Chapitre 2 : Cohérence en matière de politique étrangère
Rapport spécial sur les activités d’Affaires mondiales Canada en matière de sécurité nationale et de renseignement

44. Le rôle du Ministère le plus vaste pour ce qui est des membres de l'appareil de la sécurité et du renseignement consiste à assurer la cohérence en matière de politique étrangère. Le ministre des Affaires étrangères est responsable de favoriser les intérêts du Canada en matière de politique étrangère, mais il est aussi responsable des effets de ladite politique sur les activités du gouvernement, et ce, au pays comme à l'étranger. De fait, le ministre des Affaires étrangères est le gestionnaire des risques en matière de politique étrangère sur les activités liées à la sécurité et au renseignement ayant un lien avec l'étranger. Compte tenu de cette vaste sphère de responsabilités, l'une des fonctions centrales d'AMC est de veiller à ce que les organisations de sécurité et de renseignement prennent en compte l'éventail complet des intérêts du Canada, lorsqu'elles déterminent les modalités d'intervention face à une menace sur le plan de la sécurité ou lorsqu'il s'agit de planifier des activités liées au renseignement à l'étranger.

45. La concrétisation de ce rôle à l'égard de la cohérence se manifeste suivant une pluralité de mécanismes officiels et non officiels. Au niveau national, le Ministère consulte régulièrement ses partenaires centraux de l'appareil par l'intermédiaire de processus formels et d'une hiérarchie de comités. Au niveau international, les chefs de mission canadiens (ambassades et consulats) tiennent un rôle déterminant lorsqu'il s'agit de garantir la cohérence des activités de l'appareil de la sécurité et du renseignement à l'étranger. Enfin, la perspective et les responsabilités découlant de la politique étrangère constituent un élément capital que le gouvernement doit prendre en compte lorsqu'il est question de répondre à un large éventail de menaces pour la sécurité nationale, principalement les activités hostiles perpétrées par des acteurs étatiques malveillants. Le présent chapitre examine les différents aspects du rôle d'AMC qui lui permettent de veiller à ce que les activités des autres ministères et organisations œuvrant dans le domaine de la sécurité nationale et du renseignement s'alignent sur la politique du Canada en matière d'affaires étrangères.

Engagement formel à l'égard des partenaires de la sécurité et du renseignement

46. L'une des façons par lesquelles AMC veille sur la cohérence avec la politique étrangère consiste à tenir des consultations régulières auprès de ses principaux partenaires de la sécurité et du renseignement relativement aux enjeux stratégiques et opérationnels. Au cours des dix dernières années, les consultations du Ministère auprès du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), du Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et, dans une moindre mesure, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes (MDN/FAC) se sont progressivement ancrées dans les activités normales. Cette évolution est l'effet direct des changements apportés aux activités et aux pouvoirs des partenaires de la sécurité et du renseignement, et témoigne de la reconnaissance accrue à l'égard du rôle d'AMC sur le plan de la gestion des risques liés à la politique étrangère.

Service canadien du renseignement de sécurité

47. La relation entre AMC et le SCRS, le service du renseignement de sécurité du Canada, remonte à 1984, année de création du Service. La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS) avait établi un rôle pour le ministre des Affaires étrangères en lui demandant de recueillir des renseignements étrangers à l'intérieur du Canada (voir les paragraphes 88-96) et en exigeant que le SCRS consulte AMC avant de conclure des ententes avec des entités étrangères. Note de bas de page 84 Au cours des décennies suivantes, les deux organisations ont conclu bon nombre d'ententes suivant lesquelles on a pu officialiser et intensifier les consultations ayant trait aux activités et aux opérations devant se dérouler au pays et à l'étranger.

Équipe de gestion mixte

48. La coopération entre les deux organisations s'est formalisée en 2009 suivant la signature d'un protocole d'entente -SCRS sur la collaboration en matière de renseignement ***. En plus d'énoncer les relations hiérarchiques et les responsabilités des ***, le protocole établit la structure d'une équipe de gestion mixte appelée à constituer, pour les deux organisations, le principal forum de coopération et de coordination en matière de renseignement. Note de bas de page 85 En vertu de l'entente de 2009, les réunions de l'équipe de gestion mixte devaient avoir lieu tous les mois et devaient réunir des cadres supérieurs de la Direction générale du renseignement d'AMC et *** du SCRS. Le mandat de l'équipe de gestion mixte était de gérer tous les aspects de la coopération entre les deux organisations pour ce qui a trait au renseignement, et ce, tant sur le plan de la coordination et de la collaboration visant les activités et les opérations que sur le plan de la résolution des difficultés relationnelles. En 2013, AMC et le SCRS ont mis sur pied une équipe mixte de cadres supérieurs, laquelle était coprésidée par le sous-ministre des Affaires étrangères et le directeur du SCRS, et chargée de se pencher sur les enjeux stratégiques prioritaires. Note de bas de page 86 Cette équipe de cadres ne se réunissait pas à date fixe, mais les comptes rendus enregistrés de 2015 à 2020 indiquent que les réunions ont eu lieu une fois l'an, à l'exception d'un intervalle en 2017. En 2019, les deux organisations ont intégré officiellement à la structure de l'équipe de gestion mixte les réunions des directeurs généraux appuyant l'équipe de cadres supérieurs dans le but d'accroître la collaboration à cet échelon. Note de bas de page 87 Ce groupe se réunit chaque trimestre pour discuter de toutes les facettes de la coopération, notamment les activités de collecte de renseignements étrangers au Canada, les relations que le SCRS entretient avec l'étranger et l'évaluation des risques liés à la politique étrangère.

Ententes et échanges d'information avec les entités étrangères

49. Au titre de la Loi sur le SCRS, le ministre de la Sécurité publique doit consulter le ministre des Affaires étrangères avant d'autoriser le SCRS à conclure une entente ou à coopérer de quelque façon avec une institution ou un gouvernement étranger ou encore avec une organisation internationale. Note de bas de page 88 Concrètement, le processus de consultation débute par une demande écrite de la part de la Sous-section *** du SCRS à l'intention de la Direction générale du renseignement d'AMC. Cette lettre doit notamment énoncer les motifs et la portée de l'entente qu'il s'agit de conclure. Note de bas de page 89 Une fois que la Direction générale du renseignement a signifié son appui, Sécurité publique prépare la correspondance officielle du ministre de la Sécurité publique à l'intention du ministre des Affaires étrangères. De son côté, AMC prépare les documents d'information ainsi que la correspondance de son ministre, dans lesquels sont énoncés les aspects de l'entente qui touchent à la politique étrangère ainsi que les préoccupations potentielles liées à la réputation du partenaire étranger sur le plan des droits de la personne. Note de bas de page 90

