Introduction
Rapport spécial sur le mandat de la Police fédérale de la Gendarmerie royale du Canada

1. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) est le service de police national du Canada. Elle travaille d’un océan à l’autre à l’échelle communautaire, provinciale, territoriale et fédérale pour prévenir la criminalité, appliquer la loi, enquêter sur les infractions, assurer la sécurité des Canadiens et des intérêts du Canada, et venir en aide aux Canadiens dans les situations d’urgence. Les employés de la GRC travaillent dans plus de 700 détachements situés dans 150 collectivités et assurent des services de police dans plus de 600 communautés autochtones au pays. À l’échelle mondiale, la GRC fournit de la formation spécialisée aux policiers, mène des activités de police internationale, y compris pour le maintien de la paix, et échange des renseignements et coopère avec des partenaires pour appuyer des enquêtes et perturber et démanteler des opérations criminelles Note de bas de page 1 .

2. La GRC mène ce travail dans le cadre de trois grands mandats. Le premier et plus vaste mandat est les Services de police contractuels et autochtones, dans le cadre duquel elle fournit des services de police à toutes les provinces et à tous les territoires, à l’exception du Québec et de l’Ontario, et aux collectivités autochtones, par l’entremise de contrats négociés entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. Le deuxième mandat de la GRC est les Services de police spécialisés, qui fournissent des services de soutien opérationnel de première ligne essentiels à la GRC dans l’ensemble, mais aussi à ses partenaires de l’application de la loi et de la justice pénale Note de bas de page 2 .

3. Enfin, le troisième mandat de la GRC est la Police fédérale, soit celui se rapprochant le plus de la sécurité nationale et du renseignement ainsi que du sujet du présent examen. La Police fédérale est le principal organisme d’application de la loi du Canada pour ce qui est des enquêtes sur la sécurité nationale, le crime organisé, les crimes transnationaux et graves, la criminalité financière et le cybercrime. Elle fournit des services de protection (p. ex., au premier ministre et à d’autres représentants désignés), mène des activités de police internationale et assure la sécurité frontalière. Elle gère aussi ses propres services de police et d’opérations spécialisés (p. ex., un programme d’infiltration) à l’appui des enquêtes. Ces responsabilités demandent des contacts étroits avec une myriade de partenaires de l’application de la loi et du renseignement, tant au Canada qu’à l’étranger. Le mandat et les responsabilités de la Police fédérale, sa présence au pays et à l’étranger, et ses partenariats opérationnels la placent au centre de l’appareil de la sécurité nationale et du renseignement du Canada Note de bas de page 3 . Elle est la seule organisation en mesure de mener des enquêtes sur les plus importantes menaces criminelles dans les différentes administrations, tant au Canada qu’à l’étranger (en collaboration avec des services de police étrangers).

4. Ce rôle essentiel est peu connu au Canada. Bon nombre de Canadiens associent la GRC à sa tunique rouge ou à son emblématique Carrousel et, s’ils habitent dans des secteurs ruraux ou semi-urbains en dehors du centre du Canada, au service de police provincial, territorial ou local. En Ontario et au Québec, où travaillent beaucoup d’employés de la Police fédérale, la GRC est essentiellement invisible. Malheureusement, les Canadiens connaissent aussi la GRC en raison de plusieurs recours collectifs récents, crises et incidents critiques, et sont conscients que la GRC fait face à d’importants problèmes au sein de son organisation. Ces problèmes ont été exposés de façon détaillée au cours de la dernière décennie dans une série de rapports importants, spécialement sur des enjeux de culture, de harcèlement sexuel et de racisme systémique au sein de la GRC dans son ensemble. On compte parmi ces rapports :

  • Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense — Des questions de conduites : la Gendarmerie royale du Canada doit transformer sa culture (2013) Note de bas de page 4 ;
  • Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, Rapport sur le harcèlement en milieu de travail à la GRC (2017) Note de bas de page 5 ;
  • Sheila Fraser, Examen de quatre cas de poursuites civiles contre la GRC pour des motifs de harcèlement au travail (2017) Note de bas de page 6 ;
  • L’honorable Michel Bastarache, Rêves brisés Vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sur les femmes au sein de la GRC (2020) Note de bas de page 7 ;
  • Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes (SECU) — Racisme systémique au sein des services policiers au Canada (2021) Note de bas de page 8 ;
  • le rapport de la Commission des pertes massives sur les pertes massives survenues en Nouvelle-Écosse en avril 2020 (à venir en 2023) Note de bas de page 9 .

