Chapitre 4 : Activités liées a la sécurité nationale et au renseignement
Intervenir face aux incidents critiques internationaux
Rapport spécial sur les activités d’Affaires mondiales Canada en matière de sécurité nationale et de renseignement

Intervenir face aux incidents critiques internationaux

165. L'une des principales activités en matière de sécurité nationale du Ministère consiste à diriger la coordination de l'intervention du gouvernement face aux incidents critiques internationaux. Par« incidents critiques », le Ministère entend des [traduction] « incidents de sécurité imprévus pouvant présenter un risque important à la sécurité d'un citoyen canadien et avoir une incidence sur les intérêts plus larges en matière de sécurité nationale du Canada 383. » Des incidents critiques pourraient avoir des répercussions sur la sécurité nationale selon l'identité des auteurs de l'attaque ou de la prise d'otage (p. ex., un groupe terroriste), les motifs ou les objectifs de l'attaque (p. ex., un gain financier ou une concession en matière de politique), et l'identité de la victime (p. ex., un employé du gouvernement ou une personne canadienne jouissant d'une protection internationale) 384. Les prises d'otage par des entités terroristes constituent la majorité des incidents critiques internationaux.

166. L'intervention du Ministère face aux prises d'otage à l'étranger diffère grandement de son intervention face aux enlèvements 385. Les enlèvements liés à la criminalité sont gérés par l'équipe des Opérations consulaires d'AMC en collaboration avec le service de police local, qui se charge principalement de mener l'enquête sur l'incident et de le résoudre 386. Pour les prises d'otage par des entités terroristes, le Groupe de travail sur les incidents critiques internationaux (FCID) d'AMC est chargé de coordonner l'intervention du gouvernement. Dans ces cas, des organisations militaires, policières et du renseignement collaborent pour obtenir la libération et le retour sécuritaires des otages.

167. La prochaine partie porte sur le rôle d'AMC dans l'intervention plus large du gouvernement face aux prises d'otage par des entités terroristes. On y examine les pouvoirs du Ministère pour faire face aux incidents critiques internationaux, les mesures qu'il prend pour élaborer un cadre stratégique destiné à orienter l'intervention du gouvernement, et les responsabilités d'AMC dans ce domaine. La partie se conclut par deux études de cas, dans le cadre desquelles on examine l'application pratique du rôle d'AMC dans l'intervention du gouvernement face à deux prises d'otage récentes : un Canadien en *** en 2016 et une Canadienne dans la région du Sahel en 2018.

Pouvoirs

168. Les pouvoirs du ministre lui permettant de diriger la coordination de l'intervention du gouvernement face aux incidents critiques internationaux font partie de la prérogative de la Couronne, qui comprennent le mandat du ministre de mener toutes les affaires diplomatiques et consulaires au nom du Canada 387. Ces pouvoirs s'étendent à la prestation plus large de services d'assistance d'urgence offerts aux Canadiens à l'étranger, notamment le rapatriement, l'évacuation et l'aide humanitaire en réponse aux catastrophes naturelles, aux pandémies ou aux attentats terroristes 388. Les deux principales responsabilités d'AMC dans le cadre de l'intervention face aux urgences à l'étranger sont décrites dans le [Cadre d'intervention en cas d'urgence internationale] du gouvernement du Canada : assurer la surveillance des événements internationaux en vue de cerner des menaces potentielles et immédiates contre les Canadiens ou les intérêts du Canada, et diriger la coordination de l'intervention en mobilisant les ressources pertinentes de l'ensemble du gouvernement au moyen de la création d'un groupe de travail interministériel 389. Le cadre est examiné plus en profondeur au paragraphe 175.

L'approche strategique du gouvernement par rapport aux prises d'otage terroristes

169. Au cours des 20 dernières années, le Ministère a tenté d'élaborer un cadre stratégique pour la gestion des prises d'otage terroristes à l'étranger. Les politiques visaient à établir un cadre de gouvernance présentant les objectifs et les principes du gouvernement et à expliquer les rôles et responsabilités des organisations fédérales concernées. Malgré ces efforts, aucune politique officielle n'a été adoptée. Cela dit, les ministères concernés se servent de certains éléments du cadre proposé pour déterminer si un enlèvement constitue un incident critique nécessitant une approche interministérielle. Le premier ministre a également déclaré publiquement la position et les principes du gouvernement : le Canada ne versera aucune rançon pour libérer des citoyens canadiens pris en otage par des organisations terroristes 390. Dans le cadre de l'approche, AMC a, de manière générale, effectué des analyses rétrospectives de l'efficacité de l'intervention au moyen de divers exercices sur les leçons apprises.

Tentatives d'élaboration d'un cadre stratégique

Premières versions de politiques

170. Le ministère a entrepris l'élaboration d'un cadre stratégique officiel en matière d'incidents critiques au milieu des années 2000, après un incident d'enlèvement terroriste en Irak en novembre 2005. De 2006 à 2009, le Ministère a ébauché des cadres stratégiques en vue d'établir les objectifs généraux, les principes et les activités propres aux organisations, et ainsi d'orienter l'intervention du gouvernement face aux prises d'otage par des entités terroristes. La première version de 2006 visait à établir les objectifs suivants :

  • obtenir la libération rapide et sécuritaire des victimes kidnappées;
  • favoriser la poursuite en justice des ravisseurs;
  • intervenir face aux incidents d'enlèvement par des entités terroristes à l'étranger de manière à prévenir et à limiter d'autres enlèvements 391.

171. En outre, les principes d'intervention clés du gouvernement étaient décrits dans l'ébauche du cadre stratégique. Le principe le plus notable portait sur le fait que le gouvernement n'accorderait aucune concession importante aux ravisseurs : il n'apporterait aucune modification importante aux politiques, n'échangerait aucun prisonnier contre des victimes, n'accorderait aucune immunité contre des poursuites en justice, et ne faciliterait et ne verserait aucune rançon. Dans l'ébauche de 2006, on a indiqué qu'AMC serait le ministère fédéral chargé de coordonner et de faciliter l'intervention, on a proposé la création d'un groupe de travail interministériel et l'on a décrit les procédures d'intervention préliminaires des principales organisations de la sécurité et du renseignement participant au groupe de travail proposé392. Se fondant sur cette ébauche de politique, AMC a commencé à définir ses propres rôles et responsabilités en établissant des procédures internes en 2007. La politique de 2006 et les procédures d'AMC de 2007 n'ont jamais été achevées.

