Introduction
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement : Rapport annuel 2020

1. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (le Comité) est heureux de présenter son troisième Rapport annuel au premier ministre. Le style et le contenu du rapport de cette année diffèrent des autres rapports produits par le Comité. Il tient compte des événements sans précédent de 2020 et des contraintes qui en résultent, et marque également le début de la seconde itération du Comité. Le Comité a été reconstitué en février 2020, et le Rapport spécial ainsi que le Rapport annuel 2019 ont été déposés devant le Parlement en mars 2020. Peu de temps après, un confinement à l'échelle nationale a été imposé, ce qui a forcé le Comité à interrompre ses activités en vue de juguler la propagation de la COVID-19. Le Comité a modifié son plan de travail dans les mois qui ont suivi le confinement et a recommencé à tenir des réunions régulières lorsqu'il était sécuritaire de le faire.

Activités du Comité en 2020

2. Conformément à la Loi sur Je Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (la loi sur le CPSNR), la dissolution du Comité a eu lieu en septembre 2019 lors du déclenchement des élections fédérales. En février 2020, le Comité a été reconstitué, et il a accueilli cinq nouveaux membres et quatre anciens membres, qui représentent les principaux partis et groupes reconnus du Sénat et de la Chambre des communes. Entre février et mars 2020, le Comité a tenu sept réunions visant à informer les membres au sujet du mandat du Comité ainsi que des rôles et des pouvoirs des principales organisations de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Plusieurs réunions du Comité ont servi à préparer le dépôt des rapports de 2019, notamment pour discuter en profondeur du processus du gouvernement visant à cerner les informations dont la communication porterait atteinte à la sécurité ou à la défense nationale ou aux relations internationales, ou des renseignements protégés par le privilège relatif au litige, et ensuite de déterminer comment retirer ces informations avant le dépôt des rapports. Pendant cette période, le Comité a été en mesure de visiter les bureaux du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de rencontrer des universitaires afin de discuter de questions importantes auxquelles l'appareil de la sécurité nationale et du renseignement fait face. Les nouveaux membres du Comité ont passé du temps supplémentaire, en dehors des réunions régulières, pour se familiariser avec les rapports précédents du Comité et pour en apprendre plus au sujet de la loi régissant le Comité et de ses procédures.

3. Le 12 mars 2020, le gouvernement a déposé le Rapport annuel 2019 du Comité ainsi que son Rapport spécial sur la collecte, l'utilisation, la conservation et la diffusion de renseignements sur les Canadiens dans le contexte des activités du renseignement de défense du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Au total, les deux rapports contiennent quatre examens approfondis. Le dépôt des rapports coïncidait avec le début d'un confinement à l'échelle nationale visant à freiner la propagation de la COVID-19. Les rapports ont tout de même fait l'objet d'une couverture médiatique à l'échelle nationale et internationale à ce moment, et le président du Comité a mené des activités de sensibilisation auprès d'universitaires et d'autres Canadiens au cours des mois suivants. L'intérêt soutenu des médias envers les examens du Comité, surtout ceux concernant l'ingérence étrangère ainsi que la diversité et l'inclusion, souligne leur pertinence continue aux yeux des Canadiens. Le président a mené d'autres activités de sensibilisation lorsqu'il a pris la parole au sujet des rapports de 2019 du Comité devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des Communes le 23 novembre 2020.

4. Le confinement à l'échelle nationale a interrompu les activités du Comité et l'ont forcé à modifier son plan de travail pour 2020. Les directives en matière de santé publique empêchaient le Comité de se réunir en personne, et la nature sensible de ses travaux ainsi que ses exigences en matière de sécurité ont limité la capacité du Comité de se réunir virtuellement. Le Secrétariat du Comité a poursuivi les travaux au nom du Comité pendant les mois d'avril, de mai et de juin. Durant cette période, le Comité s'est réuni à trois reprises pour préciser ses intentions relativement à son Rapport annuel 2020 ainsi qu'à son plan d'examen pour 2021. La souplesse des membres durant cette période a permis de poursuivre les travaux du Comité, à un rythme plus lent, jusqu'à ce que toutes les mesures soient en place pour reprendre de manière sécuritaire les réunions sécurisées.