50. Bien que le processus de consultation concernant les ententes avec l'étranger soit établi de longue date, AMC n'a toujours pas élaboré de politiques ni de procédures appelées à orienter, voire à régir ces ententes. En outre, le Comité a dû se donner un aperçu des processus internes d'AMC à partir d'une série de mémoires au ministre des Affaires étrangères plutôt que par l'examen de documents officiels énonçant clairement le processus de consultation du Ministère ainsi que les facteurs incitatifs et dissuasifs à prendre en compte lors de l'analyse d'une entente potentielle. Au reste, le Ministère ne dispose d'aucun mécanisme interne visant l'examen de l'état des ententes antérieurement conclues ni d'aucune procédure exigeant la production de rapports concernant ces ententes. Note de bas de page 91 À titre comparatif, le SCRS a mis en place des procédures officielles pour la régie des processus internes visant les demandes d'ententes en vertu de l'article 17. Il fait également rapport au ministre de la Sécurité publique tous les ans, pour faire état des ententes conclues au titre de l'article 17, conformément aux instructions du ministre du Service en matière de reddition de comptes. Note de bas de page 92

51. Hormis les processus régis par l'article 17, le SCRS consulte AMC — par l'entremise du Comité d'évaluation des échanges d'information — relativement aux échanges d'information avec les entités étrangères. Ce comité est chargé de déterminer s'il convient ou non d'échanger des informations avec les entités étrangères en question et de veiller à ce que le SCRS obéisse aux dispositions de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. Note de bas de page 93 AMC alimente les délibérations du Comité en lui faisant part de sa perspective sur le plan de la politique étrangère et des droits de la personne. Note de bas de page 94

Évaluation des risques liés a la politique étrangère

52. [*** Ce paragraphe a été revu pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. ***]. Deux importants événements, opérationnel et législatif, ont donné lieu à un rapprochement des consultations opérationnelles entre AMC et le SCRS. Le premier ***. Note de bas de page 95 L'incident a eu d'importantes répercussions sur la relation bilatérale du Canada tout en rappelant la nécessité de renforcer le processus consultatif entre les deux organisations. Note de bas de page 96 Le second événement important consiste en l'adoption de la Loi antiterroriste (2015) qui accordait au SCRS le pouvoir d'appliquer des mesures — au Canada ou à l'étranger — visant à réduire toute menace pour la sécurité nationale. Note de bas de page 97 Compte tenu des circonstances, la haute direction a reconnu la nécessité d'appliquer des mesures de responsabilisation plus rigoureuses, ce qui prévoyait l'attribution d'un nouveau rôle à AMC, à savoir celui d'évaluer les risques associés à de telles mesures. Note de bas de page 98 Le rôle a été officialisé en 2015, dans les instructions du ministre au SCRS sur les opérations et la reddition de comptes, laquelle oblige le SCRS à miser sur [traduction] « un mécanisme de consultation rigoureux avec [AMC] ayant pour objet de favoriser l'analyse et la gestion conjointes des risques que pourraient poser les activités opérationnelles menées à l'extérieur du Canada ». Note de bas de page 99 Par ailleurs, les instructions ajoutent qu'il est désormais de tenir des consultations avec le sous-ministre des Affaires étrangères Note de bas de page 100 , et énoncent les quatre éléments qu'AMC doit prendre en compte relativement aux risques liés à la politique étrangère.

53. En 2016, AMC et le SCRS ont conçu deux mécanismes formels de consultation ayant pour objet d'orienter la prestation des évaluations du risque lié à la politique étrangère. Mis au point en 2017, le [premier] mécanisme de consultation*** guide la prestation des évaluations du risque lié à la politique étrangère pour les opérations du SCRS, dans le contexte des enquêtes sur la sécurité nationale visées par l'article 12 de la Loi sur le SCRS. Note de bas de page 101 Or, *** le [deuxième] mécanisme de consultation *** [oriente] les évaluations du risque lié à la politique étrangère visant les mesures de réduction des menaces que le SCRS met en œuvre suivant les dispositions de l'article 12.1 de la Loi sur le SCRS. Note de bas de page 102 Conformément aux deux mécanismes, le SCRS consulte AMC au sujet de toutes les opérations ayant un lien avec l'étranger, autrement dit, au sujet de toutes les opérations se déroulant à l'étranger ou pouvant influer sur les intérêts ou les objectifs du Canada en matière de politique étrangère. [*** Deux phrases ont été supprimées pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Les phrases décrivaient les différentes exigences relatives aux deux mécanismes. ***].

54. Concrètement, [*** le ***] SCRS amorce ladite consultation en produisant *** de l'opération du SCRS ainsi que *** à l'intention de la Direction générale du renseignement d'AMC. Note de bas de page 103 Par la suite, la Direction générale du renseignement du Ministère entame des consultations en interne avec les intervenants, notamment les secteurs géographiques, les chefs de mission concernés, le ministère de la Justice et les services juridiques du Ministère (les deux selon le besoin), ce qui permet d'évaluer l'incidence potentielle de l'opération sur les relations bilatérales et multilatérales ainsi que leur conformité à la législation en matière de sanctions et aux obligations légales du Canada sur l'échiquier mondial. Note de bas de page 104 Au demeurant, AMC a le loisir de demander de plus amples détails ou des discussions additionnelles avant de produire son évaluation des risques105. Ensuite, le SCRS intègre l'évaluation d'AMC à sa propre évaluation globale des risques de sorte à établir le niveau général de risque de l'opération. Note de bas de page 106 Les représentants d'AMC et du SCRS ont indiqué que leurs personnels demeuraient en contact étroit tout au long du processus de consultation, permettant ainsi d'assurer un échange d'information efficace ainsi qu'une atténuation adéquate des risques pour toutes les opérations. Note de bas de page 107 D'ailleurs, AMC a remarqué que les consultations s'étaient intensifiées depuis l'adoption des mécanismes. On en veut pour preuve les *** évaluations du risque produites par le Ministère en 2019 alors qu'en 2020, ce nombre s'est élevé à près de ***.

