Chapitre 2 : La réponse du gouvernement a l'ingérence étrangère — Partie II
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement : Rapport annuel 2019
Partie II : Réponse a l'ingérence étrangère
191. La première partie du présent chapitre décrivait l'étendue et la portée de la menace que pose l’ingérence étrangère. Il présentait les principaux auteurs de menace et examinait la menace qu'ils représentent pour les institutions fondamentales et les communautés ethnoculturelles du Canada. La partie qui suit évalue la réponse du gouvernement à la menace, notamment par l'entremise de responsabilités et d'activités organisationnelles, de collaboration et de coordination à différents échelons, et de l'engagement destiné au public. Comme l’indique le paragraphe 116, l'examen du Comité porte sur l'ingérence étrangère traditionnelle.
192. La deuxième partie du présent chapitre est divisée en quatre sections. La première donne un aperçu des organisations chargées de prendre des mesures à l'égard de l'ingérence étrangère et les outils à leur disposition. La deuxième examine l'étendue de la coordination et de la collaboration qui règnent entre ces organisations, au moyen de trois études de cas importantes. La troisième se penche sur la mesure dans laquelle le gouvernement a informé d'autres paliers du gouvernement, la population et les institutions fondamentales, qui sont tous la cible de l'ingérence étrangère. Puis, la dernière section décrit l'engagement du gouvernement avec ses alliés à l'étranger.
Aperçu des principaux ministères et organismes intervenants
193. Le Comité s'est penché sur les principales organisations de la sécurité et du renseignement responsables des enquêtes et de la lutte contre la menace que représente l'ingérence étrangère telle que le décrit la portée de l'examen : le SCRS, AMC, le BCP, Sécurité publique Canada et la GRC. Les mandats, les responsabilités et les outils de ces organisations définissent la façon dont elles comprennent l'ingérence étrangère et y répondent, seule ou ensemble. Chacune des cinq organisations est abordée ci-dessous.
194. D'autres organisations jouent un rôle de soutien, notamment le CST pour ce qui est de fournir des renseignements étrangers et de protéger les systèmes de cybersécurité du gouvernement, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté pour ce qui est de déterminer l'admissibilité des personnes à entrer au Canada, et l'ASFC pour ce qui est de protéger la frontière. Aux fins du présent examen, le Comité a consulté ces organisations pour obtenir des informations, mais ne les a pas inclut dans le processus d'examen global.
Service canadien du renseignement de sécurité
195. En vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur le SCRS, le SCRS mène des enquêtes sur les menaces envers la sécurité du Canada et conseille le gouvernement à cet égard. L'article 2 de la Loi sur le SCRS définit la menace envers la sécurité du Canada, c'est-à-dire « les activités influencées par l'étranger qui touchent le Canada ou s'y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d'une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque Note de bas de page 121 ». Comme il a été susmentionné, le Comité a adopté le terme « ingérence étrangère », dont l'usage est plus courant, pour décrire cette menace. L'ordre de priorité des activités opérationnelles est déterminé selon les priorités en matière de renseignement du gouvernement et le niveau de menace pour la sécurité nationale établi Note de bas de page 122 .
196. Le SCRS dispose de nombreux outils et mesures pour mener des enquêtes et atténuer la menace. Les activités de collecte de renseignements du SCRS permettent de faire avancer des enquêtes, de fournir des conseils sur l'admissibilité des personnes à entrer au Canada et de donner des renseignements, des évaluations et des conseils au gouvernement Note de bas de page 123 . Pour mener ses enquêtes, le SCRS peut employer un large éventail de techniques opérationnelles qui peuvent varier de peu à très envahissantes (par exemple, des entretiens avec des cibles, de la filature et les pouvoirs conférés par des mandats pour intercepter les communications ou pénétrer sur les lieux) Note de bas de page 124 . Lorsque les enquêtes touchent les institutions fondamentales du Canada, les politiques et procédures du SCRS donnent des directives précises, comme les directives ministérielles, ainsi que des aspects à prendre en considération et des autorisations accrues Note de bas de page 125 .
197. Le SCRS peut également avoir recours à une mesure de réduction de la menace (MRM) à toutes les étapes d'une enquête Note de bas de page 126 . De plus, la Loi sur le SCRS définit le seuil du recours à une MRM comme les « motifs raisonnables de croire » qu'une activité constitue une menace envers la sécurité du Canada. Elle stipule aussi que la mesure doit être juste et adaptée à la menace et tenir compte des solutions de rechange possibles Note de bas de page 127 . [*** Les deux phrases qui suivent ont été revues pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Elles décrivent une politique du SCRS. ***] Note de bas de page 128 *** Note de bas de page 129
198. Le SCRS consacre beaucoup de ressources aux enquêtes et aux rapports sur les activités d'ingérence étrangère. Entre ***, le SCRS comptait *** cibles liées à l'espionnage et à l'ingérence étrangère. D'entre elles, *** cibles faisaient l'objet d'un mandat de la cour, qui permet au SCRS d'employer des outils très envahissants qui témoignent de l'importance de la menace Note de bas de page 130 . Ces données englobent l'espionnage et l'ingérence étrangère puisque les états hostiles se livrent à ces deux activités représentant une menace. Dans plus de quatre cas sur cinq, les enquêtes et les mandats du SCRS touchent les deux. Durant la période à l'examen, soit du 1er janvier 2015 au 31 août 2018, *** pour cent des rapports de renseignement du SCRS concernaient l'ingérence étrangère. En comparaison, *** pour cent étaient liés au terrorisme et *** pour cent à d'autres activités Note de bas de page 131 . Toujours durant la période à l'examen, le SCRS a rédigé *** évaluations du renseignement distinctes concernant la portée et la nature de la menace de l'ingérence étrangère ciblant le Canada. Ces produits sensibilisent les partenaires et mettent la menace en contexte *** Note de bas de page 132
199. (***Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit les défis auxquels fait face le SCRS dans le cadre de ses enquêtes. ***] Note de bas de page 133 *** Note de bas de page 134 *** Note de bas de page 135 Lors d'un témoignage devant le Comité, le directeur du SCRS a abordé les facteurs suivants :
200. Le SCRS a noué le dialogue avec un éventail d'organisations et d'intervenants au sujet de la nature de la menace. Il a dirigé des discussions continues avec des partenaires fédéraux, différents paliers de gouvernement et certaines institutions publiques et privées. Durant la période à l'examen, à l'échelle fédérale, le SCRS [traduction] « le Service a présenté *** séances d'information à *** différents clients du gouvernement du Canada. De plus, *** personnes de *** ministères ont assisté aux séances d'information trimestrielles *** Note de bas de page 137
201. Le SCRS informe également les ministres au sujet de la nature de la menace. Par exemple, en mars 2018, le directeur du SCRS a informé le ministre des Institutions démocratiques par intérim de la nature globale de la menace Note de bas de page 138 . Le SCRS tient régulièrement informé le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile au moyen de notes d'information et de son rapport annuel sur les activités opérationnelles à l'intention du ministre. En 2016 et en 2017, le SCRS a également rédigé des notes d'information générales ou des notes d'information en prévision d'un déplacement qui traitaient entres autres de l'ingérence étrangère pour les ministres de l'Environnement et des Changements climatiques, de l'immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, des Ressources naturelles et du Patrimoine canadien Note de bas de page 139 .
Gendarmerie royale du Canada
202. La GRC est le principal organe d'application de la loi du Canada en ce qui concerne les enquêtes criminelles en matière de sécurité nationale, qui sont la responsabilité de son Programme de la police fédérale. Alors que la Direction générale coordonne centralement les enquêtes criminelles en matière de sécurité nationale, ce sont les Équipes intégrées de la sécurité nationale (EISN) à Vancouver, à Calgary, à Edmonton, à Toronto, à Ottawa et à Montréal et les sections d'enquêtes sur la sécurité nationale (SESN) à Fredericton, à Winnipeg, à Halifax et à Saskatoon qui sont chargées de mener les enquêtes Note de bas de page 140 . Le Programme de la police fédérale dispose d'un budget de 905 millions de dollars (2018-2019) duquel sont alloués les fonds pour les enquêtes Note de bas de page 141 . Le Programme utilise une matrice de priorisation pour classer les dossiers d'enquête entrants selon la gravité de la menace afin de lancer l'enquête et d'affecter des ressources Note de bas de page 142 . Les forces policières compétentes peuvent également mener des enquêtes liées à l'ingérence étrangère (par exemple, sur le harcèlement et l'intimidation), mais la GRC a précisé que [traduction] « lorsque les cas concernent effectivement l'ingérence étrangère, ils doivent, selon la loi, être renvoyés à la GRC Note de bas de page 143 . » Dans une même mesure que le SCRS, la GRC a reçu des directives concernant le dialogue qu'elle noue avec les institutions fondamentales et les activités d'enquêtes les concernant, notamment l'instruction du ministre des Enquêtes liées à la sécurité nationale dans les secteurs exigeant des précautions spéciales Note de bas de page 144 .