172. En 2009, le Ministère a modifié l'ébauche de politique. La nouvelle version reprenait les objectifs de 2006 et définissait plus en détail certains des principaux éléments d'un possible cadre de gouvernance. D'un point de vue stratégique et de gouvernance, l'ébauche de politique établissait les rôles et responsabilités des hauts dirigeants, notamment le ministre des Affaires étrangères, les administrateurs généraux de la GRC, du SCRS, des FAC et du CST, de même que des chefs de mission d'AMC. Le groupe de travail interministériel devait être présidé par le sous-ministre adjoint (SMA) de la Sécurité internationale d'AMC (ou un membre de la haute direction d'AMC désigné par le sous-ministre) et devait servir de principal organe pour déterminer la mise en œuvre de la politique et l'intervention du gouvernement. D'un point de vue opérationnel, le document décrivait les rôles et responsabilités entourant la gestion des incidents (p. ex., ***)393.

173. Les facteurs à prendre en compte pour déterminer si l'on applique la politique sont indiqués dans l'ébauche de politique de 2009. Voici des exemples de facteurs à l'appui de l'application de la politique : si la victime est un citoyen ou une citoyenne du Canada, et si l'identité présumée des ravisseurs pourrait être liée à un groupe terroriste. À l'opposé, on ne devrait pas appliquer la politique selon les facteurs suivants : le principal motif de l'incident est de nature financière, l'emplacement de l'incident (surtout si un avis aux voyageurs d'AMC est en place), ***. Selon l'ébauche de politique, les décideurs devaient effectuer une évaluation contextuelle pour chaque cas afin de déterminer l'applicabilité de la politique394.

174. Dans l'ébauche de 2009, on mettait l'accent sur le fait que les représentants devaient se fier au principe selon lequel le gouvernement ne fait aucune concession, et l'on donnait des instructions dans l'éventualité où une tierce partie décidait de verser une rançon *** 395. Tout comme l'ébauche de 2006, la politique n'a pas été officiellement approuvée, mais les ministères s'en sont servi au cours des années suivantes comme fondement dans le cadre de son intervention face à des prises d'otage par des entités terroristes à l'étranger.

Initiatives stratégiques plus récentes

175. En décembre 2016, le gouvernement a publié le [Cadre d'intervention en cas d'urgence internationale]. Le Cadre fournit une approche intégrée globale à AMC pour diriger une intervention « tous risques » face aux urgences à l'étranger (p. ex., des catastrophes naturelles, des catastrophes accidentelles ou intentionnelles découlant de l'activité humaine comme le terrorisme, ou un incident technologique)396. Le cadre a également officialisé la mise sur pied du Groupe de travail interministériel (ci-après « le Groupe de travail ») pour faciliter la coordination des opérations, les échanges d'information, l'élaboration de recommandations stratégiques et la prise de décision dans le cadre des interventions d'urgence. Le cadre prévoit également le regroupement fonctionnel de divers rôles, responsabilités et activités qui pourraient s'avérer nécessaires pour intervenir face à une urgence, notamment la mobilisation diplomatique, l'aide humanitaire, les communications, l'aide en matière de sécurité et de renseignement, et la logistique. Il y est également indiqué qu'AMC doit coordonner les échanges d'information en transmettant des rapports de situation normalisés aux partenaires gouvernementaux concernés.

176. En 2018, le Ministère a cherché à peaufiner le mandat et le cadre stratégique de son Groupe de travail en ce qui concerne l'intervention face aux prises d'otage terroristes. Par son ébauche du mandat de janvier 2019 pour le Groupe de travail, AMC cherchait à établir les critères selon lesquels on peut décider d'utiliser le mécanisme de coordination397. Il y reprenait les principes de 2006 et de 2009 relatifs à l'intervention du gouvernement *** 398.

177. Les principales fonctions stratégiques et opérationnelles du Groupe de travail et des organisations participantes étaient décrites dans le cadre stratégique préliminaire en matière d'incidents critiques de 2019. Sur le plan de la gestion stratégique, il était indiqué dans l'ébauche que le Groupe de travail formulerait une recommandation à l'intention des sous­ ministres en vue d'établir les paramètres généraux de l'intervention du gouvernement lors de la réception d'un avis concernant un incident critique connu ou soupçonné. En établissant l'orientation stratégique, le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement (chargé de la coordination de l'appareil de la sécurité nationale et du renseignement) peut collaborer avec les sous-ministres avant de communiquer avec le premier ministre et de recommander de tenir une réunion du Groupe d'intervention en cas d'incident, un comité ad hoc présidé par le premier ministre et composé des ministres et représentants compétents.

178. Sur le plan opérationnel, on a indiqué dans la version préliminaire du cadre stratégique en matière d'incidents critiques les organisations participantes de même qu'une série de fonctions ou de mesures non exhaustives que doivent prendre en compte les ministères lorsqu'il est déterminé qu'on utilisera le cadre (p. ex., ***)399. En outre, dans l'ébauche du cadre, on a établi des rôles et des fonctions pour le coordonnateur du FCID, qui préside le Groupe de travail sous la supervision du sous-ministre des Affaires étrangères. Le président du Groupe de travail convoque les réunions du Groupe de travail et coordonne ses activités, notamment en établissant les priorités, en coordonnant l'attribution de tâches, en rédigeant des rapports de situation et en animant les réunions en vue de résoudre les conflits entre les partenaires 400. En pratique, le Groupe de travail a adopté une structure par niveau, qui comprend des groupes de travail au niveau des directeurs généraux, des SMA et des sous-ministres, qui sont tous convoqués sur une base ponctuelle.

179. Le gouvernement n'a pas officiellement adopté la politique en 2019, comme en 2009. Les ressources ministérielles consacrées à l'élaboration de l'ébauche de politique ont été réaffectées à l'intervention face à la prise en otage d'Edith Blais à la fin de 2018, mais des représentants du gouvernement ont souligné que l'ébauche de l'approche a servi de fondement à leur intervention.

Principales leçons tirées d'incidents critiques antérieurs

180. De manière générale, le gouvernement produit des comptes rendus après action après la clôture de chaque cas. Le ministère a fourni tous les rapports concernant les prises d'otage liées à la sécurité nationale préparés au cours de la période allant de 2010 à 2021. Malgré le fait que la portée et la méthode des exercices sur les leçons apprises variaient, en général, les exercices permettaient de cerner les pratiques exemplaires et les préoccupations ou les problèmes liés à la démarche. Les exercices permettaient de relever des considérations opérationnelles et stratégiques, mais le Comité s'est concentré principalement sur les questions relatives à la gestion stratégique des cas, aux considérations stratégiques et aux rôles et responsabilités d'AMC quant à la coordination interministérielle.