55. Les équipes de gestion mixte au niveau du sous-ministre et des directeurs généraux ont pour mandat de gouverner la mise en œuvre conjointe des deux mécanismes de consultation. Pour appuyer cette structure de gouvernance, AMC et le SCRS préparent ensemble, à l'intention de l'équipe de gestion mixte, un rapport annuel portant sur la mise en œuvre du mécanisme de consultation ***. Chaque rapport annuel comprend le nombre total de consultations qui ont eu lieu et répartit les opérations selon trois niveaux de risque lié à la politique étrangère, à savoir faible, moyen et élevé Note de bas de page 108 . Les rapports font également état des difficultés qui ont été éprouvées en cours de consultations ainsi que des possibilités d'amélioration. Les rapports de *** à *** ont rapporté une amélioration du processus de consultation et ont révélé que les deux organisations pouvaient se permettre de réduire le nombre de consultations dans le cas d'opérations [*** Deux phrases ont été supprimées pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Les phrases décrivaient les risques et l'échange d'information. ***] dans l'optique de la politique étrangère. Entre 2015 et 2018, le SCRS a concrétisé *** mesures de réduction des menaces ayant un lien avec la politique étrangère. Note de bas de page 109

56. Du point de vue de la gouvernance interne, AMC a élaboré, en 2021, un schéma de consultation qui lui est propre ainsi qu'un modèle d'approbation s'appliquant à son processus d'évaluation du risque. Note de bas de page 110 Toutefois, le schéma tenant sur deux pages ne donne que peu de détails quant au processus de consultation. Par exemple, il ne comprend pas de liste exhaustive des personnes à consulter au sein du Ministère et de la façon de documenter ces consultations. Quant au modèle, il ne compte qu'une seule page et ne fournit guère plus d'information concernant les processus ou les critères sur lesquels reposent l'examen et l'approbation des évaluations. Qui plus est, le Ministère ne dispose ni de politiques, ni de procédures, ni de structures de comités pour orienter ou encadrer sa prestation d'évaluations du risque lié à la politique étrangère. Il n'est pas non plus tenu de faire rapport au ministre des Affaires étrangères sur les évaluations des risques liés à la politique étrangère, qu'il mène à l'égard des opérations du SCRS. Or, AMC indique qu'en dépit de l'absence de politiques ou de procédures officielles, les agents procèdent à des consultations fréquentes et approfondies auprès des unités compétentes du Ministère, pour veiller à ce que les évaluations du risque soient complètes111. À titre comparatif, le SCRS dispose de politiques et de procédures officielles en considération desquelles il peut superviser le déroulement des activités qu'il mène en vertu de l'article 12 (enquêtes sur la sécurité nationale) et de l'article 12.1 (mesures de réduction des menaces) de la Loi sur le SCRS. Note de bas de page 121 Ces documents énoncent les exigences s'appliquant aux évaluations du risque, au processus d'approbation ainsi qu'à la production de rapports pour toutes les activités opérationnelles menées à l'étranger en vertu des articles 12 et 12.1. De plus, suivant les instructions du ministre concernant la reddition de comptes, le SCRS fait annuellement rapport au ministre de la Sécurité publique sur ses activités opérationnelles à l'étranger et sur son emploi des mesures visant à réduire les menaces. Note de bas de page 113

Autres domaines de coordination et de consultation

57. AMC et le SCRS coopèrent sur des éléments plus larges des activités que le SCRS mène à l'étranger. Suivant le protocole d'entente***, le SCRS doit consulter AMC et recevoir l'aval du chef de mission concerné avant d'affecter un agent *** du SCRS. L'équipe de gestion mixte de directeurs généraux examine les propositions dans le but d'établir de nouveaux postes *** à l'étranger, alors que le sous-ministre des Affaires étrangères et le directeur du SCRS bénéficient d'une séance annuelle d'information grâce à laquelle ils peuvent se tenir au courant des développements. Note de bas de page 114 Suivant cette formule, le SCRS et AMC ont préparé des ententes pour ***. Dans les deux cas, le sous-ministre des Affaires étrangères et le directeur du SCRS se sont échangé des lettres par lesquelles sont établis les termes ***. Note de bas de page 115 En dernier lieu, en vertu des instructions du ministre sur les opérations et la reddition de comptes, le SCRS doit aviser AMC de sa désignation d'un milieu opérationnel dangereux à l'intérieur duquel des employés SCRS titulaires de permis sont autorisés de porter des armes à feu. Note de bas de page 116 AMC et le SCRS disposent de procédures selon lesquelles un avis est envoyé au sous-ministre des Affaires étrangères, au chef de mission concerné et au directeur de la Direction générale du renseignement d'AMC visant à signifier quand de tels milieux ont été désignés et quand des employés armés sont appelés à se rendre dans lesdits milieux. Note de bas de page 117

Centre de la sécurité des télécommunications

58. La collaboration d'AMC avec le CST, l'organisme national du renseignement d'origine électromagnétique lié aux renseignements étrangers et l'autorité technique en matière de cybersécurité et d'assurance de l'information du Canada, remonte à la création du CST, en 1946. Il faut savoir qu'AMC a longtemps été un client de la collecte de renseignements étrangers par le CST ***. Depuis 2002, AMC tient un rôle officiel de consultation dans le cas de certaines des activités les plus sensibles du CST, mais depuis l'adoption de la Loi sur le CST, en 2019, AMC tient un rôle accru en considération des nouveaux pouvoirs du CST en matière de cyberopérations.

Équipe de cadres supérieurs

59. AMC et le CST ont officialisé leur coopération par la signature, en 2009, d'un accord-cadre général. Cet accord reconnaît des éléments importants comme la coopération entre les deux organisations en matière de collecte de renseignements étrangers, la collaboration de longue date aux fins de la mise en œuvre de la législation canadienne sur le contrôle des exportations ainsi que leurs interventions respectives à la suite de cyberincidents qui ont ciblé AMC. Note de bas de page 118 L'accord a également été l'occasion de créer une structure axée sur l'équipe de cadres supérieurs devant constituer la principale plateforme de discussion sur les plans et les priorités de chacune des organisations, sur les sphères de collaboration et sur la résolution des différends. L'équipe des cadres supérieurs se réunit tous les trimestres. Elle est coprésidée par le directeur de la Direction générale du renseignement d'AMC et le directeur général de la Division des politiques stratégiques et de la planification du CST. Un examen des documents entre 2015 et 2019 permet de relever des discussions récurrentes sur les priorités en matière de renseignement, ***, l'article 16 et les mises à jour sur le plan des lois et des politiques.

***

60. La première entente formelle survenue entre le CST et AMC sur le plan des consultations avait trait aux activités du Centre ***. Dans le cadre de ces activités, on avait recours *** aux fins de collecte de renseignements étrangers. En 2002, AMC et le CST ont signé un protocole d'entente suivant lequel le CST devait aviser AMC avant de mener*** à l'extérieur du Canada. Ce protocole d'entente prévoyait également qu'AMC mette en question, s'il y a lieu, la tenue de certaines activités *** que le CST pouvait mener ***. Note de bas de page 119 En l'occurrence, le protocole d'entente de 2002 s'applique toujours, mais en revanche, les deux organisations en sont venues à rationaliser certains éléments de l'entente en 2015. Note de bas de page 120 Actuellement, le CST est tenu d'acheminer à AMC tous les trois mois des courriels de mise à jour *** et de donner des avis préalablement ***