203. La GRC peut utiliser une variété d'outils et de mesures prévus par la loi pour mener des enquêtes criminelles et déposer des accusations liées aux activités d'ingérence étrangère. Parmi ces lois et leurs dispositions notables, on trouve :
- La Loi sur la protection de l'information définit l'infraction liée à l'ingérence étrangère : « Commet une infraction quiconque, sur l'ordre d'une entité étrangère ou d'un groupe terroriste, en collaboration avec lui ou pour son profit, incite ou tente d'inciter une personne par menaces, accusations ou violence, à accomplir ou à faire accomplir quelque chose a) soit en vue d'accroître la capacité d'une entité étrangère ou d'un groupe terroriste de porter atteinte aux intérêts canadiens, b) soit qui y portera vraisemblablement atteinte Note de bas de page 145 ». Toute personne reconnue coupable de cette infraction pourrait purger une peine d'emprisonnement à perpétuité.
- Le Code criminel comprend des dispositions qui concernent la trahison, le sabotage, l'interception d'une communication privée, la corruption, le méfait, le harcèlement criminel, les menaces, l'extorsion, les faux messages, les communications indécentes ou harcelantes par téléphone, le complot et l'intimidation Note de bas de page 146 .
204. La Loi électorale du Canada comprend une infraction liée à l'ingérence par les non-résidents dans le cadre d'élections. Plus précisément, « [i]I est interdit à quiconque [...] ne réside pas au Canada d'inciter de quelque manière des électeurs, pendant la période électorale, à voter ou à s'abstenir de voter ou à voter ou à s'abstenir de voter pour un candidat donné Note de bas de page 147 ». La Loi énonce également d'autres infractions liées à l'ingérence dans la tenue des élections fédérales au Canada. Comme l'a indiqué la GRC, [traduction] « le commissaire aux élections fédérales est l'officier indépendant qui veille à ce que la Loi électorale du Canada soit respectée et observée et qui peut renvoyer les questions relatives à la Loi au directeur des poursuites pénales qui décide d'intenter un procès ou non Note de bas de page 148 . »
205. La GRC a indiqué au Comité avoir désigné *** enquêtes comme étant liées à l'ingérence étrangère entre le ***et ***. *** portaient sur une menace d'influence de l'étranger envers une personne, tandis que *** autres portaient sur une menace d'influence de l'étranger envers une personne ou une ou des organisations Note de bas de page 149 . La GRC a fermé *** de ces dossiers sans déposer d'accusation parce qu'elle ne disposait pas suffisamment de preuves pour poursuivre son enquête. *** dossiers fermés *** enquêtes de niveau 1, c'est-à-dire un dossier de haute priorité nécessitant une surveillance et une direction importante de la Direction générale Note de bas de page 150 . Les *** autres enquêtes liées à l'ingérence étrangère se poursuivent. Pour la période à l'examen, la GRC a également relevé *** autres enquêtes, mais elles étaient davantage axées sur l'espionnage que l'ingérence étrangère.
206. Selon les dispositions du cadre de coopération entre le SCRS et la GRC Une vision, le SCRS peut divulguer de l'information et des renseignements à la GRC pour démarrer une enquête criminelle Note de bas de page 151 . Le SCRS a fourni à la GRC *** lettres de divulgation pendant la période à l'examen. De ces divulgations, la GRC a déterminé que *** ne comportaient pas de motifs raisonnables pour lancer une enquête criminelle, *** était une version corrigée d'une divulgation antérieure et *** Note de bas de page 152
207. La GRC a décrit de nombreux défis *** notamment ce qui suit :
- les opérations de sécurité nationale de la GRC continuent d'être principalement axées sur la lutte contre le terrorisme *** Note de bas de page 153 *** Note de bas de page 154 .
- *** Note de bas de page 155
- La GRC éprouve des difficultés à utiliser les renseignements du SCRS comme élément de preuve dans les enquêtes criminelles, parce que les obligations du tribunal en matière de divulgation pourraient révéler *** Note de bas de page 156
- *** Note de bas de page 157
- *** Note de bas de page 158
208. Pour caractériser sa perspective de la menace, la GRC a fourni au Comité des résumés et des documents de sensibilisation et lui a présenté des exposés. Toutefois, [*** ceux-ci était axés sur des enjeux qui n'étaient pas liés à l'ingérence étrangère ***] Note de bas de page 159 La GRC a également indiqué que [traduction] « l'ingérence étrangère est un terme générique qui définit de nombreuses activités (dont l'espionnage) qui s'inscrivent dans un spectre de criminelle à non criminelle Note de bas de page 160 . » Notamment, les représentants de la GRC, lors d'un témoignage devant le Comité, ont mentionné le cas de Jeffrey Delisle, un officier de la marine canadienne qui a été accusé et reconnu coupable en 2013 d'avoir communiqué des renseignements protégés à une entité étrangère (la Fédération de Russie) sans autorisation légitime, comme un exemple manifeste d'ingérence étrangère Note de bas de page 161 .
Affaires mondiales Canada
209. AMC représente les intérêts du Canada à l'étranger. Il gère les relations diplomatiques du Canada, offre des services consulaires aux Canadiens, promeut le commerce international du pays et dirige le développement international et l'aide humanitaire du Canada. Chaque relation bilatérale et multilatérale est unique : selon le partenaire, une relation bilatérale peut comprendre une collaboration, des ententes, des désaccords et même une conduite hostile. Par conséquent, AMC doit constamment soupeser les intérêts et les risques complexes (par exemple, le commerce, la sécurité, les aspects légaux, la politique et les valeurs) lorsqu'il gère les relations internationales du Canada. [*** Le reste du paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée et en assurer la lisibilité. Il traite de deux pays avec lesquels le Canada partage d'importants intérêts bilatéraux et qui mènent des activités d'ingérence étrangère au Canada. ***] Dans les deux cas, AMC doit tenir compte de l'étendue de ses responsabilités pour ce qui est de déterminer la façon de gérer ses relations bilatérales Note de bas de page 162 .
210. AMC joue donc un rôle principal dans la lutte contre les activités d'ingérence étrangère au Canada. Lorsque les partenaires de l'appareil de la sécurité et du renseignement lui présentent des preuves d'ingérence étrangère, AMC doit déterminer, habituellement en collaboration avec ces partenaires, les outils qu'il peut employer pour y répondre. Comme l'ont indiqué des représentants d'AMC, l'objectif de telles mesures est [traduction] « d'imposer un coût - lié à l'économie, à la politique, réussite peut décourager et même prévenir une conduite agressive similaire ultérieure Note de bas de page 163 . » Les outils et les mesures auxquels AMC a recours sont soit bilatéraux, soit multilatéraux. AMC peut notamment :
Outils bilatéraux
- Soulever officieusement les comportements problématiques auprès des représentants du pays;
- Nouer officiellement le dialogue avec un pays par l'entremise d'une démarche diplomatique pour soulever les comportements problématiques et énoncer les conséquences associées aux mesures ultérieures similaires;
- Imputer publiquement au pays le comportement inacceptable;
- Réduire ou suspendre la collaboration avec un pays;
- Imposer des sanctions unilatérales contre un pays, ses représentants ou ses mandataires;
- Refuser l'accès au Canada aux représentants diplomatiques;
- Retirer le personnel diplomatique canadien;
- Déclarer les diplomates au Canada des persona non grata et les expulser.
Outils multilatéraux
- Coordonner des réponses diplomatiques avec les états aux vues similaires;
- Former des coalitions multilatérales avec des partenaires aux vues similaires pour mettre en place des approches uniformes et coordonnées pour s'attaquer à l'ingérence étrangère, notamment l'adoption de sanctions multilatérales;
- Soulever la conduite d'un pays aux fins de considération par les organisations internationales Note de bas de page 164 .