2009 : Le rapport Coulter

181. En 2009, le Ministère et le BCP ont demandé à Keith Coulter, ancien chef du CST, d'évaluer l'intervention du gouvernement face à la prise en otage *** 401. Le rapport présentait des conclusions et des recommandations dans divers domaines, notamment l'établissement des priorités pour les efforts déployés par le gouvernement, sa prise de décision stratégique, sa coordination et sa direction.

182. Premièrement, en ce qui a trait à la détermination du niveau d'effort du gouvernement et à l'établissement des priorités à cet égard, il était indiqué dans le rapport Coulter que les organisations ont coordonné une intervention face à la prise d'otage terroriste dont l'ampleur et les activités étaient sans précédent, et qu'il s'agissait du niveau d'effort approprié. Les organisations ont elles-mêmes déterminé le niveau d'effort. Parmi les pratiques exemplaires énoncées dans le rapport, on comptait ***, la mise en place du processus relatif au Comité interministériel, l'élaboration d'une intervention robuste fondée sur les renseignements, et la mise à profit de la mobilisation diplomatique. Toutefois, il était également indiqué dans le rapport qu'aucune décision stratégique n'a été prise pour déterminer le niveau de priorité ou pour évaluer les intérêts en matière de sécurité nationale du gouvernement, et que cette lacune relative à l'établissement des priorités et à la prise de décision s'avérerait critique pour déterminer le niveau d'effort ou établir les priorités dans le cadre de prochains incidents :

[traduction] Évidemment, la réalité est que tous les cas d'enlèvement à l'étranger ne peuvent être gérés de la même façon. Même si la valeur de la vie humaine est égale dans tous les cas, il existe des différences évidentes en ce qui a trait aux intérêts plus larges qui sont en jeu, notamment les intérêts stratégiques étrangers et en matière de sécurité nationale. […] Nous devons être en mesure de reconnaître les différences et de prendre des décisions difficiles, et les intérêts en matière de sécurité nationale doivent constituer le facteur décisif lorsqu'il est question de déterminer les priorités402.

183. Deuxièmement, selon le rapport, lorsqu'il existe des contradictions entre la « politique de ne payer aucune rançon et de ne faire aucune concession » et de possibles options visant à assurer la libération sécuritaire des otages, le gouvernement doit être prêt à prendre une décision claire en ce qui concerne des options qui n'impliquent pas des concessions ou le paiement des rançons. [*** Deux phrases ont été supprimées pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Les phrases décrivaient une situation où le gouvernement a refusé de prendre une décision. ***] Au bout du compte, le rapport présentait trois recommandations pour résoudre ces questions :

  • Le Canada doit maintenir sa politique déclarée de ne payer aucune rançon et de ne faire aucune concession et continuer de faire pression sur les États où les enlèvements ont lieu afin de trouver des solutions.
  • Lorsqu'une pression exercée sur des États entraîne des tensions apparentes avec la politique de ne payer aucune rançon et de ne faire aucune concession, le BCP et AMC doivent collaborer afin que les options et répercussions soient pleinement examinées, selon le cas, aux fins de prise de décision par les sous-ministres, les ministres et le premier ministre.
  • *** le BCP et AMC doivent collaborer afin qu'un plan d'action de suivi exhaustif soit approuvé par le gouvernement et comprenne des objectifs, des livrables, des échéanciers et des responsabilités clairs403.

184. Troisièmement, selon le rapport, des lacunes relatives à la prise de décision et à la direction au niveau des cadres supérieurs ont posé des difficultés par rapport à la coordination et à la gestion des activités interministérielle du Groupe de travail. Par exemple, il était indiqué dans le rapport que l'absence de consensus au sein du Groupe de travail concernant les opérations de sauvetage a créé un clivage entre les positions de certains ministères participants et a fait en sorte que d'autres devaient prendre des décisions de manière autonome. Dans le même ordre d'idée, on a mentionné dans le rapport que le fait que la GRC mettait l'accent sur l'enquête criminelle nuisait à la capacité des autres organisations de réaliser, dans le cadre de leurs mandats respectifs, des activités axées sur le retour sécuritaire des otages. L'absence d'entente et de coordination par rapport à ces questions de même que les lacunes en matière de direction au sein du Groupe de travail ont empêché les décideurs de la haute direction d'établir l'ordre de priorités de certaines activités ou options404.

185. Quatrièmement, le rapport a permis de constater que la formule du Groupe de travail interministériel était bien établie et fonctionnait efficacement de manière générale. Toutefois, le rapport a également démontré que les sous-ministres n'ont pas joué un rôle de gestion important dans la prestation de conseils stratégiques visant à déterminer les paramètres de l'intervention du gouvernement, ce qui a fait en sorte qu'on n'avait aucune notion des paramètres relatifs à la gestion du cas sur le plan opérationnel. D'un autre côté, les membres au niveau opérationnel et au sein du Groupe de travail interministériel n'ont pas cherché à obtenir de plus amples directives stratégiques de la part des sous-ministres, ce qui a causé un manque global de clarté entourant les éléments qui pourraient limiter la position du gouvernement ou guider ses activités en réponse à l'incident405.

186. En résumé, selon le rapport, le gouvernement devait améliorer sa gestion de l'incident sur le plan stratégique, notamment en ce qui a trait aux décisions relatives aux positions de principe du gouvernement, à la détermination du niveau d'effort et à l'établissement de l'ordre de priorité des activités opérationnelles. Toujours selon le rapport, il est essentiel d'établir un rôle de direction dans le cadre de la structure en vue de clarifier la gestion stratégique et opérationnelle de l'intervention406. Le gouvernement a donné suite à certaines de ces questions en mettant officiellement une ressource permanente au sein d'AMC pour diriger et coordonner le Groupe de travail: le FCID.

Leçons apprises de 2005 à 2009

187. Le Ministère a fourni au Comité un aperçu qui résumait les principales leçons tirées de quatre prises d'otage survenues au cours de la période allant de 2005 à 2009, puis un autre document sur les leçons apprises dans le cadre d'un incident ayant eu lieu en 2008. Les documents ne comportaient pas de description de la méthode ou des participants, mais ils présentaient une série de problèmes récurrents.

