. Cette stratégie globale prend appui dans l'approche fondamentale de la Chine à l'égard de l'art de gouverner un pays et des relations internationales. Comme l'a fait remarquer le journaliste australien et spécialiste de la Chine John Garnaut dans un discours prononcé dans le cadre d'une conférence interne au gouvernement de l'Australie en 2017 : [traduction] « Dans l'art de gouverner classique de la Chine, il y a deux outils pour obtenir et conserver le contrôle sur les "montagnes et les rivières" : le premier outil est le wu (armes, violence) et le deuxième, le wen (langue, culture). Les dirigeants chinois ont toujours cru que le pouvoir est dérivé du contrôle sur le champ de bataille physique et le domaine culturel. Il est impossible de maintenir le pouvoir physique sans le pouvoir discursif. Le wu et le wen sont indissociables Note de bas de page 25 . »

128. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit une note d'information au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. ***] Note de bas de page 26

La Fédération de Russie

129. La Fédération de Russie se livre à des activités d'ingérence étrangère à travers le système politique du Canada, dans le but d'influencer les décisions gouvernementales et de faire pencher l'opinion publique. [ *** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit les objectifs des activités d'ingérence étrangère de la Russie. *** ] Note de bas de page 27

130 [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit des outils d'ingérence étrangère de la Russie. *** ] Note de bas de page 28 *** certains agents de renseignement de la Russie sous le couvert diplomatique se livrent à des activités liées à la menace Note de bas de page 29 .

131 La nature et l'étendue de la menace d'ingérence étrangère par la Russie est appréciable, puisque ses activités forment une composante clé d'une menace de sécurité nationale plus vaste par la Russie. *** Note de bas de page 30

Autres états se livrant à de l'ingérence étrangère

132. [*** Les paragraphes 132, 133, 134 et 135 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Ils décrivent les activités d'autres pays qui se livrent à de l'ingérence étrangère au Canada. ***] Note de bas de page 31

133. *** Note de bas de page 32 *** Note de bas de page 33

134. *** Note de bas de page 34 *** Note de bas de page 35

135. *** Note de bas de page 36 ***

Institutions fondamentales et communautés ethnocuiturelles

136. Les pays qui mènent des activités d'ingérence étrangère menacent le Canada et ses institutions fondamentales. Le ciblage et la manipulation des communautés ethnoculturelles est le principal moyen par lequel ces pays contrôlent le message et cherchent à influencer les prises de décisions à tous les paliers de gouvernement. Certains particuliers agissent volontairement comme agents d'une puissance étrangère pour diverses raisons, notamment dans t-n but de patriotisme ou d'obtenir des faveurs réciproques. Ces pays cooptent aussi des particuliers au sein des communautés ethnoculturelles et à l'extérieur au moyen de la flatterie, de la corruption, de menaces et de manipulation. La question des personnes cooptées sera examinée plus en détail dans la section sur l'ingérence dans la gouvernance et le processus décisionnel.

Communautés

137. Le Canada est une société multiculturelle, où habitent de grandes communautés ethnoculturelles. Par exemple, le Canada compte approximativement 1,8 million de Canadiens d'origine chinoise et 1,2 million de Canadiens d'origine indienne Note de bas de page 37 . Un Canadien sur cinq est né à l'étranger, et plus de 22 p. cent des Canadiens désigne une langue autre que l'anglais, le français ou une langue autochtone comme langue maternelle Note de bas de page 38 . Certaines de ces communautés sont vulnérables à l'ingérence étrangère, soit comme cibles, soit comme moyen de saper les valeurs et les libertés canadiennes et de menacer les libertés individuelles des Canadiens et des immigrants reçus.

138. Une grosse partie de l'ingérence étrangère a pour but de créer un message unique qui aide à assurer la survie et la prospérité du pays étranger. Comme le note le SCRS, *** Note de bas de page 39 Or, les communautés ethnoculturelles ne sont pas homogènes; il est possible que des groupes ou des particuliers ne veulent pas participer aux buts d'un pays étranger ou les appuyer. Par conséquent, les pays étrangers utilisent une panoplie de tactiques pour imposer un message unique. Ces tactiques *** comprennent :

  • les menaces;
  • le harcèlement;
  • la détention des membres de la famille à l'étranger;
  • le refus de délivrer des documents de voyage ou des visas Note de bas de page 40 .