Ententes avec l'étranger

61. Semblablement au SCRS, le CST est tenu de consulter AMC avant de conclure une entente avec une institution gouvernementale étrangère. Cette exigence a d'abord été énoncée dans un document stratégique, à savoir le Cadre de responsabilisation visant les autorisations ministérielles, produit en juin 2001, pour ensuite devenir officielle dans les directives ministérielles de 2006 et de 2012 sur les relations avec les organismes de troisième part. Note de bas de page 122 Cette dernière directive commandait au CST de préparer un argumentaire pour l'établissement d'une relation potentielle. Cet argumentaire devait faire état, notamment, des avantages escomptés, de la nature de la relation, des possibles répercussions sur la politique étrangère et des risques connexes. Ce faisant, le CST était tenu de consulter le sous-ministre des Affaires étrangères au sujet des effets potentiels de l'entente sur la politique étrangère. En dernier lieu, le CST était appelé à réaliser un examen annuel de toutes ses ententes de sorte à en évaluer les risques et à veiller à ce qu'elles continuent de s'aligner sur les intérêts du Canada en matière de politique étrangère. Note de bas de page 123 Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le CST, en 2019, cette exigence a désormais force de loi, ce qui confère un rôle officiel au ministre des Affaires étrangères à l'égard des ententes que le CST envisage de conclure avec des institutions étrangères. À l'instar de ce que la Loi sur le SCRS prescrit sur le plan des responsabilités d'AMC, la Loi sur le CST stipule que le ministre de la Défense nationale doit consulter le ministre des Affaires étrangères avant d'approuver toute entente que le CST souhaiterait conclure avec des institutions étrangères ou avec d'autres États. Note de bas de page 124 Or, ce pouvoir n'a été que récemment établi. Par conséquent, au moment de rédiger la présente, il n'était pas encore arrivé que le CST doive consulter AMC avant de conclure une telle entente. Note de bas de page 125 Le Ministère n'a pas de politique ou de procédure interne appelée à gouverner son rôle dans le cadre de ce processus.

Cyberopérations de défense

62. La Loi sur le CST établit officiellement un rôle de consultation pour AMC par rapport au nouveau pouvoir du CST en matière de cyberopérations. En effet, la Loi autorise le CST à mener des cyberopérations visant à protéger les réseaux du gouvernement ainsi que les systèmes désignés comme étant d'importance pour le gouvernement. Note de bas de page 126 Dans le cadre de ce type d'activités, le CST peut cibler les activités de cybermenace étrangères de sorte à les contrer, sinon à en affaiblir l'effet. Note de bas de page 127 Comme c'est le cas pour les cyberopérations actives du CST (voir les paragraphes 97-103), les cyberopérations de défense pourraient avoir des répercussions considérables sur le plan de la politique étrangère : leur dévoilement ou leur découverte pourraient porter préjudice aux relations bilatérales, et leur déroulement pourrait porter atteinte aux normes ou aux obligations internationales ***. Ces répercussions étant tenues pour acquises, la Loi sur le CST exige que le ministre de la Défense nationale consulte le ministre des Affaires étrangères avant de délivrer une autorisation pour des cyberopérations de défense. Note de bas de page 128

63. Le ministre de la Défense nationale a délivré la première autorisation ministérielle pour des cyberopérations de défense en *** 2019. Note de bas de page 129 D'ailleurs, les représentants du CST ont préparé cette autorisation en consultation avec AMC. En considération des risques que posent ces nouvelles activités, l'autorisation ***. Note de bas de page 130 Sur le plan opérationnel, AMC réalise des évaluations du risque lié à la politique étrangère pour toutes les cyberopérations de défense planifiées par le CST. Dans le cadre de ces évaluations des opérations proposées, AMC analyse plusieurs éléments, dont les répercussions potentielles sur les intérêts du Canada; le niveau de conformité des opérations avec les lois et les normes internationales en matière de cybersécurité; l'alignement des opérations sur les intérêts généraux en matière de politique étrangère; et la nature de la cible ***. Au reste, cette analyse tente également de déterminer si les opérations ***. Contrairement aux évaluations du risque réalisées dans le cas des cyberopérations actives, qui visent à répondre aux obligations légales permettant au ministre d'approuver ou de demander une autorisation de cyberopérations actives, l'évaluation qu'AMC réalise à l'égard des risques liés aux cyberopérations de défense a pour seul objet d'orienter le processus décisionnel et la planification opérationnelle du CST (toutefois, le Ministère a soutenu que le même niveau d'effort doit être déployé pour appuyer la consultation du ministre au sujet des opérations de cyberdéfense et pour que le ministre demande la tenue de cyberopérations actives ou y consente). Note de bas de page 131 Entre *** et ***, le CST a planifié des cyberopérations de défense sans toutefois les réaliser, au motif que d'autres mesures de cyberdéfense appliquées par le CST paraient déjà à la nécessité de réaliser les cyberopérations qui avaient pourtant été planifiées. Note de bas de page 132

64. La collaboration entre le CST et AMC au chapitre des cyberopérations de défense est régie par le groupe de travail sur les cyberopérations actives et de défense (voir le paragraphe 186)133. Les politiques et les procédures internes d'AMC pour la gouvernance de son propre rôle à l'égard de ce processus prennent la forme d'un modèle et d'un schéma pour l'évaluation des risques. Avant mars 2022, le Ministère n'avait pas institué d'exigence formelle pour ce qui a trait à la production de rapports destinés au ministre des Affaires étrangères relativement aux cyberopérations de défense. À contrario, le CST a élaboré des politiques, des procédures et des structures de comités de surveillance qui ont pour mandat d'assurer la gouvernance de ses propres cyberopérations (voir les paragraphes 102-103). L'autorisation ministérielle visant le CST exige également que soient présentés au ministre de la Défense nationale un certain nombre de rapports, notamment des mises à jour trimestrielles sur les cyberopérations de défense et conformément aux dispositions de la Loi sur le CST, un rapport qui doit être produit dans les 90 jours suivant l'échéance de l'autorisation et faire état des résultats des activités qui ont été menées et qui, de surcroît, doit être déposé devant le ministre des Affaires étrangères. Note de bas de page 134

Ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes

65. Les Forces armées canadiennes constituent un élément important de la politique étrangère du Canada. Compte tenu de la portée considérable et de la sensibilité potentielle des activités des FAC à l'étranger — y compris celles qui sont directement liées à la sécurité nationale et au renseignement — il convient assurément de favoriser une collaboration étroite entre le MDN/FAC et AMC pour garantir la cohérence sur le plan de la politique étrangère. Toutefois, hormis l'engagement concernant les mémoires au Cabinet s'appliquant généralement à tous les ministères, les consultations entre le MDN/FAC et AMC ont habituellement été ponctuelles et informelles jusqu'à tout récemment. Note de bas de page 135 En effet, c'est en 2016 qu'AMC et le MDN/FAC ont entamé l'élaboration d'un nombre de processus plus formels et structurés, faisant ainsi suite à une directive du gouvernement insistant sur le renforcement des consultations entre les deux organisations. Ces processus sont décrits ci-après.