188. Dans le cadre d'une évaluation des considérations stratégiques relatives à un incident de 2005, le Ministère a souligné que l'absence de politique écrite limitait l'intervention du gouvernement dans la mesure où les ministères participants n'avaient accès à aucune orientation clairement délimitée407. À la suite d'un incident survenu en 2008, AMC a cerné le besoin d'élaborer des procédures normales d'exploitation et des protocoles officiels pour que les représentants puissent rapidement acquérir des connaissances sur la façon dont le gouvernement intervient face aux prises d'otage et approfondir leur compréhension à cet égard408. AMC a également insisté sur l'importance d'établir un cadre stratégique visant à déterminer les paramètres de l'intervention et le niveau d'effort du gouvernement, en précisant que [traduction] « le fait de déterminer pour quels cas le groupe doit intervenir et à quel niveau il doit le faire constitue une autre question cruciale nécessitant une orientation stratégique : il est important de définir où les cas se situent par rapport aux intérêts nationaux409. » Comme pour d'autres cas, l'absence d'un plan d'établissement des priorités ou d'un cadre officiel a fait ressortir des questions récurrentes auxquelles se heurtent les décideurs lorsqu'un nouvel incident survient.

189. En 2009, le Ministère a effectué un exercice sur les leçons apprises qui a confirmé les conclusions du rapport Coulter dans la mesure où aucune capacité permanente n'existait au sein d'un ministère ou d'un organisme fédéral pour intervenir face aux prises d'otage à l'étranger. Les ministères et les organismes coordonnaient leurs activités au moyen d'un comité interministériel spécial, mais il n'existait aucune entité centrale pour officialiser des politiques ou conserver les connaissances et l'expertise. Cette lacune relative aux ressources permanentes a été soulevée par le Ministère en réponse à la prise d'otage ***. Dans le même ordre d'idée que les conclusions du rapport Coulter, AMC a cerné le besoin de mettre sur pied des ressources internes permanentes afin d'établir et de maintenir un cadre approprié pour gérer les affaires consulaires complexes410.

2014 : Incident critique ***

190. Après la résolution d'un incident critique *** en 2014, AMC a distribué un questionnaire à réponses libres aux membres du Groupe de travail pour leur demander de fournir des recommandations à l'appui de l'élaboration d'une politique officielle. Les répondants ont indiqué que la démarche du gouvernement était toujours limitée en raison de l'absence d'une politique officielle pour guider la prise de décision stratégique. Par exemple, les organisations faisant partie du Groupe de travail ont soulevé la nécessité que des décideurs de la haute direction résolvent les possibles différences ou contradictions entre les positions de principe du gouvernement du Canada (c.-à-d. ne verser aucune rançon et ne faire aucune concession) avec le droit d'un pays hôte de gérer un incident411.

191. Les participants du Groupe de travail ont également fait part de la nécessité d'élaborer un document à jour et concis définissant les rôles et responsabilités de chaque ministère participant dans le but d'éviter toute confusion ou préoccupations lorsqu'un nouvel incident survient. Les participants ont ajouté que l'absence d'une politique officielle contribue également au retard de l'échange d'information et de renseignements, et ont recommandé d'établir des lignes directrices claires pour gérer le flux d'information412.

2017 : Ateliers sur Jes politiques

192. En 2017, AMC et le BCP ont organisé une série d'ateliers en réponse à une instruction de sous-ministres demandant la rédaction d'un document d'orientation sur l'évaluation des principales questions stratégiques relatives à l'intervention du gouvernement face aux prises d'otage. On a rédigé l'ébauche du document d'orientation pour les sous-ministres, mais AMC a informé le Comité qu'il ne pourrait pas avoir accès au document étant donné qu'il est considéré comme étant un document confidentiel du Cabinet dans son entièreté. L'atelier était destiné aux organisations membres du Groupe de travail et portait sur quatre questions d'ensemble : politiques et pratique; cadre de gouvernance; soutien militaire; et échanges avec la famille, médias et communications. Aux fins du présent examen, le Comité s'est penché sur les principales questions stratégiques et de gouvernance abordées dans le cadre des ateliers.

193. Les participants des ateliers ont, encore une fois, cerné la nécessité d'établir une orientation stratégique claire sur la gestion des incidents 413. Ils ont proposé un modèle inspiré de celui ***, selon lequel le *** convoque une réunion lorsqu'un nouvel incident survient en vue de favoriser l'établissement [traduction] « d'intentions et de pouvoirs clairs à partir de ce moment 414 ». Dans le même ordre d'idées, les participants ont rappelé que l'absence d'un cadre stratégique clair entraîne des difficultés quant à la façon dont les ministères interviennent face aux incidents et en établissent l'ordre de priorité 415. Plus précisément, les participants ont indiqué que les sous-ministres doivent prendre une décision *** 416. Les participants de l'atelier ont insisté sur le fait qu'il importe que les politiques, les rôles et responsabilités du gouvernement et ses décisions relativement à la gestion d'un incident doivent être clairement énoncés et raisonnables afin d'éviter les allégations de négligence et une responsabilité légale 417.

Rôle opérationnel d'AMC dans le cadre des interventions face aux incidents critiques internationaux

194. Avant 2009, le Ministère assurait la gestion opérationnelle des incidents critiques internationaux de manière ponctuelle et ne disposait d'aucune unité permanente chargée de résoudre les cas à mesure qu'ils survenaient. Pour donner suite à une série d'incidents critiques survenus entre 2005 et 2008 ainsi qu'au rapport Coulter de 2009, le Ministère a mis sur pied le FCID à titre d'unité permanente chargée d'appuyer la gestion opérationnelle de ce type de cas. L'unité a d'abord relevé du Secteur des services consulaires, de la sécurité et de la gestion des urgences d'AMC, puis, en 2010, elle a été déplacée au sein de la Direction générale du contre-terrorisme, du crime et du renseignement, qui fait partie du Secteur des affaires politiques et de la sécurité internationale, puisque le FCID gère des cas fondés sur le renseignement418.

195. La principale responsabilité du FCID consiste à servir de secrétariat au Groupe de travail. L'unité se compose de trois employés à temps plein : un coordonnateur, un coordonnateur adjoint et un agent d'intervention auprès des familles 419. En étroite collaboration avec le Centre de surveillance et d'intervention d'urgence du Ministère, le FCID offre un service d'intervention en tout temps pour les nouveaux incidents, informe les membres du Groupe de travail d'incidents critiques possibles et convoque une réunion du Groupe de travail afin de coordonner une intervention 420. Une fois que le Groupe de travail a déterminé qu'un cas constitue un incident critique international, le coordonnateur du FCID préside le Groupe de travail et le [groupe du renseignement conjoint] 421; coordonne les activités du Groupe de travail; offre un soutien logistique au Groupe de travail, notamment la distribution de rapports de situation aux membres; gère les relations avec les familles en collaboration avec la GRC; et agit à titre de ressource principale pour assurer la liaison avec les *** 422. Le FCID se charge également de préparer et de faciliter l'accueil et le rapatriement des otages advenant leur libération.