139. Beaucoup de membres de communautés ethnoculturelles sont aussi surveillés en raison de ce que le pays étranger appelle des opinions ou des activités dissidentes. Par exemple, [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable. Il décrit les activités d'ingérence étrangère d'un pays en particulier au Canada et leur incidence sur un groupe ethnoculturel en particulier. ***] Note de bas de page 41

140. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit les activités d'ingérence étrangère d'un pays en particulier au Canada et leur incidence sur un groupe ethnoculturel en particulier. ***]

141. [*** Les paragraphes 141 et 142 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrivent les activités d'ingérence étrangère d'un pays en particulier au Canada et leur incidence sur un groupe ethnoculturel en particulier. ***]

142. ***

*** Note de bas de page 45

143. AMC a noté [*** qu'un état en particulier ***] a augmenté sa surveillance des défenseurs des droits de la personne et son harcèlement à leur endroit, ainsi que son ingérence dans la liberté d'assemblée et la liberté des médias. Ces activités ont [traduction] « un effet paralysant sur la défense des droits de la personne et la liberté d'expression. » *** Note de bas de page 46

144. Dans la même veine, la RPC mène des activités de rapatriement secrètes qui ciblent en apparence des fugitifs économiques et des représentants corrompus dans le cadre de sa campagne mondiale de « chasse aux renards ». Les activités de rapatriement comprennent des mesures clandestines et coercitives qui visent des personnes aux quatre coins de la planète, y compris des personnes qui résident au Canada Note de bas de page 47 . Nous examinons cette question en détail dans la partie Il du présent chapitre.

Gouvernance et processus décisionnel

145. Le système de gouvernement du Canada permet à tous les Canadiens d'élire leurs représentants et d'engager un débat libre et ouvert sur l'administration du pays. Toutefois, ce système et la souveraineté du processus décisionnel du Canada sont menacés directement pas les activités d'ingérence étrangère des pays étrangers et de leurs représentants.

146. La menace qui pèse que les institutions gouvernementales et décisionnaires ne s’arrête pas au niveau fédéral. Des représentants élus et publics de tous les paliers gouvernementaux sont ciblés : les membres de l'organe exécutif, les députés, les sénateurs, les membres des assemblées législatives provinciales, les représentants municipaux et les représentants de gouvernements autochtones. Ce ciblage se produit peu importe le statut de la personne au sein du gouvernement ou de l'opposition. Outre les représentants élus, les personnes pouvant influencer le processus décisionnel gouvernemental sont aussi victimes de ce ciblage. Même si la majorité des représentants élus et nommés mènent leurs activités en faisant réellement preuve d'intégrité, certains sont, parfois à leur insu, la cible d'activités d'ingérence étrangère, mettant ainsi en jeu l'intégrité du système de gouvernement du Canada. Les activités d'ingérence étrangère se concentrent sur trois principaux volets : le processus électoral à toutes les étapes; les représentants élus et leur personnel; et les gouvernements infranationaux Note de bas de page 48 .

Ciblage du processus électoral à toutes les étapes

147. Les opérations d'ingérence étrangère ciblent toutes les étapes du processus électoral. [*** Les paragraphes 147 et 148 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Ils décrivent la façon dont les états s'ingèrent dans divers aspects du processus électoral du Canada. ***]

148. ***

149. Les exemples ci-dessous illustrent les menaces susmentionnées.

150. Dans chacun des exemples ci-dessus, les activités de l'état étranger étaient secrètes ou fallacieuses et portaient de toute évidence atteinte à l'intégrité du processus démocratique.

Ciblage des représentants élus et de leur personnel

151. Une fois qu'ils entrent en poste, les représentants élus et nommés, leur personnel et les employés des assemblées législatives peuvent aussi être la cible des états étrangers. À l'échelle fédérale, les trois principaux partis politiques sont également visés.