5. Depuis le début de la pandémie, le Comité a réduit la fréquence et la durée de ses réunions. Néanmoins, à l'aide du soutien du SCRS en ce qui a trait à la technologie et aux locaux, le Comité s'est réuni 16 fois en 2020 pour un total de 54 heures. Pendant cette période, le Comité a lancé deux examens, a rencontré des cadres supérieurs de l'appareil de la sécurité et du renseignement, a organisé trois audiences et a rédigé le présent Rapport annuel. Le Comité a des projets ambitieux pour 2021, et les travaux relatifs à ces examens vont bon train.

Le point sur la réponse du gouvernement aux recommandations du Comité

6. À la suite de sa reconstitution en 2020, le Comité a pris le temps de se pencher sur la réponse du gouvernement concernant les travaux que le Comité a réalisés au cours de ses deux premières années d'existence. Depuis le dépôt de son premier Rapport spécial en décembre 2019, le Comité a formulé 23 recommandations à l'intention du gouvernement visant à renforcer l'efficacité et la responsabilisation de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Note de bas de page 1

7. La réponse du gouvernement aux rapports du Comité a été limitée. Juste avant sa dissolution en septembre 2019, le Comité a reçu une lettre du premier ministre reconnaissant son travail et indiquant qu'il se penchait sur ses recommandations. Les lettres de mandat à l'intention des ministres de la Sécurité publique et de la Protection civile, et de la Défense nationale remises par le premier ministre en décembre 2019 leur demandait de : « mettre en place un nouveau cadre régissant la collecte, la gestion et l'utilisation des renseignements de défense par le Canada, comme le recommande le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Note de bas de page 2  » Le Comité a reçu une copie d'une lettre du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada envoyée au ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes (MDN/FAC) lui offrant de l'aide et son expertise afin que le MDN/FAC mette en œuvre cet engagement. Le Comité et son Secrétariat ont également reçu de la rétroaction informelle de la part de cadres supérieurs concernant certains aspects des examens du Comité.

8. Les membres du Comité passent beaucoup de temps à délibérer des recommandations pour s'assurer qu'elles sont raisonnables, applicables et efficaces. Les examens sont le produit d'un travail notable de la part du Comité et des organisations de l'appareil de la sécurité et du renseignement. Le Comité reconnaît que le gouvernement n'est pas tenu de répondre aux recommandations. Toutefois, le Comité estime que des réponses régulières et concrètes contribueraient à renforcer la responsabilisation et la transparence de l'appareil de la sécurité et du renseignement. À ce sujet, il convient de noter que le comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité du Royaume-Uni, l'homologue international du Comité, reçoit régulièrement des réponses du gouvernement concernant ses rapports. Par conséquent, nous demandons au gouvernement d'envisager de répondre officiellement aux examens du Comité, de la même façon qu'il répond à des organisations comme le Bureau du vérificateur général et les comités parlementaires.

Planification des activités a venir

Le plan d'action du Comité est ambitieux, et le Comité a annoncé le début de ses prochains examens en septembre 2020. La seconde itération du Comité continuera d'effectuer des examens concernant des cadres et des activités en vertu des alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de sa loi habilitante. En effet, il examinera le cadre du gouvernement visant à protéger ses systèmes et ses réseaux contre les cyberattaques, ainsi que les activités d'Affaires mondiales Canada liées à la sécurité nationale et au renseignement. Les deux examens sont en cours et le Comité se réjouit à l'idée d'étudier ces questions au cours de l'année à venir. Le Comité s'engage toujours à nouer le dialogue avec la société civile et les universitaires afin de veiller à ce que ses travaux tiennent compte d'une multitude de points de vue.