196. En plus de ses activités liées aux interventions face aux incidents critiques, le FCID doit également élaborer des politiques, des procédures et des documents de formation à l'appui de l'intervention du gouvernement face à ce type d'incident423. Le FCID a mis en place bon nombre de procédures internes destinées à guider l'intervention initiale du Ministère face à un incident, notamment des directives relatives aux protocoles de notification à l'intention du Centre de surveillance et d'intervention d'urgence du Ministère; des indications à l'intention des missions sur les prises d'otage terroristes; et une série de questions et de considérations à prendre en compte dans les premières 24 à 48 heures d'un cas 424. Récemment, l'unité a rédigé des ébauches présentant les stratégies du Ministère relatives aux communications et aux médias concernant les incidents critiques, ainsi que des modèles destinés aux représentants chargés de communiquer avec les familles des victimes 425. En ce qui concerne les documents de formation, le FCID a fourni au Comité des documents récents concernant les programmes de formation sur le soutien aux victimes et la libération prévue des otages426.

197. Le FCID existe depuis 2009, et il semble s'être principalement concentré sur la gestion des incidents critiques en tant que tels plutôt que sur la préparation en vue de ceux-ci. Ce n'est qu'au cours de la période allant de 2018 à 2021 qu'il a produit des ébauches de documents liés aux responsabilités et aux processus internes du Ministère. Les ressources limitées de l'unité et son besoin de privilégier la gestion des cas ont fait place à d'importantes lacunes stratégiques. Il n'a pas soutenu son rôle plus large consistant à assurer la coordination à l'échelle du gouvernement : il n'a rédigé aucun document visant à coordonner les activités des autres ministères ou à les aider. En ce qui a trait à la formation, les documents internes du Ministère tiennent compte de la participation d'autres ministères et organismes faisant partie du Groupe de travail, mais aucune formation à l'intention des membres du Groupe de travail n'était prévue avant 2021, et le FCID n'a pas effectué d'exercices de simulation de routine avec les membres du Groupe de travail en préparation à de futurs cas427.

198. En résumé, plusieurs thèmes principaux sont ressortis régulièrement des exercices et des rapports sur les leçons apprises du gouvernement : la nécessité d'élaborer une politique claire sur l'intervention du gouvernement face aux prises d'otage terroristes, l'importance d'une direction et d'une prise de décision claires tout au long d'un incident, ainsi que le besoin de préciser les rôles et responsabilités. Le Comité examinera l'application pratique du cadre d'intervention du gouvernement dans le contexte de deux études de cas récentes.

Études de cas d'incidents critiques internationaux

199. [*** Ce paragraphe a été revu pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Quatre phrases ont été supprimées. Elles décrivaient le fondement sur lequel s'est appuyé le Comité pour choisir les études de cas, ainsi que leurs similitudes et leurs différences. ***] Le Comité a décidé d'examiner deux études de cas (l'enlèvement d'Edith Blais au Sahel en 2018 et le kidnappage de *** en *** en 2016) où des citoyens canadiens ont été pris en otage et les événements ont été déclarés des incidents critiques. Le Comité s'est penché sur ces incidents pour mieux comprendre une activité pour laquelle le ministère indique jouer un rôle de direction clair et est responsable de la coordination des activités d'autres organisations de la sécurité et du renseignement participant à la réponse du gouvernement. Le Comité a déterminé que les cas comportaient d'importantes différences et similitudes et, parfois, ont renforcé les conclusions d'études du gouvernement sur des incidents antérieurs. Les deux cas ont eu lieu dans des régions à risque élevé pour lesquelles des avis aux voyageurs avaient été publiés et où le gouvernement hôte disposait de moyens limités pour répondre aux incidents428.

200. Le Comité n'a pas présenté de demande de renseignements à tous les ministères concernant ces incidents. Il s'est plutôt concentré sur les documents reçus par le Ministère. Par conséquent, la majorité de l'évaluation porte sur le rôle qu'a joué AMC dans le cadre des incidents. Toutefois, le Comité ne peut faire abstraction d'autres questions qui ont été portées à son attention pendant l'examen. Puisqu'il n'examine pas le cadre d'intervention global du gouvernement face aux prises d'otage par des groupes terroristes, le Comité a limité son examen au rôle et aux activités du Ministère et les questions qui le touchent particulièrement.

201. Le Comité est conscient que les prises d'otage par des groupes terroristes sont difficiles à régler. Elles concernent plusieurs personnes, groupes, partenaires et alliés canadiens et étrangers, dont les motifs sont parfois inconnus, malveillants ou, à tout le moins, différents de ceux du Canada. Les employés du gouvernement qui travaillent au retour sécuritaire d'un otage le font dans un contexte stressant, où ils ont accès à une quantité limitée d'information et où les enjeux sont considérables ***. En outre, le Comité reconnaît que les familles des personnes retenues en otage vivent des expériences très difficiles, qui s'étendent souvent sur de longues périodes et dont les conséquences sont parfois tragiques. Par conséquent, le Comité estime que le gouvernement doit disposer d'une méthode claire et fondée sur des principes pour intervenir face à ce type d'incident.

202. Le Comité a plusieurs préoccupations quant au dossier documentaire fourni par AMC. Le Ministère a fourni des documents concernant les études de cas, et la majorité de ceux-ci constituait des rapports de situation envoyés par courriel et quelques notes d'information à l'intention des sous-ministres. Le Comité a constaté des lacunes manifestes en matière d'information en ce qui a trait aux aspects où il se serait attendu à recevoir un dossier documentaire (pour la résolution des cas, par exemple). En outre, le Comité n'a reçu aucun document rédigé par le Ministère à l'intention du ministre des Affaires étrangères (le Ministère a précisé que les représentants informent souvent le ministre et leur personnel de vive voix; néanmoins le Comité s'attend à ce que le Ministère conserve les documents préparatoires utilisés dans ces situations). Le Comité est d'avis que ces lacunes révèlent des failles inquiétantes dans les pratiques de gestion et de conservation de l'information qui, en retour, ont d'importantes répercussions sur la gouvernance et la responsabilisation du Ministère dans le cadre de ces incidents.