152. Les états étrangers tenteront d'influencer les délibérations et la prise de décisions et de juguler les projets qu'ils jugent contraires à leurs intérêts. Ils chercheront à exploiter les représentants pour faire pression en vue de renforcer leurs intérêts. Dans d'autres cas, les états étrangers font appel à des tiers, des intermédiaires ou des lobbys pour mener des activités d'ingérence et, parfois, la cible ne connaît pas la nature des activités qui la visent. D'autres fois, les états étrangers cherchent à faire obstacle à des mesures stratégiques en essayant de discréditer de hauts dirigeants gouvernementaux ou en s'en prenant à eux.

153. Voici des exemples d'activités d'ingérence étrangère visant des représentants élus et leur Personnel :

Ciblage des paliers gouvernementaux infranationaux

154. Les gouvernements provinciaux et autochtones et les administrations municipales disposent d'importants pouvoirs dans les endroits qui suscitent un intérêt pour les états menant des activités d'ingérence étrangère. [***Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit une évaluation du SCRS. ***] Note de bas de page 58

155. Nombre de tactiques utilisées pour cibler les élus à l'échelle fédérale sont employées contre les représentants provinciaux, municipaux et autochtones. Voici quelques exemples indicatifs qui ont eu lieu au cours de la dernière décennie :

Médias

156. Une presse libre et indépendante constitue le quatrième pouvoir des démocraties. Le journalisme éthique basé sur une présentation de l'information exacte, juste, indépendante et transparente aide à l'évolution d'une population bien informée et à la responsabilisation des décideurs, tout en appuyant la connaissance, le débat et la transparence. Toutefois, les états étrangers peuvent avoir recours aux médias de masse pour [traduction] « amplifier les messages ciblés, propager de fausses informations et discréditer des nouvelles et des journalistes crédibles Note de bas de page 66 . »

157. L'ingérence étrangère dans les médias peut prendre différentes formes, de la distorsion des messages et de la promotion de l'autocensure à la prise de contrôle hostile et au contrôle étranger des organes d'information. Les états étrangers se servent des médias ethniques et grand public pour répandre des messages et faire avancer leur propre programme. *** La RPC et la Fédération de Russie manipulent tout deux les médias grand public et ethniques Note de bas de page 67 .

Médias grand public canadiens

158. La RPC approche habituellement les médias par la défensive, notamment en employant la censure au pays et en expulsant les journalistes étrangers critiques. Dernièrement, la RPC a fait preuve de plus d'autorité. Effectivement, elle [traduction] « tente de transformer le contexte mondial de l'information en déboursant des sommes exorbitantes - des publireportages financés, des couvertures journalistiques commanditées et des messages abondamment trafiqués provenant de partisans. En Chine, la presse est de plus en plus contrôlée, tandis qu'à l'étranger Beijing a cherché à exploiter les vulnérabilités de la presse libre à son avantage Note de bas de page 68 . »

159. La RPC a recours à une stratégie appelée [traduction] « emprunter un bateau pour voguer sur l'océan. » Cette stratégie consiste à utiliser les médias internationaux grand public pour promouvoir les messages de la RPC. Souvent, la stratégie prend la forme d'un partenariat stratégique avec les médias afin de fournir des messages gratuits préapprouvés par la RPC comme nouvelles sur la Chine, un peu comme une agence de presse Note de bas de page 69 . Parfois, le contenu est complémentaire et payé dans le cadre d'une publicité. Par exemple, le China Daily a payé pour un supplément de plusieurs pages dans de grands journaux, comme le New York Times, le Wall Street Journal, le Washington Post et le Telegraph du Royaume-Uni. Ces encarts, intitulés « China Watch >> semblent faire partie du journal, mais constitue en fait de la propagande pour lesquels le Telegraph à lui seul reçoit £750,000 (environ 1,3 million de $ CA) chaque année Note de bas de page 70 .

160. [*** Les paragraphes 160, 161 et 162 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Ils décrivent la façon dont certains pays manipulent et contrôlent les médias grand public et ethniques. ***] Note de bas de page 71 *** Note de bas de page 72

161. ***

162. *** Note de bas de page 74

Médias canadiens en langue étrangère

163. À l'heure actuelle, il existe environ 650 publications et 120 programmes de radio et de télévision au Canada qui ne sont ni en français ni en anglais Note de bas de page 75 . Certains parmi ceux-ci sont très influencés et manipulés, de façon délibérée ou involontaire, par les états étrangers.

164. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit une évaluation du SCRS sur les objectifs d'un pays qui se livre à des activités d'ingérence étrangère au Canada en vue de contrôler les médias. ***] Note de bas de page 76 *** Note de bas de page 77

165. La RPC possède plusieurs médias étatiques qui mènent leurs opérations au Canada, notamment Xinhua News, People's Daily et China News Service. *** Note de bas de page 78 La RPC cherche à [traduction] « harmoniser » les médias internationaux mandarins avec les siens en tentant de fusionner leurs conseils de rédaction avec ceux des médias de la RPC Note de bas de page 79 . Ainsi, la RPC contrôlerait le message dans les médias mandarins et minerait les médias libres et indépendants au Canada.

166. [*** Les paragraphes 166, 167 et 168 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Ils décrivent pourquoi et comment les pays qui mènent des activités d'ingérence étrangère au Canada tentent de contrôler les médias. ***] Note de bas de page 80 *** Note de bas de page 81

167. *** Note de bas de page 82 Cette politique utilise les médias traditionnels et les médias sociaux.

168. ***83 Note de bas de page 83

Efforts en vue de contrôler les médias internationaux

169. En Nouvelle-Zélande, les recherches universitaires donnent à penser que la RPC exerce un contrôle politique global sur les diverses entreprises médiatiques chinoises qui possèdent des organes d'information mandarins établis en Nouvelle-Zélande, ce qui est en quelque sorte un type de « supervision médiatique ». Pendant de nombreuses années, les entreprises médiatiques étatiques de la RPC ont investi dans des fusions et des acquisitions de médias mandarins, centralisant et contrôlant ainsi les messages qui sont diffusées aux communautés chinoises à l'extérieur de la RPC Note de bas de page 84 .

170. Les efforts de la RPC s'étendent bien au-delà du court terme et de l'Occident. Selon le journal The Guardian, les efforts de la RPC comprennent également :

[traduction] des programmes à plus long terme pour les journalistes de pays en développement. Ces démarches ont été officialisées sous les auspices de la China Public Diplomacy Association établie en 2012. Ses objectifs sont exceptionnellement ambitieux : la formation de 500 journalistes latino-américains et caribéens en cinq ans et de 1 000 journalistes africains d'ici 2020. Dans le cadre de ces programmes, on instruit les journalistes étrangers non seulement sur la Chine, mais également sur sa vision du journalisme. Pour les dirigeants chinois, les idéaux journalistiques comme la présentation d'information critique et l'objectivité ne sont pas uniquement hostiles, mais représentent aussi une menace existentielle. [...] L'impérialisme médiatique chinois ne cesse de s'accroître et la lutte ultime pourrait se centrer sur le journalisme en soi et non sur les ressources de la production journalistique Note de bas de page 85 .

Ingérence clans les établissements universitaires

171. Certains états se livrent à des activités d'ingérence étrangère sur des campus d'études postsecondaires au Canada Note de bas de page 86 . Ils tentent d'utiliser les aspects ouverts ou innovateurs de ces établissements pour faire avancer leurs propres objectifs, dont les activités d'ingérence, mais également d'autres actions dont les intentions sont hostiles (comme l'espionnage et le vol de propriété intellectuelle). L'ingérence étrangère vise à influencer l'opinion et les débats publics, ce faisant entravant les libertés fondamentales comme la liberté d'expression et de réunion, et l'indépendance des établissements universitaires. Pour influencer le débat public dans les établissements, les états étrangers peuvent commanditer des événements précis pour orienter les discussions plutôt que d'engager des débats et des dialogues libres. Ils peuvent aussi tenter, directement ou non, de perturber des événements publics ou d'autres activités qu'ils jugent problématiques.