211. Il est rarement facile de déterminer la réponse et les outils à utiliser. Comme l'ont mentionné les représentants d'AMC, [traduction] « les mesures de la lutte contre l'ingérence comportent un certain nombre de compromis qui peuvent avoir des répercussions sur les relations et les intérêts du Canada. [...] Les mesures ne sont pas prises isolément. Toutes les réponses entraînent des répercussions et des compromis Note de bas de page 165 . » AMC doit non seulement examiner les répercussions possibles d'une mesure de lutte contre l'ingérence (parmi les autres menaces) avant de la prendre, il doit également gérer la réponse de la cible en conséquence, qui peut notamment prendre la forme de représailles inattendues et de mesures de rétorsion. Dans sa description des menaces que représente l'ingérence étrangère, un haut placé d'AMC a indiqué que la cyberingérence est la forme la plus importante d'ingérence Note de bas de page 166 . Cette perspective est traduite dans les travaux du Laboratoire d'inclusion numérique d'AMC en 2018 et l'élaboration du Mécanisme de réponse rapide qui s'en suivit Note de bas de page 167 .
Bureau du Conseil privé
212. Le BCP joue un rôle central au sein du gouvernement. Il fournit des conseils sur des sujets d'intérêt national et international, il coordonne la prise de mesures en réaction aux problèmes auxquels doivent faire face le gouvernement et le pays, il contribue au bon fonctionnement du Cabinet, et il soutient l'élaboration et la mise en œuvre des programmes stratégique et législatif du gouvernement, entre autres responsabilités Note de bas de page 168 . Comme le mentionne le chapitre 2 du Rapport annuel de 2018 du Comité, au sein du BCP, le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement (CSNR) occupe un rôle essentiel dans les domaines de la sécurité nationale et du renseignement. Le CSNR est chargé d'assurer la coordination et la direction de l'appareil de la sécurité et du renseignement, et de donner des conseils au premier ministre, aux ministres et aux hauts dirigeants du gouvernement sur des questions liées à la sécurité et au renseignement. Au BCP, trois secrétariats se rapportent au CSNR : le Secrétariat de la sécurité et du renseignement, le Secrétariat de la politique étrangère et de la défense et le Secrétariat de l'évaluation du renseignement. Ces secrétariats aident à la coordination des activités opérationnelles, stratégiques et d'évaluation de l'appareil de la sécurité et du renseignement.
213. Le CSNR copréside de nombreux comités au niveau de sous-ministre, notamment sur la sécurité nationale et les opérations. Ces comités sont soutenus par des comités homologues au niveau de sous-ministre adjoint (comme le Comité des SMA sur la politique de sécurité nationale et le Comité des SMA sur les opérations de sécurité nationale). *** Sur le plan international, les représentants du BCP jouent un rôle important pour ce qui est de nouer le dialogue avec les partenaires à l'étranger sur des enjeux de sécurité et de renseignement. Par exemple, le BCP est l'organisation canadienne principale dans *** Note de bas de page 169
214. Pendant la période à l'examen, le BCP a organisé ou soutenu des séances d'information sur l'ingérence étrangère à l'intention de divers ministres du Cabinet. En ce qui concerne le premier ministre, le BCP a tenu cinq séances d'information sur des activités précises liées à la menace qui ont lieu au Canada, y compris sur *** Note de bas de page 170 . Lors d'un témoignage devant le Comité, la CSNR a aussi évoqué les récents rôles et responsabilités de soutien envers la nouvelle ministre des Institutions démocratiques Note de bas de page 171 . Par exemple, les représentants du BCP ont tenu pour la ministre des Institutions démocratiques une séance d'information préliminaire en personne sur l'ingérence électorale étrangère (c'est-à-dire les menaces pour les élections à l'étranger) et les activités des états hostiles, en janvier 2018, et ont rédigé un résumé de trois pages des évaluations du renseignement sur l'ingérence étrangère, au printemps 2018 Note de bas de page 172 .
215. Outre le soutien du BCP pour le premier ministre et le ministre des Institutions démocratiques, le CSNR a informé *** les ministres de la Sécurité publique et de la Protection civile, des Affaires étrangères, et de la Défense nationale*** Note de bas de page 173 Il convient aussi de noter que le CSNR a également organisé une séance d'information à l'intention de la ministre des Affaires étrangères sur l'ingérence étrangère avant un voyage à l'étranger en janvier 2017 Note de bas de page 174 .
216. Le BCP a récemment entamé des activités de coordination sur l'élaboration d'approches stratégiques, y compris deux documents d'orientation décrivant « les activités des états hostiles ». Le BCP définit les activités des états hostiles comme [traduction] « les activités menées par les états étrangers (et/ou les acteurs non étatiques associés) pour influencer les affaires politiques, économiques ou sécuritaires du Canada, ou s'y ingérer, par des moyens clandestins ou manifestes Note de bas de page 175 . » Le BCP a commencé à porter davantage son attention sur la coordination de la réaction du gouvernement à l'ingérence étrangère au début de 2018, ce qui sera traité plus en détail dans la prochaine section portant entre autres sur la coordination interministérielle. Par exemple, les comptes rendus de deux réunions du Comité des sous-ministres sur la sécurité nationale (en septembre 2017 et en mars 2018) montrent des discussions très préliminaires sur la nécessité d'élaborer une approche pangouvernementale sur l'ingérence étrangère. Le BCP a également poursuivi *** où l'ingérence étrangère figure comme priorité pangouvernementale depuis les dernières décennies.
Sécurité publique Canada
217. Pour soutenir les responsabilités du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Sécurité publique Canada joue trois rôles :
- soutenir le ministre dans ses responsabilités pour toutes questions relatives à la sécurité publique et à la gestion des mesures d'urgence, à l'exception de celles attribuées à un autre ministre fédéral;
- exercer une direction nationale pour la sécurité nationale ainsi que la protection civile;
- soutenir le ministre dans ses responsabilités visant à coordonner les efforts des organisations du portefeuille de la Sécurité publique Note de bas de page 176 .
218. Ce n'est que récemment que Sécurité publique Canada a défini et consacré des ressources pour la question de l'ingérence étrangère. Ces ressources ont contribué au travail global de l'appareil sur les activités des états hostiles Note de bas de page 177 .
Coordination interministérielle
219. Comme il est question à la Partie I du présent rapport, la menace que fait peser l'ingérence étrangère s'amplifie. Les auteurs sont de plus en plus insolents et leurs activités plus enracinées. Même si les outils à la disposition du gouvernement pour lutter contre l'ingérence étrangère et l'atténuer par l'entremise de la transparence sont propres aux organisations et aux activités, l'étendue et la portée de la menace de l'ingérence étrangère demandent une réponse coordonnée et éclairée. Lors d'une séance d'information dans le cadre du Programme de perfectionnement du leadership des cadres du gouvernement, le directeur du SCRS a déclaré que le gouvernement [traduction] « [doit] chercher une réponse dans une perspective pangouvernementale, ce qui demande une collaboration entre plusieurs ministères, dont les mandats et les priorités de certains sont concurrents Note de bas de page 178 . » La présente section se penche sur la mesure dans laquelle l'appareil de la sécurité et du renseignement travaille de concert.
220. Au cours de la période à l'examen, l'approche du gouvernement à la coordination en matière d'ingérence étrangère a évolué. Jusqu'au milieu ou à la fin de 2017, la coordination et la collaboration interministérielle en matière d'ingérence étrangère étaient propres à l'enjeu et ponctuelles. En règle générale, le ministère ou l'organisme dont le plus investi ou qui disposait du plus grand nombre de renseignements sur un incident particulier d'ingérence étrangère devenait l'organisation responsable de la coordination de la réponse. ***
[*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit des considérations de haut niveau. ***] Note de bas de page 179
221. Les comptes rendus des comités des SMA sur la sécurité nationale témoignent de la description du BCP. De fait, ils font état de peu de discussions sur les incidents ou les défis propres aux enjeux. La mise sur pied de deux comités précisément pour s'occuper des incidents indépendants en matière d'ingérence étrangère en témoignent également : le comité *** pour agir sur les efforts de la RPC pour rapatrier les soi-disant fugitifs économiques et le Comité *** sur la réponse du Canada aux actions de la Russie. Ces deux comités seront abordés dans les études de cas (paragraphes 228 à 254).
222. À la fin de 2017, l'appareil a reconnu qu'il lui fallait améliorer sa coordination pour répondre efficacement à l'ingérence étrangère. Dans une note d'information en vue d'une réunion *** sur *** la GRC a indiqué que :
[traduction] À l'heure actuelle, il existe un certain nombre de projets et de groupes de travail [ ... ] interreliés, y compris : acteurs des états hostiles, protection des institutions démocratiques et sécurité économique. Il a été relevé que la situation devenait lourde et que les groupes ne tiraient peut-être pas partie de façon appropriée des discussions en cours dans les autres forums Note de bas de page 180 .