Étude de cas : ***, 2016 (***)

203. Le *** 2016, le Canadien *** est arrivé en *** au nom de son employeur, situé à Montréal, pour travailler sur un projet ***. Le ***, *** et deux de ses collègues *** ont été kidnappés sous la menace d'une arme à feu429. À peine quelques heures plus tard, AMC a été informé de la prise d'otage. L'information initiale laissait entendre que l'auteur de l'incident était un groupe criminel local et non une entité terroriste. Il s'agit d'une distinction importante : les enlèvements criminels sont gérés par le Secteur des services consulaires, de la sécurité et de la gestion des urgences d'AMC, et les prises d'otage terroristes sont considérées comme étant des incidents de sécurité nationale et sont gérées par la structure distincte du FCID. Le FCID a organisé la première réunion de directeurs généraux du Groupe de travail le *** et a déterminé que le cas constituait un incident critique430. La GRC a informé la famille puis, au cours des jours suivants, a communiqué avec l'employeur de ***431.

204. Le Groupe de travail a entrepris des mesures préliminaires afin de recueillir plus d'information 432, notamment :

  • confirmer que *** est un citoyen canadien (certaines informations laissaient entendre qu'il avait une citoyenneté canadienne et ***), pour déterminer les intérêts du Canada dans le cas;
  • identifier les ravisseurs (c.-à-d. des criminels ou des terroristes), pour orienter la façon de procéder du gouvernement;
  • comprendre le niveau de participation attendu du gouvernement de ***, pour déterminer les possibles ressources affectées et le niveau d'effort du gouvernement433.

Dans le cadre de ces activités, AMC a entrepris une mobilisation diplomatique par l'entremise de ses missions à *** et à Tunis 434. De son côté, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a confirmé *** que *** était un citoyen canadien. En ce qui concerne l'identité des ravisseurs, l'information-recuelffle a permis de déterminer que l'endroit où il-a-été-eniev-éconstituait une voie de transit terroriste connue entre *** et l'Algérie 435.

205. ***, AMC a convoqué la première réunion du Groupe de travail au niveau des sous-ministres adjoints (SMA) pour se pencher sur les principes opérationnels et établir la stratégie préliminaire du gouvernement face à l'incident. Il était indiqué dans les documents d'information de la réunion que la situation difficile sur le plan de la sécurité de *** limiterait les options d'intervention du gouvernement ***. On a également informé les SMA des différents mécanismes d'intervention de *** et de ses règles relatives au dialogue pour ce type d'incident, ***. Lors de la réunion, AMC a indiqué *** 436. Les SMA ont souligné que les expériences antérieures appuient également cette façon de procéder, et que le fait de mener une série d'activités parallèles pourrait compromettre les négociations avec les ravisseurs 437. Des représentants d'AMC ont mené des consultations auprès du ministère de la Justice et étaient convaincus que cette façon de procéder correspondrait aux obligations consulaires du Ministère 438.

206. Le Groupe de travail au niveau des SMA a également discuté des rôles et responsabilités ministérielles lors de la réunion. ***. AMC devait [traduction] « convoquer le Groupe de travail et coordonner l'intervention du gouvernement du Canada, notamment la mobilisation diplomatique et le soutien opérationnel de la part des missions 439 ». Les SMA ont également examiné des messages clés à utiliser auprès de ***, notamment le fait que les trois otages devraient être considérés comme un groupe 440.

207. Le gouvernement rappelait continuellement que le Canada souhaitait que les victimes soient considérées comme un groupe tout au long de l'incident. Lors d'un appel avec l'ambassadeur de ***, le SMA d'AMC s'est servi des messages clés pour souligner l'importance de considérer les victimes comme un groupe 441. Le FCID a indiqué de nouveau à la mission à *** que les interactions générales avec le gouvernement *** devaient faire passer ce type de message, tout en mentionnant que [traduction] « on ne voudrait pas que l'otage canadien soit laissé derrière442 ». *** 443. Au cours des jours suivants, *** a répondu que les victimes seraient considérées comme un groupe si elles demeuraient ensemble, mais que la situation pourrait changer si les ravisseurs séparaient les victimes.444 Même si le fait de garder les otages ensefilble comportait d'importantes considérations stratégiqyes,_notamment le fait de lifniter le nombre de voies de communication possibles avec les ravisseurs, ce qui aurait pu soulever de possibles demandes, le Comité a constaté que le Canada ***.

208. Au cours des deux semaines suivantes, il n'y a eu aucun changement ou nouvelle information. Le FCID a organisé plusieurs réunions du Groupe de travail, distribué régulièrement des rapports de situation aux membres du Groupe de travail, et collaboré avec la GRC pour communiquer avec la famille ***.

209. Le Comité a reçu une quantité limitée d'information concernant les rôles qu'ont joués les ministres tout au long de l'incident. Le ministre des Affaires étrangères a tenu un appel avec la famille *** pour l'informer que le premier ministre serait tenu au courant de l'évolution de la situation 445. Après cet appel, le bureau du ministre a demandé plus d'information au Groupe de travail *** 446. Par la suite, on a demandé au [groupe du renseignement conjoint] d'élaborer un profil du renseignement pour les cadres supérieurs [traduction] « sur ce à quoi s'attendre à mesure que la situation progresse 447 ». Le Comité ne peut recevoir de renseignements confidentiels du Cabinet. Toutefois, selon les dossiers reçus, le Comité n'a pas constaté une orientation stratégique des hauts dirigeants à l'intention du Groupe de travail qui laisse entendre qu'une réunion au niveau des ministres ou du Cabinet a été convoquée concernant l'incident.

210. ***, le Groupe de travail a organisé une réunion avec le [groupe du renseignement conjoint] afin de passer le dossier en revue. Le Groupe a conclu que le gouvernement n'avait pas recueilli suffisamment de renseignements pour déterminer correctement l'identité des ravisseurs, mais qu'ori ne pouvait écarter la possibilité de la participation d'al-Qaïda dans le Maghreb islamique 448. Le lendemain, le FCID a convoqué la seconde réunion du Groupe de travail au niveau des SMA. Les membres ont examiné plusieurs questions, notamment le manque d'information pour identifier les ravisseurs ou localiser les victimes. [*** Deux phrases ont été supprimées pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Les phrases décrivaient des éléments pris en considération par le gouvernement. ***]

211. [*** Ce paragraphe a été supprimé pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des éléments pris en considération par le gouvernement, notamment le fait que le cas répondait aux critères d'un incident critique « étant donné le risque substantiel qu'un groupe terroriste participe à la prise d'otage ». ***]449 450 451.

212. ***, le sous-ministre d'AMC a fait le point sur la situation auprès du Comité *** (qui se distingue du Groupe de travail au niveau des sous-ministres). [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des éléments pris en considération par le gouvernement. ***]452 453 454 455.

213. Après la réunion qui a eu lieu à la mi-octobre, le Groupe de travail a peaufiné les options d'intervention du gouvernement. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des éléments pris en considération par le gouvernement. ***] 456.