Mécanisme conjoint de consultation

66. En 2016, en guise de s' outien à l'engagement énoncé dans la stratégie du gouvernement pour le Moyen-Orient, AMC et le MDN/FAC ont mis sur pied le mécanisme conjoint de consultation, de sorte que les politiques en matière de défense et d'affaires étrangères soient coordonnées136. Initialement, ce mécanisme avait été conçu comme une tribune devant favoriser les discussions et la coordination relatives à la stratégie pour le Moyen-Orient et aux activités de l'opération impact du MDN/FAC. Depuis lors, AMC et le MDN/FAC ont convenu d'en élargir la portée en y intégrant les discussions portant sur une pluralité d'enjeux, notamment les opérations des FAC en cours, les engagements du Canada dans le domaine du maintien de la paix, l'appartenance à des organisations multilatérales comme l'OTAN et l'ONU, et l'administration de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, par AMC. Note de bas de page 137 Le mécanisme prévoit des discussions ponctuelles tenues au niveau des sous-ministres adjoints (SMA) et portant sur les événements récents, en cours de développement ou à venir. De plus, il permet aux deux ministères de s'informer réciproquement et de se coordonner relativement aux enjeux stratégiques qu'ils ont en commun. Note de bas de page 138 Au reste, les représentants d'AMC constatent que ces consultations n'ont pas encore atteint un niveau d'approfondissement suffisant pour permettre à AMC de veiller à ce que les activités du MDN/FAC — surtout en matière de forces spéciales, de renseignement et de cyberopérations — s'alignent infailliblement sur les objectifs de la politique étrangère. Note de bas de page 139

Mécanismes de consultation en cours d'élaboration

67. Récemment, le premier ministre, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale, et le Comité ont demandé la tenue de consultations plus rigoureuses entre les organisations. Pendant son examen du renseignement de défense, en 2018, le Comité a relevé une lacune sur le plan des consultations entre AMC et le MDN/FAC. Il a donc recommandé que les organisations conviennent d'un mécanisme formel de consultation interministérielle pour le déploiement des capacités du renseignement de défense. Note de bas de page 140 Dans les lettres de mandat qu'il leur a remises en 2019, le premier ministre a demandé au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Défense nationale de travailler ensemble pour s'assurer que les déploiements des FAC s'alignent sur les intérêts et les priorités du Canada en matière de politique étrangère de même que sur les dispositions des accords mÙltilatéraux que le pays a signés. Note de bas de page 141 Les deux ministres ont également souligné l'importance d'une intensification des consultations opérationnelles pour les années à venir. D'ailleurs, en mai 2019, le ministre de la Défense nationale a commandé à ses représentants de travailler avec AMC dans le but d'élaborer un cadre de consultation pour les activités des FAC menées dans la mer de Chine méridionale. [*** Une phrase a été supprimée, car le gouvernement a affirmé qu'il s'agit de renseignements confidentiels du Cabinet. Le Comité est d'avis que l'affirmation n'est pas valable. ***]. Note de bas de page 142 Chacune de ces deux dernières initiatives est importante : la première, en raison de la sensibilité des opérations militaires canadiennes dans la mer de Chine méridionale et dans la zone entourant Taïwan ***; la seconde, en raison du fait que les cyberopérations des FAC présentent les mêmes risques que ceux posés par les cyberopérations actives du CST, et ce, même si elles ne sont pas assujetties aux mêmes contrôles légaux ou aux mêmes mécanismes d'autorisation et de consultation ministérielle.

68. Conséquemment, AMC et le MDN/FAC ont commencé à élaborer des mécanismes de consultation dans bon nombre de secteurs. Le premier mécanisme fait suite aux recommandations déposées par le Comité en 2018. En l'occurrence, les deux organisations ont préparé un plan ainsi qu'un protocole d'entente visant à orienter les consultations sur le déploiement de capacités du renseignement de défense. Note de bas de page 143 Le plan prévoit la tenue de séances de breffage annuelles portant sur les activités du renseignement de défense qui sont en cours ou projetées, des séances de breffage sur l'appui probable en matière de renseignement de défense pour les opérations approuvées par le Cabinet, des réunions trimestrielles de la Direction générale du renseignement d'AMC et du Commandement du renseignement des Forces canadiennes, ainsi que la réalisation, par AMC, d'évaluations du risque lié à la politique étrangère dans le cas des déploiements du renseignement de défense qui nécessitent une autorisation ministérielle. Note de bas de page 144 Le deuxième mécanisme consiste en l'ébauche d'un cadre stratégique pour la gouvernance des activités que le MDN/FAC mène dans la mer de Chine méridionale. Le document indique que le MDN/FAC doit consulter AMC tous les ans pour discuter du « plan de navigation » de la marine dans la région. Il décrit également la portée des consultations auprès d'AMC en fonction de la nature des activités ou des opérations. Note de bas de page 145 Enfin, le MDN/FAC et AMC en sont aux premiers stades de l'élaboration d'un mécanisme formel de consultation relativement aux cyberopérations actives du MDN/FAC. La version provisoire du document propose la création d'un forum auquel seraient invités le CST et AMC aux fins de consultation sur les cyberopérations, et la préparation d'un cadre de gouvernance pour lesdites consultations. Note de bas de page 146 Aucun de ces mécanismes n'a encore été finalisé.

Comités de l'ensemble de l'appareil

69. En plus des engagements formalisés avec les partenaires, AMC veille à la cohérence en matière de politique étrangère, en prenant part, notamment, aux principaux forums interministériels sur la sécurité nationale et le renseignement. Le Ministère participe aux réunions de trois comités au niveau des sous-ministres, à savoir le comité sur les opérations, qui se réunit hebdomadairement pour discuter des opérations en cours au sein de l'appareil de la sécurité nationale et du renseignement; le comité sur la sécurité nationale, qui se réunit mensuellement pour aborder, dans une plus large mesure, les cadres stratégiques pour la sécurité nationale et le renseignement; et le comité sur le renseignement, qui se réunit mensuellement pour examiner une multiplicité de questions, notamment les évaluations du renseignement, et pour en mesurer les répercussions sur les intérêts du Canada. Note de bas de page 147 Les trois comités peuvent également tirer parti de discussions analogues tenues au niveau du SMA. Les représentants d'AMC considèrent ces forums comme étant des éléments centraux pour le rôle que le Ministère tient en tant que garant de la cohérence sur le plan de la politique étrangère, et ils soulignent au passage que ces forums permettent au Ministère d'aborder les activités et les politiques des organismes de la sécurité et du renseignement sous l'angle de la politique étrangère. Note de bas de page 148