172. D'après le SCRS, la RPC et la Fédération de Russie sont les principaux auteurs de menace sur les campus canadiens. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit les activités d'ingérence étrangère de la Russie sur les campus canadiens. ***]

173. [*** Deux phrases ont étés revues pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. ***] Note de bas de page 89 Selon des recherches universitaires, les Chinese Students and Scholars Associations (CSSA) font partie de ces groupes étudiants. Comme le SCRS l'a mentionné, les CSSA représentent un important mécanisme de soutien pour les étudiants étrangers et [traduction] « fournissent un réseau social et professionnel pour les étudiants [ ... ] ils ne sont pas vils en soi Note de bas de page 90 . » Toutefois, la population est de plus en plus concernée au sujet de la relation entre les associations et les ambassades et les consulats de la RPC puisque les CSSA représentent [traduction] « l'un des principaux moyens pour les autorités chinoises de guider les étudiants et les universitaires chinois en ce qui a trait aux études à court terme à l'étranger Note de bas de page 91 . » Aux États-Unis, les CSSA sont [traduction] « mobilisées pour manifester contre des événements sur les campus qui menacent de jeter une lumière négative sur la Chine. [ ... ] Bien que les liens avec le gouvernement chinois varient d'un chapitre à l'autre, les ambassades et les consulats 'exerceraient une pression idéologique accrue'. Certaines CSSA obligent une loyauté envers la doctrine du parti Note de bas de page 92 . » *** Note de bas de page 93 La conduite des CSSA peut aussi représenter une menace pour la liberté d'expression et de réunion. Par exemple, selon un reportage, un chapitre des CSSA à Toronto a informé immédiatement le consulat chinois et a dénoncé publiquement un exposé à l'université McMaster présenté par Rukiye Turdush, qui critiquait l'emprisonnement des ouïghours par la RPC Note de bas de page 94 .

174. Dans le cadre des efforts d'influence de la RPC sur la culture à l'étranger, le gouvernement chinois finance les Instituts Confucius qui [traduction] « enseignent le mandarin et la culture chinoise, notamment la calligraphie, la cuisine et la danse Note de bas de page 95 . » Par exemple, il existe maintenant plus d'instituts Confucius en Afrique que le nombre de centres culturels de tout autre gouvernement, sauf la France Note de bas de page 96 . Au Canada, ces instituts sont habituellement liés à des établissements postsecondaires et à des établissements primaires et secondaires Note de bas de page 97 . Le SCRS signale que le Nouveau-Brunswick a récemment fermé un institut Confucius en raison de plaintes de la communauté concernant l'ingérence étrangère Note de bas de page 98 . Aux États-Unis, le Sous-comité permanent responsable des enquêtes pour le Comité sur la sécurité intérieure et affaires gouvernementales a récemment réalisé un examen de ces instituts dans le cadre d'un rapport intitulé [traduction] « Les répercussions de la Chine sur le système d'éducation des États Unis ». Selon le rapport,

[traduction] Les fonds de l'Institut Confucius sont subordonnés à certaines conditions qui compromettent l'indépendance des établissements d'enseignement. Le gouvernement chinois approuve tous les enseignants, les événements et les conférenciers. Dans leurs contrats, certaines écoles américaines acceptent que les lois des États-Unis et de la Chine s'appliquent. [...] Les enseignants chinois signent un contrat avec le gouvernement chinois dans lesquels ils s'engagent à ne pas nuire aux intérêts nationaux de la Chine. De telles contraintes visent à exporter la censure des débats politiques de la Chine et empêchent les discussions sur des sujets politiques pouvant être de nature délicate Note de bas de page 99 .

175. De récents reportages canadiens ont souligné des préoccupations similaires, notamment un article de janvier 2019 qui traitait du rejet d'une entente avec l'Institut Confucius par un conseil scolaire de Toronto Note de bas de page 100 .

Une menace plane aussi sur les établissements alliés

176. Le Canada n'est pas le seul à faire face à la menace que fait peser l'ingérence étrangère. Les proches alliés du Canada et certains pays aux vues similaires sont aussi la cible d'activités d'ingérence étrangère qui visent leurs institutions.