Exigences en matière d'établissement de rapports

10. La loi sur le CPSNR impose un certain nombre d'obligations en matière d'établissement de rapports au Comité. Conformément à l'alinéa 21(1), le Comité doit présenter ses conclusions et ses recommandations de la dernière année dans son rapport annuel. Comme susmentionné, le Comité n'a pas réalisé d'examen en 2020 et n'a donc aucune conclusion et recommandation à présenter. La Loi sur le CPSNR stipule aussi que le Comité doit indiquer le nombre de fois où, au cours de l'année précédente, un ministre compétent a déterminé qu'un examen des activités proposé par le Comité porterait atteinte à la sécurité nationale. Le Comité doit également indiquer le nombre de fois où un ministre compétent a refusé de communiquer un renseignement au Comité car, selon lui, le renseignement est un renseignement opérationnel spécial ou sa communication porterait atteinte à la sécurité nationale. En 2020, il n'a pas été déterminé qu'un examen présenté par le Comité porterait atteinte à la sécurité nationale, et aucun ministre n'a refusé de communiquer un renseignement au Comité avec comme motif qu'il s'agit d'un renseignement opérationnel spécial et que sa communication porterait atteinte à la sécurité nationale.

11. Le Comité indique également qu'il a reçu des rapports annuels de treize organisations concernant leurs applications de la Directive ministérielle : Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères, conformément au paragraphe 8(1) de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. Cette directive oblige les ministères et les organismes de mettre en place ou de mettre à jour leurs politiques et leurs procédures afin d'assurer leur conformité à la loi. Le Comité a reçu des rapports de la part d'Affaires mondiales Canada, de l'Agence des services frontaliers du Canada, de l'Agence du revenu du Canada, du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), du Centre de la sécurité des télécommunications (CST), de la Gendarmerie royale du Canada, d'immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, de Pêches et Océans Canada, du SCRS, de Sécurité publique Canada et de Transports Canada. Le Comité n'a pas reçu de rapports de la part du Bureau du Conseil privé.

12. En septembre 2020, le gouvernement a fourni au Comité la version classifiée du Rapport sur l'évaluation du protocole public en cas d'incident électoral majeur. Le protocole public et le Rapport ont été demandés dans le cadre d'une directive du Cabinet de juillet 2019, qui présentait une approche visant à informer le public des incidents en matière d'ingérence étrangère menaçant l'intégrité des élections fédérales de 2019. L'approche prévoyait notamment l'établissement d'un groupe d'experts composé de cinq hauts fonctionnaires qui seraient chargés de décider d'informer les Canadiens de ces incidents. La directive demandait également qu'un examen indépendant du protocole soit effectué afin d'évaluer sa mise en œuvre et son efficacité, de déterminer s'il devrait être établi de manière permanente et de cerner de possibles améliorations. De plus, la directive imposait aussi de fournir au Comité un rapport final de cet examen. Jim Judd, un ancien directeur du SCRS et un ancien sous-ministre de la Défense nationale, a effectué l'examen.

13. Le Comité a examiné attentivement le rapport de Jim Judd. Il était encouragé de voir le gouvernement prendre des mesures concrètes pour lutter contre l'ingérence étrangère. Comme indiqué dans le Rapport annuel 2019 du Comité, le Canada est la cible d'activités d'ingérence étrangère substantielles et soutenues. Des acteurs étrangers cherchent à perturber le processus politique du Canada à tous les niveaux du gouvernement, ce qui pose un risque pour la souveraineté du pays et l'intégrité des institutions démocratiques. Par conséquent, le Comité appuie les principales recommandations du rapport de Jim Judd, notamment celles portant sur le rétablissement du mécanisme du protocole bien avant les prochaines élections fédérales et sur l'élargissement du mandat pour comprendre la période préélectorale.