70. En 2019, AMC, le SCRS, le CST et le MDN/FAC ont commencé à tenir des réunions au niveau des directeurs généraux par l'intermédiaire de la structure de l'équipe de gestion mixte AMC-SCRS, et ce, pour discuter des enjeux d'intérêt commun. À l'occasion de deux réunions annuelles, le groupe des quatre organisations a entamé des discussions et rédigé des mandats pour un comité distinct, le Comité de coordination ***. Note de bas de page 149 D'après la version provisoire, l'objet de ce comité serait d'examiner les activités de collecte de renseignements étrangers et de s'assurer que lesdites collectes s'alignent sur les priorités en matière de politique étrangère. En l'occurrence, ce comité serait présidé par AMC et se réunirait trimestriellement ou lorsque c'est nécessaire. Note de bas de page 150 Dans une réponse écrite à une demande d'information présentée par le Comité, AMC a indiqué que l'équipe de gestion mixte [traduction] « continue de discuter de la possibilité d'établir » ce comité, mais qu'aucune décision définitive n'a encore été prise à ce sujet. Note de bas de page 151

Chefs de mission

71. À l'échelle mondiale, les chefs de mission d'AMC tiennent un rôle central lorsqu'il s'agit de garantir la cohérence, sur le plan de la politique étrangère, des activités que d'autres ministères mènent à l'étranger. Note de bas de page 152 En vertu de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, le chef de mission « assure la direction et la gestion du poste pour lequel il est accrédité et contrôle l'activité officielle des ministères et organismes fédéraux » se déroulant dans le secteur où il est accrédité. Concrètement, le chef de mission est responsable devant le gouvernement hôte de tout ce qui touche les relations bilatérales, y compris les activités qui ne sont pas menées sous la gouverne d'AMC. Note de bas de page 153 Il importe de rappeler que le chef de mission supervise les activités officielles des autres ministères ou organismes, et qu'il n'est pas appelé à diriger le programme de ces organisations à l'étranger. Note de bas de page 154 Selon AMC, le chef de mission et les autres ministères sont conjointement responsables [traduction] « d'assurer la coordination entre les diverses activités du gouvernement, tout en empêchant que les programmes aillent à l'encontre des objectifs stratégiques du gouvernement dans l'État étranger concerné ». Note de bas de page 155

72. Le rôle et les responsabilités du chef de mission en matière de supervision sont énoncés dans la politique et découlent également d'ententes non exécutoires. Suivant la Politique sur les services communs du Conseil du Trésor, AMC fournit des services communs aux ministères et organismes à l'étranger. Note de bas de page 156 Selon cette politique, AMC et ses partenaires ministériels se conforment à un protocole d'entente interministériel sur les opérations et le soutien aux missions. Cette entente encadre les dispositions visant les services courants, ce qui comprend les ressources humaines, les services de propriété et de technologie de l'information de même que la structure de gouvernance et de responsabilisation. En vertu de la structure de responsabilisation convenue, les gestionnaires de programme des organisations représentées sont responsables devant leurs chefs de mission respectifs et leurs administrations centrales pour ce qui a trait à la gestion et à la direction de toutes les activités menées dans le cadre de programmes. Note de bas de page 157 En plus de l'entente interministérielle globale, AMC a ajouté des annexes distinctes pour le SCRS, le MDN/FAC et la Gendarmerie royale du Canada (GRC), lesquelles portent principalement sur les ressources humaines, la propriété et le matériel.

73. Le Comité de gestion de la mission constitue le mécanisme central de gouvernance par lequel les chefs de mission assurent la cohérence des activités se déroulant dans leurs missions respectives. Le chef de mission préside ce comité, qui se compose de gestionnaires de programmes et qui sert de tribune principale pour les discussions portant sur les enjeux de gestion liés à la mission, la planification des mesures d'urgence et la sécurité, de même que la cohérence et la coordination entre les programmes. Note de bas de page 158 AMC a reconnu qu'il était toujours possible que ni AMC ni le chef de mission ne soient au fait de certaines activités, particulièrement dans les pays où les organisations de la sécurité et du renseignement ont noué d'importantes relations bilatérales avec leurs homologues étrangers. Le Ministère rappelle toutefois que lorsque ce cas de figure se présente, il y a les mécanismes interministériels de gouvernance et de consultation qui sont en place pour résoudre les différends et relever les éléments de la politique qui nécessitent des éclaircissements ou des modifications. Note de bas de page 159

74. Dans le contexte du présent examen, le Comité a demandé l'avis de !'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), du SCRS, du MDN/FAC et de la GRC concernant le rôle des chefs de mission. Leur réponse montre que l'on reconnaît unanimement le principe de responsabilisation partagée sur le plan de la conduite et des activités officielles devant les administrations centrales et les chefs de mission respectifs. Toutefois, les interprétations diffèrent quant à la nature et à la portée des relations hiérarchiques entre le personnel en déploiement et le chef de mission. L'ASFC et le SCRS ont indiqué que leurs représentants étaient responsables de faire rapport sur les éléments généraux de leurs activités — dans la mesure où ces éléments ont trait aux relations bilatérales avec le pays hôte — et non sur le détail des opérations. Note de bas de page 160 Pour sa part, le MDN/FAC établissait une distinction entre, d'une part, les attachés militaires canadiens en déploiement, lesquels prodiguent des conseils sur le plan militaire et fournissent un soutien au chef de mission et, d'autre part, le personnel opérationnel des FAC en déploiement dans le cadre d'une mission, qui n'entretient aucun rapport hiérarchique avec le chef de mission (bien que l'on s'attende à ce qu'il se montre transparent et collaboratif). Note de bas de page 161 Pour sa part, la GRC a indiqué [traduction] « qu'il n'y a aucun lien de hiérarchie entre le personnel de la GRC et le chef de mission » faisant valoir le principe de primauté de l'indépendance de la police. Note de bas de page 162 Ces diverses interprétations se reflètent largement dans les politiques et les documents de préparation aux déploiements produits par ces organisations. L'ASFC, le SCRS et le MDN/FAC ont tous développé une documentation faisant état des rôles et des responsabilités du personnel et des attachés militaires en déploiement à l'égard du chef de mission, ce qui n'est toujours pas le cas pour la GRC, qui indique que ce rôle est plutôt « discuté officieusement » avant le déploiement. Note de bas de page 163

Activités hostiles de la part d'acteurs étatiques

75. Le dernier mécanisme par lequel AMC veille à la cohérence en matière de politique étrangère se traduit, notamment, par la réponse du gouvernement aux activités hostiles menées par des acteurs étatiques. Comme l'explique AMC, le principal problème qui survient lorsqu'il est question de répondre aux menaces posées par des États étrangers réside dans le fait que les intérêts du Canada touchent à un grand nombre de domaines qui sont interreliés. La réponse à une activité d'espionnage menée par un État étranger, par exemple, pourrait avoir des répercussions considérables sur les relations commerciales avec ce même État. En pareil cas, l'apport d'AMC à la réponse du gouvernement consiste à proposer une analyse sous l'angle de la politique étrangère et de « trouver la juste mesure » pour la réponse du Canada aux menaces en question. Note de bas de page 164 La section ci-après examine l'apport d'AMC au processus d'examen en matière de sécurité nationale au titre de la Loi sur Investissement Canada de même que la réponse du gouvernement face aux cyberactivités malveillantes parrainées par des États et à l'ingérence étrangère.

