Conclusion
Rapport spécial sur la collecte, l’utilisation, la conservation et la diffusion de renseignements sur les Canadiens dans le contexte des activités de renseignement de défense du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes
125. Le Comité a préparé ce Rapport spécial pour trois raisons. La première cherchait à réconcilier l'affirmation du MDN/FAC, selon laquelle il ne vise pas de Canadiens dans ses activités du renseignement de défense, avec la directive fonctionnelle CANCIT, qui, à la première lecture, laisse croire que le MDN/FAC fait le contraire. La deuxième raison consistait à comprendre le cadre juridique du MDN/FAC qui régit l'information sur des Canadiens, pour déterminer si les recommandations de 2018 du Comité devaient être modifiées. La troisième raison était de fournir une analyse de la question de savoir si le cadre juridique du MDN/FAC sou levait des risques opérationnels ou juridiques.
126. Sur les faits qui ont été présentés au Comité, il est clair qu'à l'heure actuelle, le MDN/FAC ne vise pas de Canadiens dans ses activités du renseignement de défense, à l'exception de circonstances bien précises, quand il détient l'autorisation claire de le faire (contre-ingérence) ou quand il prête assistance à d'autres organisations du gouvernement, en vertu de leurs autorisations (un cas étudié dans le présent examen). Cette clarté n'est pas traduite dans la directive fonctionnelle CANCIT. Elle reflète plutôt ce qu'affirme le MDN/FAC, qu'une décision du gouvernement en vertu de la prérogative de la Couronne peut lui fournir le fondement juridique nécessaire pour viser des Canadiens dans ses activités du renseignement de défense.
127. Le Comité ne croit pas que cette affirmation soit raisonnable. Le droit canadien comporte des protections substantiel les contre les fouilles et saisies abusives, et des dispositions visant à protéger le droit à la vie privée de Canadiens. Ces protections reposent sur les lois qui s'appliquent à toutes les principales organisations de sécurité et de renseignement. Si le gouvernement du Canada décide d'autoriser le MDN/FAC à viser des Canadiens dans ses activités du renseignement de défense, le recours à la prérogative de la Couronne pourrait se révéler insuffisante comme source de fondement juridique. Dans son Rapport annuel 2018, le Comité a recommandé au gouvernement d'étudier sérieusement la question de fournir un fondement juridique explicite pour la conduite des activités du renseignement de défense du MDN/FAC. Pour les raisons expliquées dans le présent Rapport spécial, le Comité croit maintenant qu'il ne suffit plus simplement d'examiner cette question; plutôt, le gouvernement devrait fournir au MDN/FAC un fondement juridique clair pour mener ses activités du renseignement de défense dans le contexte de ses opérations déployées, notamment pour recueillir de l'information sur des Canadiens.
128. Le présent Rapport spécial a aussi cerné des risques juridiques et opérationnels qui, selon le Comité, devraient être éliminés. Le premier risque concerne la conclusion du Comité selon laquelle le MDN/FAC est d'avis que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'applique pas à ses opérations à l'étranger, même si le ministère allègue qu'il applique l'esprit de la Loi *** Dans ce cas aussi, le Comité est d'opinion que la position du MDN/FAC est injustifiable, ***
129. Le deuxième risq ue est que le droit canadien pourrait ne pas être assez clair *** lorsque des Canadiens sont présents dans le théâtre des opérations. De tels cas sont peut-être rares, mais ils ont eu lieu. Ils soulèvent alors d'importantes questions stratégiques, juridiques et opérationnelles. Le Comité croit que les Canadiens qui se rendent à l'étranger pour poursuivre leur objectif avec des moyens violents ne devraient pas être épargnés par les activités légitimes de renseignement des organisations de sécurité et de renseignement du Canada. Le Comité croit également que le gouvernement a la responsabilité d'aider à identifier ces personnes et à prendre les mesures nécessaires pour les neutraliser. Dans ce contexte, le personnel du renseignement du MDN/FAC doit connaître clairement son autorité d'acquérir, de recueillir, d'analyser et de com muniquer de l'information sur des Canadiens, selon des limites juridiques claires et raisonnables, et dans le respect de la Charte, peu importe si elle s'applique à l'extérieur du Canada ou non.