214. Lors de la deuxième réunion du Groupe de travail au niveau des sous-ministres qui a eu lieu ***, le sous-ministre d'AMC a fourni une mise à jour importante sur le cas : il a indiqué que, ***, l'ambassadeur du Canada en *** a été informé de l'existence de deux vidéos des victimes, et que les ravisseurs étaient un groupe de criminels qui menaçait de transférer les otages à Daech si l'on ne répondait pas à leurs demandes. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des éléments pris en considération par le gouvernement. ***] 457.

215. [*** Ce paragraphe a été supprimé pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des éléments pris en considération par le gouvernement. ***]458.

216. Ces options se sont avérées inutiles. ***, des représentants *** ont informé le gouvernement que *** et les deux ressortissants *** avaient étê libérés après 47 jours de captivité. *** a été transporté par avion à ***, où il a reçu du soutien consulaire, puis il est retourné au Canada le 6 novembre. Aucun document du Ministère ne portait sur la résolution de l'incident, mais il était indiqué dans un autre document préparé pour un cas distinct *** 459.

Leçons tirées

217. ***, le FCID a organisé un exercice sur les leçons apprises avec le Groupe de travail afin d'examiner la gestion de l'incident par le gouvernement. En ce qui concerne la prise de décision et l'orientation des cadres supérieurs, les représentants ministériels étaient d'accord, de manière générale, que [traduction] « le manque de directives claires ressorties des réunions au niveau des SMA et des sous-ministres a nui à la capacité du Groupe de travail de gérer la situation et d'harmoniser les ressources de manière efficace 460. » Le Groupe a recommandé que le FCID élabore un modèle de demande de décisions prises lors des réunions au niveau des SMA et des sous-ministres. En ce qui a trait aux rapports de situation et aux rapports généraux, les participants ont convenu que chaque organisation devait créer des documents d'information sur mesure pour leurs priorités et leurs mandats respectifs, mais que le FCID devait [traduction] « élaborer un modèle plus rigoureux pour les rapports de situation afin de veiller à tenir compte de tous les aspects d'un incident critique 461 ». On n'a pas effectué d'exercice sur les leçons apprises semblable au niveau des SMA ou des sous-ministres.

Étude de cas : Sahel 2018 à 020 (Edith Blais)

218. Le 17 décembre 2018, la Canadienne Edith Blais et l'italien *** ont été pris en otage au Burkina Faso, alors qu'ils se rendaient au Togo en voiture à partir de l'Italie. Le 31 décembre, la mère de *** a déclaré les deux voyageurs disparus auprès de la mission canadienne à Rome. Initialement, AMC a considéré la situation comme un cas de personnes disparues, puis le FCID a convoqué une réunion du Groupe de travail le 5 janvier 2019, lors de laquelle le cas a été déclaré comme étant un incident critique en raison de l'emplacement, des tendances en matière de prise d'otage dans la région et de la durée de l'absence de nouvelles de la part des victimes. Ensuite, le sous-ministre et le ministre des Affaires étrangères ont approuvé cette décision 462.

219. S'appuyant sur les documents reçus, le Comité n'a pas été en mesure de constater que le Ministère mettait en œuvre une orientation stratégique pour établir la portée de l'intervention du gouvernement au début de l'affaire. En réponse aux questions du Comité, le Ministère a indiqué que [traduction] « rien dans nos dossiers n'indique le rôle joué par la ministre des Affaires étrangères au commencement de l'affaire », mais que « la ministre et son cabinet sont demeurés informés de la situation 463. » À la mi-janvier 2019, la ministre des Affaires étrangères s'est réunie avec la famille Blais *** 464. À la fin de janvier, le Cabinet du premier ministre a demandé qu'une séance d'information soit présentée au premier ministre quelques jours après la diffusion d'un rapport sur la prise d'otage de TVA 465, puis une autre fois en février 466.

220. [*** Ce paragraphe a été supprimé pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des mesures prises par le gouvernement, notamment que la GRC avait lancé une enquête criminelle. ***]467 468 469 470 471.

221. [*** Ce paragraphe a été supprimé pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des mesures prises par le gouvernement et indiquait que le Comité n'avait constaté d'aucune façon que le Groupe de travail avait mené une évaluation pangouvernementale de la meilleure voie à suivre, coordonné l'approche ou défini le niveau d'efforts global du gouvernement, tous des enjeux soulevés auparavant dans des exercices sur les leçons tirées. ***]472 473

222. [*** Ce paragraphe a été supprimé pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des mesures prises par le gouvernement et mentionnait un incident mineur qui a fait ressortir des lacunes dans la direction centrale, la prise de décision et la coordination qui ont subsisté tout au long de la situation. ***]474 475 476.

223. [*** Ce paragraphe a été supprimé pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décdvait des mesures prises par le gouvernement. ***]477 478 479

224. À la fin de janvier et au début de février, des représentants ont élaboré de possibles options et scénarios de résolution. Le Groupe de travail a déterminé qu'aucune option de résolution ne devait être ignorée, mais qu'il serait difficile de planifier et d'approuver une opération de sauvetage des otages sans un niveau de confiance plus élevé quant à l'emplacement des victimes et du groupe de ravisseurs 480. Des représentants d'AMC et du MDN/FAC ont convenu qu'une demande d'assistance officielle du sous-ministre d'AMC à l'intention du chef d'état-major de la défense ***. 481 ***

225. Le 8 février, les sous-ministres ont tenu leur première réunion et on leur a présenté une séance d'information conjointe sur l'affaire. [*** Une phrase a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. La phrase décrivait des délibérations du gouvernement. ***]482 Dans la séance d'information conjointe, on a également recommandé que le Groupe de travail examine toutes les options de résolution de l'incident, et l'on a soulèvé les considérations suivantes :

[traduction] en l'absence d'une politique officielle sur la prise d'otage, l'intervention du gouvernement du Canada et la poursuite de ses objectifs relatifs à la résolution d'un incident de prise d'otage reposent sur un ensemble de principes consistant à ne verser aucune rançon et à ne faire aucune concession. Dans tous les cas d'enlèvement, le gouvernement du Canada a pour principal objectif la préservation de la vie, de même que la libération rapide et sécuritaire des otages, puis comme objectif secondaire l'enquête criminelle. […] Dans les cas de prise d'otage multinationale, les pratiques exemplaires des partenaires du Groupe des cinq, de même que les pratiques antérieures du gouvernement du Canada consistaient *** 483.

Comme pour la première étude de cas et comme indiqué dans la partie sur les leçons apprises du présent chapitre, le gouvernement devait, encore une fois, jongler avec ses principes de ne faire aucune concession et son objectif relatif au retour sécuritaire de la victime.