Examens de la sécurité nationale au titre de la Loi sur Investissement Canada

76. Pour des motifs de sécurité nationale, la Loi sur Investissement Canada autorise l'examen de tout investissement réalisé au Canada par des personnes qui ne sont pas de citoyenneté canadienne. Note de bas de page 165 Le ministre de l'innovation, des Sciences et de l'Industrie administre le processus d'examen sur le plan de la sécurité nationale, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique. Note de bas de page 166 AMC fait partie des principaux intervenants de l'appareil de la sécurité et du renseignement et est formellement chargé d'agir à titre d'organe d'enquête aux termes du Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale de la Loi. Or, les organisations responsables de tels examens ont élaboré des critères aidant à reconnaître les investissements pouvant poser problème, notamment ceux qui sont faits par des entreprises d'État, par des entreprises œuvrant dans des domaines sensibles ou par des entreprises ayant des liens avec le crime organisé. Note de bas de page 167

77. Le processus d'examen en matière de sécurité nationale se réalise à travers une hiérarchie de comités interministériels composée des organes d'enquête prescrits. Ces comités sont chargés de conseiller le ministre de la Sécurité publique relativement aux sujets de préoccupation sur le plan des investissements étrangers. Au sein de cette structure, on retrouve, notamment, le comité hebdomadaire du directeur, présidé par Sécurité publique Canada. Ce comité constitue le forum par lequel il est possible d'examiner tous les avis de transaction régis par la Loi sur Investissement Canada et de préalablement reconnaître les cas potentiellement problématiques. Note de bas de page 168 Les transactions sujettes à caution sont ensuite signalées au directeur général du Comité sur la gestion de la sécurité économique, puis au comité analogue des SMA, et enfin au sous-ministre du Comité d'examen des investissements, qui conseille le ministre. S'appuyant sur ces conseils, le ministre présente ses recommandations au ministre de l'innovation, des Sciences et du Développement économique qui, au bout du compte, décide d'accepter ou non un investissement. Note de bas de page 169 Dès lors qu'un examen est en cours, les organes d'enquête se chargent d'explorer les risques, de produire des options pour l'atténuation des risques et de conseiller le ministre de la Sécurité publique en vue de guider ses recommandations au ministre de l'innovation, des Sciences et du Développement économique, à savoir autoriser l'investissement, autoriser l'investissement moyennant des mesures d'atténuation ou bloquer l'investissement. En 2018-2019, le gouvernement a reçu 962 demandes, dont sept ont fait l'objet d'un examen en matière de sécurité nationale. Note de bas de page 170

78. AMC propose une perspective axée à la fois sur le commerce et la sécurité, aux fins du processus d'examen en matière de sécurité nationale. Note de bas de page 171 Pour chaque décision potentielle visant à autoriser ou à bloquer un investissement, le Ministère a pour tâche de prendre acte des répercussions d'un investissement sur le plan des affaires étrangères et du commerce; de l'opinion et de la réaction des alliés; des effets sur le régime d'investissement du Canada et sur les efforts d'attraction de l'investissement direct étranger; et des ramifications sur les lois commerciales internationales. Le Ministère recense également les risques pour la sécurité nationale, particulièrement dans les domaines où AMC tient un rôle directeur, notamment les systèmes spatiaux de captage à distance et la prolifération des armes de destruction massive. Une équipe spécialement mise sur pied au sein de la Direction des services aux investisseurs dirige l'apport du Ministère en cours de processus, tout en consultant la Direction générale du renseignement, la Direction des contrôles à l'exportation ainsi que les régions géographiques ou autres divisions concernées. Note de bas de page 172 AMC décrit son processus interne comme étant [traduction] « un modèle de gouvernance mixte qui allie les perspectives portant sur la sécurité nationale et sur le commerce ». Note de bas de page 173 Les représentants de la Direction des services aux investisseurs consultent les intervenants internes dans le but de définir ponctuellement les recommandations du Ministère tout en tenant compte des particularités des transactions, notamment le pays d'origine, l'utilisation de technologies sensibles ou la possibilité que les sanctions ne soient pas respectées. Note de bas de page 174

Cyberactivités malveillantes parrainées par un État

79. Dans le cadre de la Stratégie nationale de cybersécurité, AMC participe à la réponse du gouvernement aux cyberactivités malveillantes parrainées par un État par le biais de pourparlers diplomatiques, de sorte à promouvoir le respect des normes internationales en matière de comportement approprié dans le cyberespace. Note de bas de page 175 Depuis 2004, AMC œuvre à la promotion des intérêts du Canada à l'égard du cyberespace par le biais de sa participation au sein du groupe d'experts gouvernementaux de l'ONU chargé d'inciter les États à afficher un comportement responsable dans le cyberespace. Pendant la période de 2019 à 2021, le Canada n'a pas été sélectionné pour prendre part au forum, mais le Ministère continue de représenter le Canada au groupe de travail ouvert de l'ONU, un forum semblable créé par la Russie et ouvert à tous les États. Note de bas de page 176 Au nombre des autres tribunes au sein desquelles AMC promeut les intérêts du Canada en matière de politique de cybersécurité, il faut compter le Groupe des cinq d'Ottawa, un groupe de coordination des politiques stratégiques sur les enjeux de cybersécurité au sein du Groupe des cinq; le G7, pour lequel les cybermenaces continuent de représenter un enjeu prioritaire aux yeux des États membres; et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, où le Canada a soutenu plusieurs mesures de renforcement de la cyberconfidentialité. Note de bas de page 177

80. Au-delà des efforts diplomatiques, AMC tient un rôle directeur lorsqu'il s'agit de déterminer s'il faut imputer publiquement une cyberactivité malveillante à un acteur étatique. Note de bas de page 178 En 2019, le gouvernement a préparé un cadre pour l'imputation publique de la responsabilité relativement aux cyberactivités malveillantes. Ledit cadre gouverne les processus du gouvernement permettant de dénoncer publiquement les comportements interdits par le droit international dans le cyberespace, lesquels constituent des infractions aux normes internationales non exécutoires ou posent une menace pour les intérêts du Canada en matière de sécurité ou d'économie. Suivant ce processus, AMC consulte les intervenants gouvernementaux compétents dans le but d'évaluer les répercussions potentielles d'une imputation. AMC consulte également les alliés, afin d'évaluer les implications en matière de politique étrangère et les objectifs d'une imputation publique. Ensuite, AMC se prononce en faveur de l'imputation des menaces ou contre et recommande au ministre des Affaires étrangères à qui elle revient. Dès lors que l'imputation devient publique, AMC surveille les réactions, tire des conclusions et coordonne les échanges sur le plan des évaluations et des pratiques exemplaires avec les partenaires étrangers. Note de bas de page 179