5. Étant un élément central de la GRC, la Police fédérale fait aussi face à ces problèmes. Toutefois, la Police fédérale est aussi confrontée à des problèmes précis et distincts qui, s’ils ne sont pas résolus, mineront sa capacité de remplir pleinement son mandat essentiel. De plus, aucune étude récente n’a porté exclusivement sur le mandat de la Police fédérale de la GRC. Le mandat a plutôt été mentionné par rapport à d’autres secteurs de la GRC ou inclus parallèlement à des discussions plus larges sur la gouvernance et la gestion de la GRC. Les examens se rapportant le plus étroitement à la Police fédérale sont les suivants :

  • Bureau du vérificateur général du Canada, Chapitre 1 : Gendarmerie royale du Canada — Les services de police à contrat Note de bas de page 10  : Alors que cet audit se centrait sur les services de police à contrat, il a conclu que la GRC s’est acquittée de ses obligations contractuelles au détriment de ses services de la Police fédérale. Il a recommandé que la GRC trouve le moyen d’utiliser un financement, une évaluation et un compte rendu distincts pour ses activités de services de police à contrat afin d’éviter que ses autres activités ne subissent des contrecoups.
  • Rapport sur les événements concernant Maher Arar (2006) Note de bas de page 11  : Ce rapport présente l’analyse et les recommandations de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens dans la restitution et la torture du Canadien Maher Arar par les États-Unis. Notamment, le rapport a recommandé que la GRC mette en place une formation supplémentaire portant expressément sur la sécurité nationale et revoit périodiquement ses programmes de formation sur la sécurité nationale. Il recommandait aussi que la GRC continue de développer sa capacité d’action en matière d’application de la loi axée sur le renseignement, mette en place des contrôles internes pour toutes les enquêtes relatives à la sécurité nationale, maintienne sa pratique de surveillance centralisée des enquêtes relatives à la sécurité nationale, et continue de recevoir des directives ministérielles sur l’orientation à donner aux enquêtes relatives à la sécurité nationale.
  • Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC — Rétablir la confiance (2007) Note de bas de page 12  : Connu comme le rapport Brown, le rapport de ce groupe de travail portait sur la façon de rétablir la confiance du public envers la GRC à la suite d’une enquête sur la gestion par la GRC des régimes de retraite et d’assurances. Particulièrement, le rapport a fait ressortir la complexité de la GRC en tant qu’organisme et a étudié la possibilité que son démantèlement fasse partie des solutions à ses problèmes de structure et de gouvernance.
  • Le vol 182 d’Air India — une tragédie canadienne (2010) Note de bas de page 13  : Ce rapport a présenté l’évaluation et les recommandations de la Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182. Le rapport portait sur le système de la sécurité et du renseignement dans son ensemble. Toutefois, relativement à la Police fédérale de la GRC, il préconisait la création de deux postes qui changeraient la conduite des enquêtes antiterroristes : le directeur des poursuites antiterroristes, qui assurerait l’uniformité des avis juridiques au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et à la GRC, et le coordonnateur de la protection des témoins pour la sécurité nationale, qui serait chargé des questions liées à la protection des témoins dans les enquêtes antiterroristes. Le rapport portait aussi sur les thèmes pertinents de la lutte contre le financement du terrorisme, l’amélioration de l’échange d’information et de la collaboration interministérielle, la sûreté aérienne et l’amélioration de la relation entre les renseignements et les éléments de preuve dans la procédure criminelle.
  • Bureau du vérificateur général du Canada, Chapitre 5 : Les services nationaux de police — Gendarmerie royale du Canada (2011) Note de bas de page 14  : Cet audit a constaté qu’au cours de l’exercice 2010-2011, la GRC a procédé à une réaffectation de fonds à l’interne dans les services nationaux de police pour résorber les manques à gagner dans ces services. Cette réaffectation a diminué les fonds pour d’autres programmes, dont la Police fédérale.