Australie

177. L'Australie semble être à l'avant-garde des nations occidentales pour ce qui est de s'attaquer à la menace que représente l'ingérence étrangère. Dans un témoignage devant le Comité parlementaire de la sécurité et du renseignement australien, des représentants de l’Australian Security Intelligence Organization ont déclaré que la menace émanant de l'espionnage et de l'ingérence étrangère en Australie est du [traduction] « jamais vu » et qu'elle est [traduction] « de grande ampleur, incessante et de plus en plus complexe Note de bas de page 101 . » Dans son Livre blanc sur la politique étrangère de 2017, le gouvernement australien a indiqué qu'il se prémunit contre l'influence étrangère.

178. Concernant la menace pesant sur la direction politique de l'Australie, l'expert sur la Chine John Garnaut a déclaré que :

[traduction] Les rapports ont démontré que le PCC fait systématiquement taire les critiques en Australie et coopte les médias mandarins au pays pour présenter des vues qui leur sont favorables. Afin de donner l'impression que la communauté chinoise soutient les politiques et les dirigeants de Beijing, le parti manipule les mouvements politiques populaires, tout en étouffant ses opposants. Les organisations liées au PCC ne laissent pas la place aux occasions indépendantes de représentation politique chinoise étrangère. [...] En 2015, l’Australian Security Intelligence Organization (ASIO) aurait informé les deux grands partis politiques que deux des plus généreux donateurs de l'Australie avaient 'des liens étroits au Parti communiste chinois' et que leurs 'dons pourraient être conditionnels Note de bas de page 102 . »

179. En 2017, selon une enquête des médias Four Corners et Fairfax, deux personnes liées à la RPC ont donné 6,7 millions $AU au Liberal, Labour et National Parties sur dix ans Note de bas de page 103 . La série d'enquêtes, et son reportage sur les présumés liens d'influence entre ces donateurs et l'ancien sénateur Sam Dastyari, a haussé la pression publique sur le gouvernement australien pour qu'il s'attaque à la question. [*** La phrase suivante a été revue pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Elle décrit une note de service du BCP à l'intention du premier ministre. ***] Note de bas de page 104

180. En réponse, l'Australie a pris un certain nombre de mesures. Au cours des 18 derniers mois, l'Australie a adopté une série d'outils législatifs pour s'employer à résoudre le problème. Notamment, le pays a ajouté à son code criminel de nouvelles infractions relatives à l'espionnage et à l'ingérence étrangère et a apporté des modifications à des infractions comme la trahison et la traîtrise. Les nouvelles dispositions liées à l'ingérence étrangère apportent un haut degré de spécificité, notamment à savoir si l'activité en était à l'étape de la planification, était intentionnelle, indifférente aux conséquences, ou qu'elle aurait été financée par un service de renseignement étranger. Les peines d'emprisonnement varient de 10 à 20 ans Note de bas de page 105 . La loi crée un mécanisme transparent qui prévoit l'inscription des personnes agissant comme mandataire des donneurs d'ordre étrangers et dicte des divulgations publiques régulières. L'Australie a aussi mis en place un coordonnateur de la lutte nationale contre l'ingérence étrangère mandaté de donner [traduction] « une réponse nationale efficace, efficiente et uniforme à l'ingérence étrangère en fournissant un point central pour la coordination des stratégies et de l'élaboration de programme et dirigeant la collaboration avec les secteurs privés Note de bas de page 106 . »

Nouvelle-Zélande

181. Dans le cadre de l'enquête spéciale du parlement de la Nouvelle-Zélande sur les élections de 2016 et de 2017, le directeur général de la sécurité du New Zealand Security Intelligence Service et le directeur général du Government Communications Security Bureau ont présenté un exposé sur les activités d'ingérence étrangère. Pendant le segment non classifié de l'exposé, le directeur général du service de renseignement de sécurité a déclaré que [traduction] « les difficultés concernant l'ingérence étrangère pour notre démocratie ne sont pas seulement ce qui se rapporte aux élections en soi. Les acteurs étatiques motivés travailleront assidûment durant de nombreuses années, y compris en Nouvelle-Zélande, afin de gagner subrepticement de l'influence, un accès et un poids Note de bas de page 107 . » L'exposé a également jeté une lumière sur les vecteurs de l'ingérence étrangère, notamment les cybermenaces envers les élections, l'utilisation des médias sociaux et traditionnels pour répandre la désinformation, l'obtention subreptice d'influence et de poids et la pression ou le contrôle exercé sur la diaspora.