Ingérence étrangère

81. En 2019, pendant qu'il examinait la réponse du gouvernement à l'ingérence étrangère, le Comité a noté l'important rôle qu'AMC tient dans les efforts déployés par l'appareil de la sécurité et du renseignement pour contrer ce type de menace. Selon le rapport, la responsabilité que le Ministère doit assumer sur le plan de la gestion des relations bilatérales et multilatérales du Canada en fait un décideur clé lorsqu'il s'agit d'établir les modalités de réponses qu'il conviendra d'appliquer à la suite d'une tentative d'ingérence dans les affaires nationales de la part d'un État étranger. Pour tenter d'imposer des changements de comportement, le Ministère dispose d'un certain nombre d'outils diplomatiques allant des mesures bilatérales — comme la suspension d'un engagement ou l'abrogation de l'admissibilité de certains représentants diplomatiques — aux approches multilatérales — comme la préparation d'une réponse diplomatique commune de la part d'États qui partagent la même position ou le fait de porter le comportement d'un État à l'attention des organisations internationales. Rappelons toutefois que le Comité reconnaît qu'au moment d'envisager les mesures à prendre, le Ministère doit déterminer la nature et l'ampleur de la réponse en fonction des intérêts globaux en matière de politique étrangère. Note de bas de page 180

82. Durant la période précédant les élections fédérales de 2019, AMC a entrepris des initiatives diplomatiques visant à contrer d'éventuelles activités d'ingérence étrangère. Dans le cas du Sommet des ministres des Affaires étrangères et de la Sécurité du G7, tenu en avril 2018, à Toronto, le Canada a entamé des démarches visant à conclure un accord sur la lutte contre les menaces d'ingérence étrangère à l'endroit des institutions et des processus démocratiques. Note de bas de page 181 En outre, c'est au sommet du G7 tenu à Charlevoix, en juin 2018, que les chefs d'État ont annoncé la création du Mécanisme de réponse rapide. Cette initiative menée par le Canada visait à renforcer les mesures de coordination appliquées dans l'ensemble des pays du G7 et à lutter contre l'ingérence étrangère en favorisant les échanges d'information et en reconnaissant les occasions propices à une réponse concertée. Note de bas de page 182 De fait, ce mécanisme permet aux pays du G7 d'échanger de l'information par l'intermédiaire de leurs points de contact désignés. Depuis sa mise en place, en 2018, le Mécanisme de réponse rapide a permis d'échanger de l'information concernant les menaces visant les élections parlementaires de l'Union européenne, les élections présidentielles en Ukraine et les élections fédérales au Canada. Ce mécanisme a également permis d'étendre le réseau d'échange d'information à d'autres États, nommément à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas, à la Lituanie, à la Suède et à l'OTAN. Note de bas de page 183

83. L'unité de coordination pour le Mécanisme de réponse rapide d'AMC gère et diffuse l'information provenant des points de contact du G7. Cette unité fait également office de point de contact du Canada aux fins dudit Mécanisme. Au nombre de ses activités, il faut compter la surveillance de sources d'information numériques, d'abord pour établir si des activités de désinformation et d'ingérence étrangère parrainées par un État sont en cours, puis, le cas échéant, pour communiquer les informations déterminantes et les résultats d'analyse à ses partenaires nationaux de la sécurité et du renseignement. Note de bas de page 184 En 2019, l'unité a élaboré un cadre d'éthique et de méthodologie pour la surveillance et l'analyse des données de sources ouvertes. Ce cadre a pour objet de veiller à ce que ces activités d'échange d'information et de surveillance des données de sources ouvertes obéissent aux lois s'appliquant à la protection de la vie privée et respectent un certain seuil relativement à l'identification des comptes associés à l'ingérence étrangère. Note de bas de page 185 Le cadre énonce les protocoles régissant ses activités de surveillance et d'échange d'information, tout en indiquant que l'unité doit examiner les indicateurs de campagnes coordonnées d'ingérence étrangère, par exemple, l'utilisation de faux comptes, l'amplification artificielle des contenus ou la nature cachée des activités en question. Note de bas de page 186

84. Hormis sa participation au Mécanisme de réponse rapide, AMC a contribué à plusieurs initiatives du gouvernement ayant pour objet de protéger le processus électoral de 2019. Entre autres, l'unité de coordination pour le Mécanisme de réponse rapide d'AMC a pris part, en compagnie du SCRS, du CST et de la GRC, aux activités du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, qui avait pour tâche de détecter et de contrer les activités secrètes, clandestines et criminelles menées dans le but de perturber le processus électoral du Canada. La contribution d'AMC aux activités du groupe de travail était principalement liée à son rôle dans le cadre du Mécanisme de réponse rapide, ce qui comprend la mise en partage des leçons retenues au niveau international de même que l'analyse des données. Le sous-ministre des Affaires étrangères a également siégé au sein du groupe d'experts sur le protocole public en cas d'incident électoral majeur, qui se composait de cinq hauts fonctionnaires chargés de déterminer si le public canadien devait être informé d'une grave menace pour l'intégrité du processus électoral fédéral et, le cas échéant, de convenir des modalités de communication de ladite information. Note de bas de page 187

Groupe de travail sur les acteurs étatiques et les activités étatiques hostiles

85. Compte tenu du rôle élargi du Ministère en matière de réponse aux activités hostiles de la part d'acteurs étatiques, AMC a établi le Groupe de travail sur les acteurs étatiques hostiles et sur les activités étatiques en janvier 2021. En roccurrence, le groupe est chargé d'assurer la coordination et là cohérence entre les diverses divisions du Ministère dans le cadre d'activités liées aux politiques nationales et internationales, aux opérations ainsi qu'aux communications ayant trait aux activités hostiles de la part d'États. Entre janvier et avril 2021, le groupe de travail s'est réuni tous les mois et a rassemblé des représentants provenant des bureaux géographiques d'AMC qui s'intéressent à la Russie et à la Chine, de la Direction des services aux investisseurs, de la Direction générale du renseignement, des services juridiques, Note de bas de page 188 de la division des contrôles à l'exportation, de la division des droits de la personne et des groupes internationaux pour les politiques en matière de cybersécurité. L'objectif fondamental était de faire valoir les éléments importants de la politique étrangère dans l'ensemble des politiques et décisions programmatiques du gouvernement relativement aux activités hostiles menées par des États. Note de bas de page 189 Il ne s'est pas réuni depuis avril 2021.