226. [*** Ce paragraphe a été supprimé pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des éléments pris en considération par le gouvernement au sujet de voies à suivre, notamment une opération de sauvetage des otages. ***]484 485

227. Le 11 avril 2019, les sous-ministres des organisations faisant partie du Groupe de travail ont tenu une réunion pour discuter de l'incident et fournir une orientation stratégique. Pour commencer, les sous-ministres ont demandé au Groupe de travail d'élaborer un ensemble de scénarios, ***. Le Groupe de travail devait déterminer les autorisations requises, les risques ainsi que les besoins en matière de ressources pour chaque option et scénario. Les sous-ministres ont souligné l'importance de tenir les ministres informés de l'affaire pour qu'ils puissent prendre des décisions à court préavis. Dans le résumé de la réunion d'AMC, il était également indiqué *** des questions à soulever auprès des ministres.486

228. Le 6 mai, le nouveau sous-ministre d'AMC a suggéré de tenir une réunion au niveau des sous-ministres. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des décisions prises par les sous-ministres en juin de demander au Groupe de travail de préparer un breffage aux ministres et de maintenir le niveau d'efforts actuel du gouvernement. Tous les documents liés au breffage et le contenu de ce dernier étaient caviardés ou n'ont pas été fournis en raison de renseignements confidentiels du Cabinet. ***]487 488 489

229. [*** Ce paragraphe a été revu pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. ***] À la mi-juin, le Groupe de travail a décidé de mettre au premier plan la planification de la mission de sauvetage des otages. Lors d'une réunion des sous-ministres, le chef d'état-major de la défense a mentionné que le gouvernement doit mettre en place un processus pour documenter la décision du premier ministre concernant l'opération, et le Groupe de travail a recommandé que le mécanisme soit« simple» étant donné que la décision établit un précédent. 490 491 492 493

230. Au cours des mois suivants, la faisabilité de l'opération de sauvetage diminuait de façon constante. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des difficultés. ***]494 495 496 497

231. Les sous-ministres se sont réunis régulièrement au début d'août. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des délibérations du gouvernement. ***]498 499

232. À la mi-septembre, les élections fédérales ont été déclenchées, et le gouvernement est entré en convention de transition500. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des délibérations du gouvernement. ***]501 502 503

233. [*** Ce paragraphe a été revu pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. ***] À la suite des élections fédérales, les sous-ministres se sont réunis avant que les nouveaux membres du Cabinet ne soient nommés. Leurs discussions ont porté certains enjeux et ils ont accepté d'informer leurs ministres séparément avant d'organiser une séance d'information mixte au début de 2020. 504 505

234. À la mi-janvier 2020, le ministre des Affaires étrangères s'est rendu au Mali. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des délibérations du gouvernement. ***]506

235. La résolution du cas s'est déroulée sur trois semaines. [*** Cinq phrases ont été supprimées pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Les phrases décrivaient des mesures prises par le gouvernement. ***]507 508 Le 13 mars, les Nations Unies ont informé l'ambassade du Canada au Mali que Mme Blais et *** se trouvaient maintenant à la base de l'ONU dans le nord du Mali, après 452 jours de captivité. Ensuite, Mme Blais a été transportée à un établissement médical des forces armées américaines en Allemagne, puis elle est retournée au Canada; et *** a été rapatrié en Italie.509

Difficultés

236. Il est inévitable qu'un groupe de travail composé de multiples ministères et qui doit s'employer à résoudre un incident critique sur des périodes indéterminées et parfois longues rencontre des difficultés. En voici quelques-unes qu'il convient de souligner.

  • La GRC a offert du soutien au Groupe de travail de manière inconstante dans les débuts de l'affaire. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait comment le soutien inconstant a touché le Groupe de travail. ***]510.
  • L'échange d'information posait problème, surtout au début. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe donnait des exemples où l'échange d'information était problématique. ***]511.
  • Il existait des lacunes en matière de gouvernance et un manque de clarté concernant les rôles et les responsabilités. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des cas précis de lacunes dans la gouvernance et de manque de clarté sur les rôles et les responsabilités.***]512

Leçons tirées

237. Deux réunions ont eu lieu en juin pour discuter de la conclusion de l'affaire. [*** La fin de ce paragraphe a été supprimée pour retirer l'information préjudiciable ou privilégiée. Le paragraphe décrivait des discussions de travail précises. ***]513 514

238. Les sous-ministres se sont également réunis pour discuter de l'incident. Parmi les principales questions abordées, les sous-ministres ont été informés que :

  • l'absence d'un cadre stratégique et de gouvernance officiel a eu une incidence négative sur la coordination interministérielle efficace à tous les niveaux;
  • l'approche du gouvernement était ponctuelle et n'était pas institutionnalisée;
  • il s'est avéré difficile d'établir le niveau d'effort et d'uniformité pour déterminer l'ordre de priorité des ressources dans l'ensemble des organisations;
  • l'affaire nécessitait un effectif important et le gouvernement n'avait pas de mécanismes de financement appropriés en place, et ces difficultés étaient accentuées par l'expertise limitée des ressources humaines.

Les sous-ministres ont accepté que l'intervention du gouvernement dans cette affaire et celle de ***, pris en otage le 15 janvier 2019 au Burkina Faso et assassiné par ses ravisseurs deux jours plus tard, fasse l'objet d'un examen indépendant 515. L'examen en question allait porter sur le cadre stratégique et de gouvernance, ***, la participation des principaux partenaires, le soutien aux victimes et à leur famille, la mobilisation des médias, et la viabilité globale du point de vue des ressources humaines et financières516.

239. Le Comité a reçu une ébauche de l'examen indépendant en juillet 2021. Le rapport, rédigé par Ward Elcock, ancien directeur du SCRS et sous-ministre de la Défense nationale, reprend certaines conclusions tirées d'exercices antérieurs sur les leçons apprises (voir les paragraphes 92-103), notamment :

  • que la structure de gouvernance en place n'est pas efficace;
  • qu'aucune décision n'a été prise quant au niveau d'effort lié à l'intervention du gouvernement face à la prise d'otage, faisant en sorte que chaque ministère devait déterminer lui-même sa propre intervention;
  • que des directives ministérielles sont nécessaires en ce qui concerne la politique du Canada sur la prise d'otage, ***;
  • que les organisations concernées doivent s'entendre sur les rôles et les responsabilités 517.

Dans l'Évaluation du Comité qui suit, le Comité se penchera sur les répercussions plus générales des études de cas ainsi que sur les questions soulevées ci-dessus.