Examen du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

6. L’examen complète les études et enquêtes antérieures portant précisément sur le mandat de la Police fédérale de la GRC. Le Comité a défini trois objectifs auxquels l’examen doit répondre :

  • examiner les programmes, activités, structures, autorisations et obligations de rendre compte du mandat de la Police fédérale, ainsi que d’en faire la distinction avec le grand mandat de la GRC;
  • examiner les moyens et les résultats des programmes et activités du mandat, notamment par l’analyse de données et des études de cas sur la façon dont la GRC établit l’ordre de priorité des enquêtes criminelles fédérales dans les domaines de la sécurité nationale, des crimes complexes et du crime organisé majeur et les effectue;
  • examiner le rôle que jouent les partenariats clés nationaux et internationaux.

7. Le Comité a exclu deux sujets de la portée de son examen. Le premier est l’administration par la GRC du Programme de protection des témoins. Le Comité n’a pas droit d’accès aux renseignements sur ce sujet qui, de toute façon, ne se rapporte pas au champ d’application du présent examen Note de bas de page 15 .

8. Le Comité a aussi exclu l’information et les activités détaillées concernant la Police contractuelle. Les responsabilités de la Police contractuelle de la GRC ne s’appliquent pas au mandat du Comité en matière de sécurité nationale et de renseignement. Nonobstant, le Comité n’a pas fait abstraction de la Police contractuelle, mais a dirigé son analyse sur les répercussions de la Police contractuelle sur le mandat de la Police fédérale.

9. Le Comité a entamé son examen en janvier 2021 par l’envoi de lettres d’avis au ministre de la Sécurité publique et à la commissaire de la GRC. En avril 2021, le Comité a remis à la GRC le cadre de référence de l’examen. Entre avril 2021 et janvier 2023, la GRC a fourni au Comité des documents (environ 25 000 pages) touchant tous les aspects du mandat de la Police fédérale Note de bas de page 16 . Le Comité a aussi rencontré des représentants de la GRC à dix reprises au cours de l’examen et a rencontré le ministre de la Sécurité publique en juin 2023.

10. Le Comité a sollicité l’opinion du public en janvier 2022 et a demandé à des experts canadiens et de l’étranger des exposés sur divers aspects du mandat de la Police fédérale ainsi que sur les aspects comparables à l’échelle internationale. De plus, le Secrétariat et la GRC ont communiqué tout au long du processus d’examen, notamment lors de plusieurs exposés pratiques. Tout au long de l’examen, la GRC a fait preuve de soutien et d’accommodation.

11. Le présent rapport se divise en sept chapitres. Au chapitre un, le Comité décrit le contexte de la menace dans lequel la Police fédérale mène ses activités. Dans le chapitre deux, le Comité fournit des renseignements généraux sur la GRC et ses différents mandats, et la structure des pouvoirs de la Police fédérale. Dans le chapitre suivant, le Comité illustre les tendances liées aux enquêtes de la Police fédérale. Le chapitre quatre traite des partenariats clés de la Police fédérale. Au chapitre cinq, le Comité explore la responsabilité et la gouvernance. Dans le chapitre six, le Comité se penche sur cinq questions thématiques transsectorielles qui sont ressorties au cours de l’examen : les finances et les ressources humaines, le recrutement et la formation, les données, l’établissement des priorités, et le renseignement. Le Comité présente son évaluation au chapitre sept, et termine par sa conclusion, les conclusions qu’il a tirées et ses recommandations. Tout au long de l’examen, le Comité a inclus des études de cas pour illustrer les types d’enquêtes réalisées par la Police fédérale.