182. L'examen des activités d'ingérence de la RPC de la professeure Anne-Marie Brady, reconnue mondialement, met en exergue la menace posée à la souveraineté de la Nouvelle-Zélande. S'appuyant sur des informations publiques et de sources ouvertes, la publication du Dr. Brady explique les nombreux outils et moyens grâce auxquels la RPC mène des activités d'ingérence en Nouvelle-Zélande, notamment de la cooptation de personnes et membres de la classe politique Note de bas de page 108 . On y note qu'un député aurait apparemment travaillé dans l'intérêt d'un état étranger. Après la publication de son étude, Dr. Brady est devenue la cible de harcèlement Note de bas de page 109 .

États-Unis

183. Les États-Unis sont également la cible d'activités d'ingérence étrangère. L'exemple le plus notoire est les activités d'ingérence de la Russie, très documentées, pendant les élections présidentielles de 2016. Le 6 janvier 2017, le directeur du renseignement national des États-Unis a publié une évaluation détaillée de l'appareil du renseignement intitulée [traduction] « Évaluer les activités et les intentions de la Russie pendant les dernières élections américaines ». Selon le rapport

[traduction] les efforts de la Russie pour influencer l'élection présidentielle américaine de 2016 représentent la plus récente démonstration du désir de longue date de Moscou de nuire au régime démocratique libéral des États-Unis [ ... ] et les objectifs de la Russie étaient de saper la confiance de la population dans le processus démocratique américain, de dénigrer la secrétaire Clinton, de ternir sa candidature auprès des électeurs et de miner son éventuelle élection à titre de présidente. De plus, nous estimons que Poutine et le gouvernement russe ont manifesté une préférence de plus en plus grande pour le président élu Trump. Nous avons une confiance élevée en nos propos Note de bas de page 110 .

184. Les États-Unis ont aussi été la cible de campagnes d'ingérence menées par la RPC. Dans un discours prononcé le 4 octobre 2018, le vice-président américain a souligné l'éventail d'activités liées à la menace de la RPC ciblant les États-Unis :

[traduction] Je m'adresse à vous aujourd'hui parce que le peuple américain mérite de savoir qu'au moment même où je vous parle, Beijing emploie une approche pangouvernementale, se sert d'outils politiques, économiques et militaires, ainsi que de la propagande, pour le bénéfice de ses intérêts aux États-Unis et pour y faire progresser son influence. La Chine fait usage de son pouvoir de façon encore plus proactive qu'avant, dans le but de jouer de son influence et de s'immiscer dans les politiques nationales et dans la vie politique de notre pays Note de bas de page 111 .

185. Depuis 1938, les États-Unis emploient un mécanisme d'inscription des agents étrangers. Même si un récent examen de la Foreign Agents Registration Act a présenté un certain nombre de recommandations afin d'améliorer son utilisation et ses fonctions, il exige tout de même encore que [traduction] « les personnes agissant à titre d'agents de donneurs d'ordre étrangers, sur les plans politique ou quasi-politique, divulguent publiquement et périodiquement leur relation avec le donneur d'ordre étranger, ainsi que leurs activités et les reçus et les dépenses à l'appui Note de bas de page 112 . »

Royaume-Uni

186. Le Royaume-Uni est aussi la cible de l'ingérence étrangère. Dans un témoignage devant le comité sur le renseignement et la sécurité en janvier 2017, les représentants du Government Communications Headquarters ont présenté un exposé sur les activités d'ingérence de la Russie et ont souligné qu'elles se poursuivront et augmenteront proba blement Note de bas de page 113 . Le Royaume-Uni a récemment annoncé une panoplie de nouvelles mesures visant à s'attaquer à l'ingérence, à la désinformation et à l'intimidation dans le cadre d'élections. Le 5 mai 2019, le ministre de la constitution a annoncé l'engagement du gouvernement à mettre en place une infraction électorale liée à l'intimidation d'un candidat ou d'un militant durant la période précédant une élection, soit en personne soit en ligne; à préparer un projet de loi qui préciserait l'infraction électorale de pression indue sur un électeur et qui obligerait les documents électoraux en ligne d'indiquer clairement la personne ou le groupe qui en est l'auteur; à mettre en place des consultations sur l'intégrité électorale, qui comprendrait le raffermissement des lois sur les dons étrangers Note de bas de page 114 .