223. En mars 2018, les sous-ministres et chefs des organismes de la sécurité nationale ont participé à une retraite pour discuter des activités des états hostiles Note de bas de page 181 . Dans son mot d'ouverture, le CSNR a indiqué que les activités des états hostiles *** Note de bas de page 182
224. En prévision à la retraite, le BCP a rédigé un document d'information à l'intention des participants, selon lequel :
[*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit des considérations. ***] Note de bas de page 183
225. L'appareil de la sécurité et du renseignement a déterminé les domaines à améliorer pour rendre plus efficace la lutte contre l'ingérence étrangère au Canada, notamment :
- donner la priorité aux domaines et sujets de préoccupation les plus importants pour le Canada et les intérêts canadiens; mieux sensibiliser la population;
- ***
- ***
- ***
- *** Note de bas de page 184
226. Les travaux accomplis à cet égard en sont à leur début. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit plusieurs mesures mises en œuvre. ***] Note de bas de page 185 *** Note de bas de page 186
227. Le Tableau 12 montre les comités interministériels qui se penchaient sur les activités des états hostiles pendant la période à l'examen.
Groupe de travail | Organisation responsable | Participants | Format | Statut |
---|---|---|---|---|
ADM Committee on Protecting Canada's Democracy | BCP | BCP, CST, SCRS, Patrimoine canadien, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, AMC, ministère de la Justice, GRC, MDN, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), Secrétariat du Conseil du Trésor, Sécurité publique Canada | Groupe de travail interministériel de SMA | Création *** |
Comité directeur des sous-ministres adjoints sur la sécurité des élections | BCP et Élections Canada | CST, SCRS, AMC, GRC, SP | Groupe de travail interministériel de SMA | Création *** |
ADM Working Group *** | AMC | CP, SCRS, CST, SP, GRC, MDN, ministère des Finances, CANAFE, ASFC, IRCC, Transports Canada | Groupe de travail interministériel de SMA | Création *** |
Director General Working Group on Hostile State Activity | BCP et Sécurité Canada | AMC, SCRS, CST, GRC, MDN/FAC, BCP, Institutions démocratiques | Groupe de travail interministériel de directeurs généraux | Création *** |
Interdepartmental Working Group on Hostile State Activity | Sécurité publique Canada et BCP | BCP, CST, MDN, GRC, AMC, SCRS, Sécurité publique Canada, CANAFE, ASFC | Groupe de travail interministériel de directeurs | Création *** |
Hybrid Threats Interdepartmental Working Group | AMC, Sécurité publique Canada & MDN | BCP, CST, MDN, GRC, AMC, SCRS, ASFC | Groupe de travail interministériel de directeurs | Création *** |
Source : BCP, ***, août 2018 et courriel de suivi avec le BCP le 28 août 2019.
Études de cas des réponses du Canada aux cas d'ingérence étrangère au Canada
228. Le Comité s'est penché sur les mesures que le Canada a prises pour agir sur les activités d'ingérence étrangère à trois occasions au cours de la période à l'examen (du 1er janvier 2015 au 31 août 2018). Dans chacun des cas, les activités étaient de longue date et faisaient partie d'un plus large éventail d'activités hostiles nuisibles pour les intérêts canadiens. Elles impliquaient *** des menaces en matière d'ingérence étrangère au Canada : la RPC, la Fédération de Russie et *** Les cas montrent concrètement les rôles qu'ont joués les organisations de l'appareil de la sécurité et du renseignement, les défis auxquels elles font face pour répondre aux menaces et coordonner leurs propres activités, et les éléments à prendre en considération pour déterminer s'il faut agir et, le cas échéant, le moment et la façon.
La Chine et son opération Chasse aux renards
229. Depuis son entrée au pouvoir à la fin de 2012, le président Xi Jinping a fait de la lutte contre la corruption la pierre angulaire de sa politique visant à rétablir la légitimité du PCC. Cette politique a entraîné d'importants changements dans les rouages du gouvernement chinois, a recentré le travail de son appareil de sécurité et de police et s'est attirée la faveur populaire sur le plan politique Note de bas de page 187 . Une campagne visant à trouver et à rapatrier les personnes soi-disant corrompues (les fugitifs économiques) qui avaient fui à l'étranger, dans la plupart des cas au Canada, aux États-Unis et en Australie, a constitué une partie importante de la politique Note de bas de page 188 . Connue sous le nom d'opération Chasse aux renards (puis SkyNet), cette campagne est importante pour le président Xi qui veut montrer au peuple chinois que le PCC est sincère dans son élimination de la corruption au gouvernement Note de bas de page 189 .
230. Les représentants de la sécurité de la Chine ont pris un certain nombre de mesures pour mener l'opération Chasse aux renards, notamment de faire pression sur les états étrangers sur le plan diplomatique afin qu'ils coopèrent avec leurs enquêtes et leurs déplacements secrets pour persuader ou contraindre les fugitifs de revenir Note de bas de page 190 . Ils ont recours à ces mesures avec le Canada. Sur le plan diplomatique, la police et les procureurs chinois travaillent avec la GRC pour organiser les rencontres avec les fugitifs au Canada, prétendument pour recueillir des preuves et discuter de l'affaire contre eux. Les responsables chinois acceptent d'obtenir l'autorisation de la GRC avant de se rendre au Canada et de respecter les dispositions du Protocole concernant les enquêteurs criminels étrangers au Canada, y compris que les rencontres aient lieu dans les locaux de la GRC et soient supervisées par un agent de la GRC Note de bas de page 191 . [*** Le reste du paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il traite des tactiques chinoises. *** ] Note de bas de page 192 *** Note de bas de page 193
231. Un certain nombre d'organisations ont répondu à l'opération Chasse aux renards dans le cadre de leur mandat respectif. En 2015, AMC a pris le commandement *** Note de bas de page 194 AMC a mis sur pied un groupe de travail interministériel avec le SCRS, la GRC, le ministère de la Justice et l'ASFC, qui se réunissait régulièrement (tous les deux ou trois mois) pour discuter de la Chasse aux renards Note de bas de page 195 . *** Note de bas de page 196
232. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit les objectifs de la participation d'un ministère aux réunions de coordination. ***] Note de bas de page 197
233. La GRC a collaboré avec les représentants chinois pour appuyer leurs enquêtes sur les représentants corrompus. Les représentants de la GRC ont obtenu des informations pour étayer les allégations contre les fugitifs présumés, faciliter les demandes de voyage de la Chine au Canada pour passer les personnes en entrevue et, au Canada, superviser les entrevues. Au fil du temps, les enquêteurs de la RPC devaient se soumettre aux critères de plus en plus rigoureux de la GRC. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le reste du paragraphe décrit les défis soulevés par la GRC. ***] Note de bas de page 198
234. [*** Les paragraphes 234 et 235 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable où privilégiée. Ils décrivent les diverses mesures que le gouvernement a pris pour agir sur les activités de la chasse aux renards de la Chine. ***] Note de bas de page 199 *** Note de bas de page 200 *** Note de bas de page 201
236. Malgré les interventions, les activités *** chinoises visant à faire progresser l'opération Chasse aux renards se sont poursuivies. [*** Le reste du paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit une situation précise d'ingérence étrangère clandestine. ***] Note de bas de page 203 Aucune mesure n'a été prise à l'époque, ni depuis, de façon plus générale.
237. [*** Les paragraphes 237 et 238 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Ils décrivent les communications du SCRS avec plusieurs ministères au sujet des défis que représentent les mesures à prendre contre les activités de la chasse aux renards. ***]
238. *** Note de bas de page 205
239. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit une note d'information à l'intention du premier ministre. ***] Note de bas de page 206
240. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit le déclin vraisemblable de la coordination interministérielle dans la Chasse aux renards. ***] Note de bas de page 207 *** Note de bas de page 208
La Russie et l'incident de Salisbury
241. Comme l'aborde la première partie du présent chapitre, la Fédération de Russie mène des activités d'ingérence étrangère au Canada *** Les objectifs de ses activités sont notamment de défendre ses intérêts géopolitiques, de conforter la légitimité de son régime et sa survie, de lutter contre les politiques et les intérêts des états occidentaux et d'affaiblir les institutions démocratiques. [*** Le reste du paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il traite des outils de l'ingérence étrangère russe. ***]
242. Le 4 mars 2018, l'ancien espion russe Sergeï Skripal et sa fille loulia ont été trouvés inconscients sur un banc de parc à Salisbury, au Royaume-Uni. Une enquête britannique a révélé qu'ils avaient été empoisonnés par un agent neurotoxique enduit sur leur porte avant par des agents de renseignement russes. Le président Vladimir Poutine a nié la participation de la Russie dans cet incident. Le 20 mars, le Royaume-Uni a expulsé 23 diplomates russes et leur famille Note de bas de page 209 . Pendant cette période, ***
243. AMC était la principale organisation responsable de fournir les différentes réponses possibles aux comportements de la Russie. En réponse à une demande de solidarité du Royaume-Uni pour s'attaquer à la conduite problématique de la Russie Note de bas de page 210 , [*** Le reste du paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il traite des conseils de représentants d'AMC donnés au ministre des Affaires étrangères. *** ] Note de bas de page 211
244. Pour faire suite à une demande officielle du Royaume-Uni, le 23 mars 2018, d'expulser des diplomates russes, la ministre des Affaires étrangères a fait une déclaration, le 26 mars, annonçant l'expulsion de quatre diplomates russes du Canada et le rejet d'une demande pour trois membres du personnel diplomatique russe supplémentaires. La ministre a indiqué que quatre diplomates étaient « des agents du renseignement ou des personnes qui ont utilisé leur statut diplomatique pour compromettre la sécurité du Canada ou s'immiscer dans sa démocratie. » La ministre a dit que l'empoisonnement « fait partie des nombreux comportements inacceptables de la part de la Russie » et a déclaré que « [l]e Canada appuie avec ferveur les mesures que le Royaume-Uni a prises jusqu'à maintenant et demeure résolu à agir de concert avec ses alliés Note de bas de page 212 . » Au bout du compte, 29 pays ont expulsé 145 représentants russes Note de bas de page 213 .