14. Le Comité estime que le gouvernement devrait envisager quatre questions au moment de délibérer des recommandations du Rapport :

  • En premier lieu, le mandat du protocole devrait porter sur toutes les formes d'ingérence étrangère, de la cyberingérence aux méthodes plus traditionnelles. D'après l'examen de 2019 du Comité, les formes traditionnelles d'ingérence étrangère sont omniprésentes dans la sphère politique du Canada et représentent une menace considérable pour les droits et les libertés des Canadiens.
  • En deuxième lieu, la composition du groupe d'experts pourrait bénéficier de l'inclusion de Canadiens éminents, possiblement des juristes retraités. Le Comité redoute que les hauts fonctionnaires nommés pour le groupe d'experts soient préoccupés par la préparation de la transition durant la période électorale, et souligne qu'une intervention par un groupe qui comprend des Canadiens éminents non-partisans et de grande notoriété pourrait avoir une plus grande incidence dans le contexte hautement politisé des élections.
  • En troisième lieu, le gouvernement devrait discuter fréquemment et en profondeur avec les partis politiques sur le but et le fonctionnement du Protocole afin d'assurer la compréhension la plus vaste sur le rôle non partisan du groupe d'experts et le processus d'intervention.
  • En dernier lieu, on devrait étudier plus en profondeur la manière dont le groupe d'experts informerait les Canadiens d'un incident d'ingérence étrangère, notamment les questions touchant les attributions.

15. Le Comité a fait part de son opinion au sujet du rapport Judd dans une lettre au premier ministre en décembre 2020 et poursuivra ses discussions sur le protocole avec le greffier du Conseil privé en sa qualité de président du groupe d'experts.

Structure du Rapport annuel

16. Le Rapport annuel 2020 est différent des autres rapports du Comité. Puisque le Comité a été reconstitué en février 2020, et en raison des perturbations causées par la pandémie, le Comité n'a pas été en mesure d'achever un examen approfondi en 2020 à inclure dans son rapport annuel. Après avoir délibéré longuement, le Comité a plutôt décidé de faire le point sur l'évaluation de la menace présentée dans son premier rapport annuel datant de 2018, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, le gouvernement ne rédige pas d'aperçu disponible au public sur les principales menaces pour la sécurité nationale du Canada. Le Comité a relevé cette lacune dans son Rapport annuel 2018 et il estime toujours qu'un tel aperçu sensibiliserait davantage la population aux menaces pour la sécurité du Canada. Ensuite, le Comité s'attend à ce que sa mise à jour de 2020 continuera d'éclairer le débat sur les enjeux importants en matière de sécurité et de renseignement au Canada. Enfin, au cours des deux dernières années, d'importants changements se sont produits dans le milieu de la sécurité à l'échelle nationale et internationale, y compris des défis imposés par la pandémie de COVID-19.

17. Le chapitre suivant fait le point sur les principales menaces en matière de sécurité envers le Canada : le terrorisme, l'espionnage et l'ingérence étrangère, les cyberactivités malveillantes, le crime organisé d'envergure et les armes de destruction massive. Cette mise à jour donnera le ton aux prochains examens du Comité.

18. L'aperçu des menaces pour la sécurité nationale du Canada présenté par le Comité en 2018 n'inclut pas les menaces militaires qui pèsent sur le pays. Le Comité note que le MDN/FAC a demandé au Comité d'inclure une description de ces menaces dans son aperçu de 2020. Selon le MDN/FAC [traduction] « au cours des dernières années, nos adversaires, notamment la Russie et la Chine, ont fortement priorisé leurs appareils de défense et ils s'affirment de plus en plus dans leurs efforts visant à remettre en cause l'ordre international fondé sur des règles, avec l'intention claire de contrer l'influence et les intérêts occidentaux. Les adversaires du Canada ont étudié nos capacités militaires et ils ont développé des armes précisément conçues pour déjouer nos défenses et exploiter nos vulnérabilités Note de bas de page 3  » Le Comité envisage de faire un suivi avec le MDN/FAC et d'autres organismes de sécurité à l'avenir afin de mieux comprendre la nature et la portée des menaces militaires à la sécurité du Canada.