Pays aux vues similaires

187. Outre les partenaires du Canada dans le Groupe des cinq, les proches alliés et les états aux vues similaires sont également la cible des activités d'ingérence étrangère. Par exemple, dans son rapport annuel de 2018, le Service général du renseignement et de la sécurité des Pays-Bas a abordé diverses formes d'activités d'ingérence étrangère non déclarées et nuisibles qui se déroulaient au pays. Parmi les préoccupations, on note les activités et les efforts d'ingérence étrangère politiques de la Russie et de la Chine, ainsi que ceux de l'Iran et de la Turquie, afin d'influencer et d'intimider les communautés ethnoculturelles Note de bas de page 115 . Le ministre de l'Intérieur allemand a souligné que les services de renseignement russes déploient des efforts diversifiés pour jouer de leur influence et que ces services travaillent à « intensité élevée » contre les intérêts allemands depuis nombre d'années Note de bas de page 116 . Selon des reportages, des acteurs russes ont déployé des efforts pour s'ingérer dans la toute dernière élection présidentielle en France, notamment par une cyberattaque contre la cyberinfrastructure française Note de bas de page 117 . Selon un autre rapport, la Russie aurait tenté d'influencer le parti de l'extrême droite de Marine Le Pen par un prêt de 9,4 millions € par l'entremise d'une banque russe peu connue Note de bas de page 118 .

Organisations multilatérales internationals

188. Les organisations multilatérales internationales sont aussi la cible des activités d'ingérence étrangère. Comme l'a fait remarquer le directeur du renseignement national des États-Unis dans l'évaluation sur la menace mondiale de 2019,

[traduction] La Chine occupe maintenant le deuxième rang des contributeurs financiers au budget du maintien de la paix des Nations Unies et le troisième rang du budget régulier des Nations Unies. [...] Beijing a redoublé d'efforts en vue de transformer le discours international sur les droits de la personne, particulièrement au sein du système des Nations Unies. Beijing a non seulement cherché à bloquer la critique sur son régime, mais également à compromettre les normes, comme la notion que la communauté internationale occupe un rôle légitime dans l'examen de la conduite des autres pays en matière des droits de la personne (par exemple, des projets visant à proscrire des résolutions propres à un pays), et à promouvoir des définitions étroites des droits de la personne en s'appuyant sur des normes économiques Note de bas de page 119 .

Les efforts de la RPC pour s'ingérer dans les Nations Unies comprenaient des pots-de-vin offerts par un expert lié à la Chine au président de l'Assemblée générale des Nations Unies de l'époque Note de bas de page 120 .

Evaluation par le Comité de la menace que représente l'ingérence étrangère

189. Le Comité est d'avis qu'il existe amplement de preuves *** que le Canada est la cible d'activités d'ingérence étrangère substantielles et soutenues. *** La RPC, la Fédération de Russie *** d'autres états *** Le Comité estime que ces états ciblent le Canada pour diverses raisons, mais qu'ils cherchent tous à tirer profit de l'ouverture de notre société et à s'immiscer au sein de nos institutions fondamentales pour atteindre leurs objectifs. Ils ciblent les communautés ethnoculturelles, cherchent à corrompre le processus politique, manipulent les médias et tentent de manipuler des débats sur les campus postsecondaires. Chacune de ces activités pose un risque important pour les droits et les libertés des Canadiens et la souveraineté du pays : ils constituent une menace manifeste pour la sécurité du Canada.

190. Le Canada n'est pas le seul à faire face à cette menace. Ses plus proches alliés de la sécurité et du renseignement, y compris au sein du G roupe des cinq et de l’OTAN, sont la cible d'un grand nombre d'états étrangers identiques qui emploient de nombreuses techniques identiques. En outre, tout comme le terrorisme, les états perçoivent de plus en plus la menace que pose l'ingérence étrangère comme une menace grandissante à laquelle il faut faire front commun.