245. Les organisations de la sécurité et du renseignement se sont penchées sur l'incident à Salisbury dans le cadre de plusieurs forums interministériels. Le Comité des SMA sur les opérations de sécurité nationale devait discuter de l'incident le 20 mars selon un ordre du jour diversifié. Le point à l'ordre du jour comprenait deux volets : un exposé par la GRC et les Forces armées canadiennes sur la façon dont le gouvernement répondrait à une attaque chimique, biologique, radiologique ou nucléaire au Canada, *** Note de bas de page 214
246. Au début d'avril 2018, AMC a constitué un groupe *** sur la Russie qui s'est réuni jusqu'au mois de juin de la même année. Les participants étaient issus d'un noyau central de représentants *** Un groupe secondaire était constitué de représentants *** [***Le reste du paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Il décrit les objectifs de la réunion interministérielle. ***] Note de bas de page 215
247. En juin 2018, la réunion interministérielle *** sur les réponses possibles du Canada aux actions de la Russie est devenue la réunion interministérielle *** sur les réponses du Canada aux activités des états hostiles. Le centre d'intérêt du groupe a été élargi au-delà de la Russie pour commencer à réagir au Mécanisme de réponse rapide du G7 et à établir le profil des activités des états hostiles, qui seront tous deux traités plus loin dans le présent rapport Note de bas de page 216 . Le Comité ne sait pas si le groupe s'est réuni après sa première réunion de juin 2018.
- ***
248. [*** Les paragraphes 248 à 254 ont été revus pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Ils décrivent une réponse du gouvernement à un pays en particulier qui s'est livré à des activités d'ingérence étrangère au Canada. ***] Note de bas de page 217
249. ***
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- *** Note de bas de page 218
250. *** Note de bas de page 219
251. *** Note de bas de page 220
252. *** Note de bas de page 221 *** Note de bas de page 222
253. ***
254. *** Note de bas de page 223 *** Note de bas de page 224
Nouer le dialogue avec les gouvernements et la population
255. Le fait d'informer les institutions vulnérables et la population peut aider à accroître la résilience à l'ingérence étrangère. Les acteurs de la société civile et des paliers gouvernementaux non fédéraux sont souvent la cible des activités hostiles des états étrangers, *** La prochaine section porte sur les efforts du gouvernement à nouer le dialogue avec ces acteurs.
Nouer le dialogue avec les gouvernements du Canada
256. Le BCP est responsable du portefeuille fédéral lié aux relations intergouvernementales. Pendant la période à l'examen, les représentants du BCP ont tendu la main et fait de la sensibilisation de façon limitée et ponctuelle à l'échelle nationale en matière d'ingérence étrangère. Au cours d'une période de quatre mois en 2017, le CSNR a participé à la réunion des greffiers et de secrétaires de cabinet fédéral, provinciaux, et territoriaux (FPT) pour fournir de l'information sur les questions de sécurité nationale. Lorsqu'il a traité de l'ingérence étrangère lors de la réunion d'avril, le CSNR a présenté un exposé secret qui donnait des informations préliminaires sur les menaces et les mesures pour mitiger les risques pour les dirigeants des divers gouvernements du Canada. Lors de la réunion de juillet à laquelle les mêmes participants ont assisté, le CSNR a repris bon nombre des mêmes points de discussion Note de bas de page 225 .
257. En avril 2018, le conseiller de la sécurité pour l'Ontario a organisé une conférence pour les conseillers de la sécurité provinciale intitulée « Global Threats, Local Impacts: Provincial Security Matters ». Le CSNR a prononcé le discours principal et a souligné certaines préoccupations en matière de sécurité de haut niveau en ce qui a trait à l'ingérence étrangère, notamment les menaces pour les institutions démocratiques, le ciblage des communautés de la diaspora et la nécessité d'accroître la collaboration au pays.
258. Sécurité publique Canada est chargé d'appuyer les réunions FPT des ministres responsables de la justice et de la sécurité publique. La question de l'ingérence étrangère n'a pas été soulevée pour être étudiée à l'échelle fédérale, provinciale ou territoriale au cours de la période à l'examen. Sécurité publique Canada n'a fourni aucun autre document lié aux activités de liaison ou de mobilisation.
259. Le SCRS mène beaucoup d'activités de liaison auprès des gouvernements et des organisations non fédérales sur la diversité des menaces qui pèsent sur le Canada. Ces activités sont très répandues et dirigées par tous les niveaux de l'organisation, y compris par le directeur, et dans toutes les régions au pays. Toutefois, le SCRS semble nouer le dialogue avec la population de façon ponctuelle. Selon les priorités, les enquêtes et les ressources, chaque région fait participer les institutions de son ressort. Il n'existe aucune stratégie constante pour cerner les organisations avec qui nouer le dialogue. Par exemple, le SCRS a informé [*** une municipalité en particulier en 2018 ***] mais ne possède pas de plan en bonne et due forme visant à nouer le dialogue avec d'autres municipalités ou paliers de gouvernement en Ontario ou ailleurs.
260. De plus, le SCRS partage principalement des renseignements de nature générale sur l'ingérence étrangère à l'extérieur du gouvernement fédéral. Les réunions et les séances d'information qu'il tient donnent généralement un aperçu du mandat du SCRS, des principales menaces pour la sécurité du Canada et des informations avant un voyage, et amènent une discussion sommaire sur l'ingérence étrangère. [*** La phrase a été revue pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. La phrase décrit une séance d'information du SCRS à des représentants d'une province et mentionne la rareté des informations sur l'ingérence étrangère dans une présentation. ***] Note de bas de page 226 Cette notion se trouve dans beaucoup d'autres notes d'information et documents de sensibilisation.
261. Le SCRS est limité pour ce qui est de la quantité et du fond des informations qu'il peut échanger en raison de la nature délicate de la question et de la classification des documents. Bon nombre des organisations qui rencontrent le SCRS, en particulier les représentants d'autres paliers du gouvernement, n'ont pas la cote de sécurité requise pour consulter le matériel classifié. Lorsqu'il est possible de nouer le dialogue, du point de vue de la classification, le SCRS organise des séances plus détaillées pour ses partenaires clés. [*** La phrase a été revue pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. La phrase décrit une séance d'information du SCRS à des représentants d'une province et mentionne la quantité importante d'informations fournies sur l'ingérence étrangère. ***] Note de bas de page 227
262. Les activités de coordination et de liaison de la GRC sur l'ingérence étrangère sont préliminaires. Dans une note d'information d'août 2018 à la CSNR, la GRC a souligné des occasions ultérieures de coordination et de participation avec les partenaires nationaux :
[traduction] La GRC se trouve dans une position unique pour faciliter les efforts du gouvernement du Canada dans la lutte contre l'ingérence étrangère. Par exemple, les citoyens signaleraient probablement les actes d'intimidation à l'organisme d'application de la loi local, ce qui permet à la GRC et à ses partenaires des services de police compétents de mener une enquête et de pouvoir troubler l'activité, et de signaler de telles activités à l'appareil élargi de la sécurité et du renseignement. La GRC peut également mener des activités de prévention en aidant à informer l'industrie et le milieu universitaire des vulnérabilités possibles et en nouant des relations solides avec les communautés des diasporas. La GRC collabore avec l'Association canadienne des chefs de police (ACCP) pour informer les services de police compétents sur la menace et mettre en place des mécanismes pour signaler les incidents Note de bas de page 228 .
263. La GRC a organisé un atelier sur l'ingérence étrangère avec des partenaires nationaux de l'application de la loi en mars 2019. Le résumé de la GRC suivant l'événement indique que [traduction] « l'on a pu dégager de l'ensemble des discussions un point à travailler: sensibiliser davantage les services de police de première ligne au sujet de [l'ingérence étrangère]. Les participants ont indiqué que, en règle générale, les services de police n'ont pas entendu parler de l'ingérence étrangère ou ne comprennent la notion que vaguement Note de bas de page 229 . » Cependant, la plupart des informations données aux organismes d'application de la loi nationaux lors de cet atelier définissait la menace comme étant de l'ingérence étrangère et aussi de l'espionnage.
264. La GRC a également mis en avant la menace de l'ingérence étrangère auprès de l'ACCP. En 2018, la GRC a défini un point de départ d'une approche nationale de coordination pour les organismes d'application de la loi : [traduction] « La GRC ne cesse de chercher des façons d'améliorer sa capacité de répondre à la menace que représente l'ingérence étrangère. Alors qu'elle poursuit ses efforts, elle demande aux membres de l'ACCP de signaler les incidents possibles d'ingérence étrangère aux services de police fédéraux. [...] Ainsi, la compréhension commune de l'ampleur et de l'étendue de la menace en sera améliorée et l'élaboration de stratégies d'atténuation sera facilitée Note de bas de page 230 . »
Nouer le dialogue avec la population
265. La ministre des Institutions démocratiques a publiquement parlé des efforts du gouvernement en vue de protéger les élections de 2019 Note de bas de page 231 . En janvier 2019, avec les ministres de la Sécurité publique et de la Protection civile et de la Défense nationale, la ministre des Institutions démocratiques a annoncé un plan visant à combattre l'ingérence étrangère, à renforcer l'état de préparation organisationnelle, à encourager les plateformes de réseaux sociaux à agir et à améliorer l'état de préparation des citoyens. L'annonce comprenait une déclaration selon laquelle les principaux membres des campagnes politiques nationales « pourront bénéficier régulièrement de renseignements classifiés sur les activités d'ingérence étrangère, tant cybernétique[s] qu'humaines, qui ciblent les institutions démocratiques canadiennes Note de bas de page 232 . » Bien que l'examen du Comité ne touche pas aux efforts de protection des élections fédérales de 2019, le Comité n'a reçu aucune information du BCP sur les initiatives de sensibilisation des partis politiques en ce qui a trait à l'étendue de l'examen d'une manière plus générale. Dans ce contexte, le Comité souligne sa recommandation du Rapport spécial sur les allégations entourant la visite officielle du premier ministre Trudeau en Inde en février 2018 : « Dans l'intérêt de la sécurité nationale, il faudrait informer les députés de la Chambre des communes et les sénateurs des risques que représentent l'ingérence étrangère et l'extrémisme au Canada au moment de leur assermentation, et un suivi en ce sens devrait être effectué régulièrement par la suite Note de bas de page 233 . »
266. Le SCRS mène également des activités de liaison publique. En avril 2018, le directeur a prononcé un discours devant le groupe U15, un regroupement de certaines des universités canadiennes les plus axées sur la recherche, portant sur les menaces qui planent sur leurs campus. Parce que ce discours n'était pas classifié, il s'agit de la discussion et du discours les plus publics au sujet de la menace de l'ingérence étrangère, y compris la mention d'auteurs de la menace, que le Comité a examinés. Par exemple, dans son discours, le directeur a déclaré :
[traduction] Certains services de renseignement et représentants de l'étranger (particulièrement ceux de la Chine et de la Russie) se livrent aussi à la surveillance et à la coercition d'étudiants, de membres du corps professoral et d'autres représentants universitaires. Dans certains cas, les étudiants sont forcés à participer à des activités (comme des manifestations et de l'espionnage d'autres étudiants) qui sont organisées clandestinement par une puissance étrangère pour faire progresser son influence politique. Les universités peuvent également servir d'endroits pour le « recrutement de talents » et la collecte de renseignements, dans des circonstances particulières [...] [et] les auteurs de menace chinois se consacrent avec énergie à des activités d'ingérence étrangère au Canada, comme ils l'ont fait en Australie, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande Note de bas de page 234 .
Le directeur adjoint du Renseignement a fait des remarques similaires à l'Université York en juin 2018. En décembre 2018, le directeur du SCRS a prononcé un discours devant l’Economie Club of Canada dans lequel il fournissait un aperçu du contexte de la menace au Canada, ainsi qu'une description de la menace que font peser d'autres états sur les systèmes et les institutions démocratiques du Canada Note de bas de page 235 .
267. Le SCRS prépare de plus en plus de documents non classifiés reposant sur des informations de sources ouvertes afin d'enrichir la communication d'informations Note de bas de page 236 . Cependant, dans le contexte canadien, les informations accessibles au public sont limitées. Pour remédier à cette lacune, la Direction de la liaison-recherche a tenu de nombreux ateliers et séances d'information données par des experts universitaires, des représentants de différents ministères et organismes fédéraux et d'autres experts de l'étranger. La direction a publié deux rapports tirés d'ateliers pendant la période à l'examen qui abordaient l'ingérence étrangère : Repenser la sécurité : La Chine à l'ère de la rivalité stratégique et Qui dit quoi? : Défis sécuritaires découlant de la désinformation aujourd'hui.
Collaboration et coordination internationale
268. Le Canada et ses alliés ont commencé à se pencher sur des façons d'élaborer des stratégies complètes et multilatérales pour cerner et contrer la menace d'ingérence étrangère. Lorsque le Canada a récemment présidé la réunion du G7 en juin 2018, les dirigeants ont conjointement énoncé les bases régies par des principes entre partenaires économiques pour s'employer à résoudre l'ingérence étrangère :
Les membres du G7 ont en commun les valeurs démocratiques du respect des libertés fondamentales, des droits de la personne et de la primauté du droit. Ils sont attachés à un ordre international fondé sur des règles, essentiel au maintien et au développement de sociétés libres, ouvertes, bien gouvernées, pluralistes, pacifiques et prospères, ainsi qu'à la sécurité et à la coopération entre États. Les acteurs étrangers qui cherchent à saper les institutions et les processus démocratiques par des moyens coercitifs, malhonnêtes, détournés ou malveillants posent une menace stratégique que nous nous engageons à affronter ensemble, de même qu'avec d'autres pays qui partagent avec nous ces valeurs démocratiques. Pour réagir efficacement à cette menace, il faudra adopter une approche coordonnée et multidimensionnelle, respectueuse des droits de la personne et des libertés fondamentales, et élaborée en consultation avec les parties prenantes gouvernementales, dont la société civile et le secteur privé. [...] Nous nous engageons à échanger de l'information, à coordonner nos démarches et à élaborer des stratégies ayant pour but de renforcer nos démocraties et de rendre nos sociétés plus résilientes Note de bas de page 237 .
269. Pour appuyer cet engagement, les dirigeants du G7 ont annoncé au Sommet du G7, en juin 2018, la mise en place du Mécanisme de réponse rapide, dont le concept a été finalisé à la Réunion des ministres des affaires étrangères et de la sécurité du G7 en avril 2018 à Toronto. Le Mécanisme de réponse rapide vise à [traduction] « consolider les capacités nationales et internationales de travailler de manière coordonnée pour renforcer nos démocraties, à raffermir la résilience de nos sociétés et à défendre la liberté d'expression et l'indépendance et la liberté des médias Note de bas de page 238 . » Le mandat premier du Mécanisme de réponse rapide est de surveiller, de trouver et de rassembler des informations sur l'ingérence étrangère, de coordonner les efforts, d'échanger activement les informations et de cerner les occasions de prendre des mesures Note de bas de page 239 . AMC a noté que les états aux vues similaires pourraient également faire partie du Mécanisme de réponse rapide et que les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande et l'Australie avaient récemment été ajoutés Note de bas de page 240 .
270. Les membres du Groupe des cinq ont collectivement reconnu la menace que représente l'ingérence étrangère dans l'ensemble de l'alliance. En août 2018, les ministres du Groupe des cinq responsables de la sécurité publique, de l'immigration et de la justice ont annoncé leur intention de collaborer à la lutte contre l'ingérence étrangère :
[traduction] Nous avons convenu de tirer parti des forces de nos sociétés unies, de nos institutions publiques et privées et de nos partenariats mondiaux pour réduire le risque que fait peser l'ingérence étrangère pour la prospérité et la stabilité nationale et mondiale. Nous nous sommes engagés à mettre en place un mécanisme pour que les cinq pays échangent sur les développements des approches qu'ils emploient pour faire face à la question de l'ingérence étrangère. Notre échange d'informations sur les activités d'ingérence étrangère visera à faire progresser nos connaissances communes de la lutte contre de telles menaces. Dans l'éventualité d'un grave incident d'ingérence étrangère au sein de nos nations souveraines, nous avons consenti que les cinq pays coordonnent les réponses et les attributions appropriées Note de bas de page 241 .
271. Ces engagements de haut niveau orientent la participation de l'appareil de la sécurité et du renseignement du Canada. [*** La phrase a été revue pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. La phrase donne un exemple de l'engagement du CST et du SCRS à l'étranger. ***] Note de bas de page 242
272. [*** Le paragraphe a été revue pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrit l'engagement du BCP à l'étranger. ***]
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- *** Note de bas de page 243
273. La GRC a aussi commencé à contribuer au dialogue international des organismes d'application de la loi sur l'ingérence étrangère. [*** Le paragraphe a été revu pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe donne un exemple de l'engagement de la GRC à l'étranger. *** ]
274. En plus de soutenir les efforts du gouvernement en ce qui a trait aux engagements du G7 et à la mise en place du Mécanisme de réponse rapide, les représentants du niveau opérationnel d'AMC ont participé à une coalition d'états aux vues similaires pour s'attaquer aux *** Les pays membres de ce forum ont échangé des informations sur des cas précis *** Note de bas de page 245 Les représentants du niveau opérationnel ont aussi participé à des réunions ciblées avec les états aux vues similaires. Les représentants d'AMC, de la GRC et du ministère de la Justice ont assisté à une réunion en juin 2018 organisée par le Département d'État américain avec les nations aux vues similaires afin de se pencher sur les vulnérabilités institutionnelles et les secteurs de collaboration (par exemple, politique, médias, enseignement et application de la loi) Note de bas de page 246 . Parmi les engagements notables issus de la réunion, on compte une entente d'échange d'informations, d'outils et de stratégies de mobilisation de la *** Note de bas de page 247 .
Évaluation par le Comité de la réponse a l'ingérence étrangère
275. En répondant à toutes les menaces pour la sécurité nationale, le Canada prend des mesures pour se protéger de la menace que représente l'ingérence étrangère. Plusieurs organismes de l'appareil de la sécurité et du renseignement ont des mandats et des outils précis pour enquêter sur cette menace et la contrer. Ils coordonnent leurs activités par l'entremise de mécanismes interministériels établis et mobilisent les paliers infra nationaux du gouvernement, la population et les états aux vues similaires pour faire progresser les objectifs stratégiques clés. Le Comité présente son évaluation de chacune de ces activités ci-dessous.
Différences entre les compréhensions de la menace de l'ingérence étrangère
276. Les organismes de la sécurité et du renseignement ne possèdent pas une compréhension commune de la menace, y compris de sa gravité au Canada et de ses formes habituelles. Au fil du temps, le SCRS a mené des enquêtes sur l'ingérence étrangère et a fourni de nombreuses évaluations à d'autres organisations gouvernementales sur la nature offensive et omniprésente de la menace au Canada. [*** Les deux phrases qui suivent ont été revues pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Elles décrivent des évaluations du SCRS sur l'ingérence étrangère au Canada. ***] Note de bas de page 248 *** Note de bas de page 249 Bien que les évaluations soient claires et cohérentes, il existe des différences dans la façon dont les organisations clés, comme le BCP et la GRC, perçoivent la menace de l'ingérence étrangère Note de bas de page 250 .
277. La différence entre les définitions représente un autre défi. Alors que la Loi sur le SCRS définit et distingue l'influence étrangère et l'espionnage en tant que deux menaces distinctes pour la sécurité du Canada, l'article 20 de la Loi sur la protection de l'information n'établit pas une telle distinction Note de bas de page 251 . Cette réalité est particulièrement notable pour la GRC, l'organisme responsable de mener des enquêtes en matière d'ingérence étrangère. Dans ses documents et ses audiences, la GRC ne fait pas la distinction entre l'espion nage et l'ingérence étrangère. Le Comité reconnaît que les états étrangers hostiles se livrent à de l'espion nage et à de l'ingérence étrangère, mais il souligne aussi qu'il existe une distinction claire entre l'espionnage, soit l'exfiltration ou le vol d'informations, et l'ingérence étrangère, soit l'utilisation de moyens clandestins ou de menaces pour mettre en avant une opinion ou un objectif en particulier. Même si, sur le plan des enquêtes criminelles, la différence n'est peut-être pas essentielle, il est primordial d'établir, à l'échelle interministérielle, une compréhension et une réponse commune relative à la menace. Comme l'indique Michael Cole :
[traduction] Les activités de force, comme la cooptation, la censure et la désinformation sont indubitablement non éthiques, mais les appareils judiciaires sont mal outillés pour y faire face. Ces activités passent donc dans les failles de nos systèmes qui placent les organismes d'application de la loi, les organismes du contre-espionnage et les tribunaux dans une situation perplexe sur le plan des juridictions Note de bas de page 252 .
278. Un autre enjeu est la proéminence de l'aspect « cyber » comme type d'ingérence. Il n'y a guère de doute que les cybermenaces, y compris l'utilisation de cybermoyens pour mener des activités d'ingérence, sont maintenant connues publiquement et de plus en plus importantes pour la protection des opérations du gouvernement et des réseaux privés. Dans ce contexte, le Comité souligne les investissements importants dans les opérations de cybersécurité du CST, la mise en œuvre de mesures pour protéger les élections fédérales de 2019 et la création de groupes organisationnels précis, comme le Groupe de coordination du Mécanisme de réponse rapide d'AMC. La Loi sur la modernisation des élections vise à agir sur l'ingérence étrangère par la publicité, y compris dans les plateformes des médias en ligne comme Google et Facebook Note de bas de page 253 . Il est instructif, toutefois, de constater que ces mesures mènent toutes une action concernant le même mécanisme d'ingérence; les mécanismes plus traditionnels et répandus en matière d'ingérence étrangère traditionnelle n'ont pas profité d'une telle attention.
279. Il est primordial que le gouvernement réponde à la menace que fait peser l'ingérence étrangère. Pour ce faire, le Comité est d'avis que les organismes de la sécurité et du renseignement devraient au moins avoir une compréhension commune de la menace, de son ampleur et des différentes formes qu'elle prend au Canada.
Coordination interministérielle
280. Le Canada a tardé à répondre à la menace de l'ingérence étrangère. L'ingérence de la Russie dans les élections américaines de 2016, qui a clairement et publiquement montré les vulnérabilités possibles des processus démocratiques, semble avoir été un moment décisif. Par la suite, le gouvernement a créé plusieurs forums interministériels pour prendre des mesures à l'égard de la sécurité électorale et les états hostiles à la fin de 2017 et en 2018. Jusqu'à présent, la plupart de ces activités comprennent des processus stratégiques visant à définir et à comprendre le problème et à trouver les outils pour y répondre. Avant, les efforts du gouvernement pour répondre aux actes indépendants d'ingérence étrangère étaient menés et coordonnés de façon ponctuelle et au cas par cas. Le Comité s'est penché sur trois cas qui ont eu lieu pendant la période à l'examen. Ces cas ont révélé les forces et les faiblesses de l'approche actuelle du Canada dans sa lutte contre l'ingérence étrangère.
281. Les organismes de la sécurité et du renseignement ont pris des mesures tangibles pour agir sur les cas d'ingérence étrangère. Il s'agit d'une force et d'une faiblesse dans la mesure où une action est prise, mais contre seulement un aspect de l'ingérence étrangère d'un état. Dans chacun des cas que le Comité a examinés, les organismes ont chacun élaboré des mesures pour faire face à un état hostile et lutter contre ses activités, mobiliser d'autres membres de l'appareil de la sécurité et du renseignement et mettre en œuvre ces mesures, même s'ils ont obtenu un degré varié de réussite. [*** Une phrase a été revue pour supprimer l'information préjudiciable ou privilégiée. Elle décrit une réponse du gouvernement face à l'ingérence étrangère d'un état. ***] À l'inverse, le cas de la réponse du gouvernement à l'opération Chasse aux renards de la Chine *** portait sur *** l'ingérence de la Chine, *** à l'appui des enquêtes criminelles d'autres états et de trouver et de renvoyer les personnes inadmissibles au Canada. De même, la réponse du gouvernement à l'incident de Salisbury reposait en partie sur l'ingérence de la Russie dans la démocratie du Canada, mais n'aurait seulement eu lieu que dans le contexte de la tentative de meurtre au Royaume-Uni par la Russie. En résumé, les réponses du gouvernement étaient fragmentaires et visaient des incidents précis d'ingérence étrangère, mais ont laissé sans réponse les nombreuses autres situations où les institutions et les droits fondamentaux du Canada continuent d'être compromis par les états hostiles.
282. Les responsabilités de chaque ministère jouent un rôle important dans l'élaboration des réponses du gouvernement à l'ingérence étrangère. En effet, le système de responsabilisation ministérielle du Canada donne aux ministres et aux ministères une grande autonomie dans leur mandat respectif. La conséquence la plus importante est que les organisations prises isolément sont habituellement responsables de déterminer à quel moment agir sur une menace et les moyens pour le faire. Com me il a été vu dans les études de cas, et à leur mérite, le SCRS et AMC y sont parvenus *** Dans chacun des cas, ces organisations ont mobilisé d'autres organisations de l'appareil de la sécurité et du renseignement avant d'agir. Toutefois, cette approche n'est pas sans limites.
283. La limite la plus importante est inhérente au mandat et aux responsabilités de chaque organisation. Le Comité craint que si une organisation devient responsable de déterminer l'éventuelle réponse à l'ingérence étrangère, les considérations liées au mandat de l'organisation auront préséance sur les autres éléments à prendre en considération. Par exemple, le mandat d’AMC est de représenter les intérêts du Canada à l'étranger. Il est entre autres chargé de gérer les relations diplomatiques, de régler les questions consulaires et de promouvoir le commerce international. Le ministère possède et met en œuvre également la majorité des outils du Canada pour répondre à l'ingérence étrangère, une menace qui apparaît dans un contexte interne.
284. En résumé, AMC s'occupe de l'aspect de la politique étrangère en vertu d'un problème de sécurité intérieur. S'il dirige la décision de répondre à une menace d'ingérence étrangère et la façon d'y répondre, cela signifie que les considérations en matière de politique étrangère, qui sont souvent claires et immédiates (par exemple, *** un état n'importera pas un produit du Canada), primeront sur les considérations des répercussions nationales, qui sont souvent vagues et ont des effets à long terme (par exemple, les activités *** d'un état sapent la liberté d'expression).
285. Le Comité redoute aussi que la coordination ponctuelle dans les cas précis d'ingérence étrangère soit trop restreinte. En mettant l'accent sur un seul enjeu, il est possible de ne pas voir les défis plus globaux qu'il pose pour les groupes ethnoculturels et les institutions fondamentales. Les outils et les solutions pourraient également ne pas être tous examinés. Dans ce contexte, le Comité appuie la récente analyse du gouvernement de la valeur d'une approche davantage globale aux activités des états hostiles :
[traduction] En faisant contribuer la totalité des ressources stratégiques et opérationnelles au sein et à l'extérieur du système fédéral, il serait possible d'obtenir une analyse plus complète d'une menace de plus en plus complexe et en constante évolution, l'évaluation des risques et des occasions de prendre des mesures, les répercussions de l'inaction, le rôle des mesures de dissuasion, et les moyens d'action et les pouvoirs disponibles Note de bas de page 254 .
Nouer le dialogue avec les gouvernements et la population
286. Pour faire valoir leurs intérêts, les états étrangers ciblent les gouvernements infranationaux, des communautés ethnoculturelles précises et la population en général. Il est donc primordial que le gouvernement noue le dialogue avec les institutions fondamentales et la population pour les informer davantage de la menace que représente l'ingérence étrangère et commence à bâtir une défense globale pour le Canada. L'importance de ce dialogue est reconnue depuis quelques temps. En effet, en 1981, la Commission McDonald a recommandé que :
Les ministres et les parlementaires ayant des responsabilités en matière de sécurité et de renseignements devraient s'efforcer de communiquer au public tous les renseignements possibles sur la sécurité du Canada, les dangers qui la menacent et les moyens de les conjurer, afin que le public soit mieux informé des principaux aspects du travail d'un service de renseignements pour la sécurité Note de bas de page 255 .
287. Le dialogue entre le gouvernement et les paliers infra nationaux était irrégulier et n'apprenait rien. En 2017, à deux reprises, le CSNR a essentiellement présenté le même exposé de haut niveau aux greffiers des provinces et des territoires sur les menaces pour la sécurité nationale, notamment l'ingérence étrangère. Le Comité estime qu'il s'agissait là d'une occasion ratée d'accroître la participation et la coordination officielle avec les paliers infra nationaux du gouvernement. Les exposés ne comportaient pas autant de détails que le discours prononcé par le CSNR en 2018 devant les conseillers de sécurité provinciale de l'Ontario, qui expliquait de façon plus complète les menaces qui pesaient sur la société et les institutions du Canada. Pour sa part, Sécurité publique Canada est essentiellement absent dans ce dossier.
288. Les ministères tendent la main individuellement aux organismes infra nationaux. Le SCRS est particulièrement actif dans ce contexte. En effet, il noue le dialogue avec les gouvernements provinciaux et municipaux et les services de police, individuellement. Toutefois, sa capacité de communiquer de l'information est limitée par l'absence de cote de sécurité Secret au sein de la plupart des organisations infranationales. De plus, le SCRS mène en grande partie ses efforts à l'échelle régionale, à l'extérieur d'un programme stratégique de liaison. En ce qui a trait à la GRC, elle a commencé à nouer le dialogue avec les forces policières locales au sujet de la menace que fait planer l'ingérence étrangère. L'approche de la GRC est cependant ralentie par le fait qu'elle ne fait pas de distinction entre l'espionnage et l'ingérence étrangère, *** Note de bas de page 256 Pour cette raison, le Comité craint que les enquêtes sur l'ingérence étrangère continuent d'être menées isolément et ponctuellement, dans bon nombre de cas par les services de police locaux, et ne serviront pas de base à une compréhension plus globale de la menace pour la sécurité nationale, la souveraineté nationale et les droits des Canadiens.
289. Ces limites trouvent écho dans la perception de la population au sujet de la réponse du gouvernement. Par exemple, lors d'un exposé présenté au printemps 2019 devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, le secrétaire général d'Amnistie international Canada a noté que les personnes et organisations ciblées savent rarement vers qui se tourner - le SCRS, la GRC ou le service de police municipal - et qu'elles obtiennent rarement une réponse cohérente des dirigeants Note de bas de page 257 .
290. De plus, le dialogue du gouvernement avec la population sur l'ingérence étrangère a aussi été très limité. Les déclarations publiques des ministres ont été axées sur les efforts visant à assurer l'intégrité des élections fédérales de 2019, et non pas sur les menaces et les risques globaux pour la société canadienne. li n'existe aucune stratégie ou évaluation de la menace pour informer les Canadiens au sujet de l'ingérence étrangère comme le font les rapports annuels sur le terrorisme. De même, les hauts dirigeants du gouvernement ne tendent presque pas la main à la population dans ce contexte. Le directeur du SCRS fait exception. Effectivement, il a engagé un dialogue ouvert et franc sur la nature de la menace dans un contexte public. Au moyen de publications non classifiées et de la liaison-recherche, le SCRS tente également de sensibiliser la population et de mieux éclairer la recherche et l'analyse que mène le gouvernement. Ces activités sont essentielles à l'amélioration de la sensibilisation du public sur les menaces qui pèsent sur le Canada.
291. Le Comité reconnaît les défis liés à la communication d'informations aux institutions fondamentales en raison de leur nature délicate, ainsi que l'indépendance nécessaire de ces institutions. Toutefois, ces défis ne devraient pas empêcher les organisations gouvernementales de communiquer de façon plus approfondie avec les institutions canadiennes relativement aux importantes menaces qui planent sur elles.
Coopération internationale
292. L'engagement du Canada avec ses alliés et les états aux vues similaires afin d'établir des principes communs visant à définir la menace de l'ingérence étrangère et d'y répondre en est à ses débuts. Ses efforts devraient se poursuivre pour au moins deux raisons. D'abord, l'approche du Canada soutient l'ordre international fondé sur les règles, particulièrement pour ce qui est de préciser les comportements acceptables et inacceptables de l'état. Ensuite, elle porte un coup aux efforts des états hostiles visant à diviser et à isoler leurs cibles en créant un front commun. On a constaté que la RPC et la Fédération de Russie, *** auteurs *** d'ingérence étrangère contre les Canada et ses alliés, employaient particulièrement des récompenses et des répressions pour que les états se conforment à leurs intérêts. Même si le Canada et ses alliés auront toujours des intérêts économiques et politiques différents avec ces états, ils leur seraient utiles de s'entendre sur des limites et des réponses pour se protéger, ce qui est particulièrement important pour le Canada à titre de puissance moyenne mondiale.