Chapitre 3 : Enquêtes fédérales : tendances
Rapport spécial sur le mandat de la Police fédérale de la Gendarmerie royale du Canada
70. La Police fédérale enquête sur les menaces criminelles les plus graves envers les Canadiens et les intérêts du Canada. Ces enquêtes visent notamment les menaces à l’intégrité économique du Canada, à l’intégrité des systèmes du gouvernement fédéral, à la sécurité nationale ou à l’infrastructure essentielle; elles sont de portée internationale ou interterritoriale; ou font partie d’initiatives horizontales pour lesquelles la Police fédérale a reçu des directives précises et du financement Note de bas de page 152 . La Police fédérale attribue des ressources à ses enquêtes les plus prioritaires, appelées « projets cotés » (voir l’étude de cas 1 ci-dessous pour un exemple d’un projet coté). Les projets cotés sont créés dans le cadre d’un processus qui vise à garantir que les ressources d’enquête sont affectées aux priorités, aux menaces et aux activités criminelles les plus importantes. Il y a trois niveaux de projets cotés, ceux de niveau 1 étant jugés comme étant les plus prioritaires, ceux de niveau 2 sont de priorité modérée, tandis que ceux de niveau 3 ne sont pas prioritaires. La Police fédérale a mené 846 projets cotés entre 2013 et 2021 (voir le graphique 3).
Graphique 3 : Projets cotés, par année
Longue description
Année | Projets cotés au total |
---|---|
2013 | 166 |
2014 | 171 |
2015 | 98 |
2016 | 108 |
2017 | 57 |
2018 | 107 |
2019 | 50 |
2020 | 46 |
2021 | 43 |
Source : GRC, Équipe de connaissance de la situation (ECS), Aperçu des priorités de la Police fédérale, 11 janvier 2023. Les données pour les années 2013, 2014 et 2018 sont faussées, car elles incluent la priorisation pour toutes les enquêtes en cours à ce moment.
Étude de cas no 1 : Enquêtes de la Police fédérale sur Aaron Driver
Le 8 décembre 2014, la section du Manitoba de l’Islamic Social Services Association a signalé à la Police fédérale qu’Aaron Driver avait fait des publications sur les médias sociaux qui semblaient défendre l’idéologie de l’État islamique. La Police fédérale a lancé une enquête sur M. Driver le jour même.
Le 20 février 2015, le Toronto Star a publié une entrevue avec M. Driver, qui manifestait son appui envers l’État islamique et les attentats terroristes de 2014 à Ottawa. La Police fédérale a rencontré des représentants du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), ***, afin de s’assurer qu’une entrevue entre la GRC et lui n’entrerait pas en conflit avec les efforts du SCRS. Cette coopération s’est poursuivie ***, et des représentants de la Police fédérale et du SCRS se sont rencontrés fréquemment pour échanger de l’information et s’assurer que leurs activités n’empiétaient pas les unes sur les autres.
Les enquêteurs de la Police fédérale ont rencontré M. Driver le 7 mars 2015, où il a exprimé son appui envers l’État islamique et ses buts. Après l’entrevue, le Centre de la technologie de la surveillance de la GRC a mené de la surveillance physique secrète sur M. Driver pour recueillir de l’information et des éléments de preuve, et le groupe de recherche tactique sur Internet a surveillé l’activité en ligne de M. Driver.
En mai 2015, l’Équipe intégrée de la sécurité nationale de la Police fédérale en Ontario a signalé à la Section de la sécurité nationale au Manitoba que M. Driver faisait l’objet de l’une de ses enquêtes et qu’elle avait des motifs suffisants pour l’inclure dans une ordonnance de communication. Le 4 juin 2015, des enquêteurs de la Police fédérale au Manitoba ont arrêté M. Driver, qui était soupçonné de participer sciemment à une activité d’un groupe terroriste. M. Driver a pris un engagement de ne pas troubler l’ordre public et a été libéré avec 19 conditions, y compris d’être mis sous surveillance électronique et de se présenter à un agent. M. Driver a demandé et obtenu une modification de ces conditions, lui permettant de déménager à London, en Ontario.
Le 2 février 2016, M. Drive a signé un engagement à ne pas troubler l’ordre public avec conditions, pour une période de 10 mois. Comme condition, il devait notamment se présenter toutes les deux semaines à un agent de la GRC désigné. Il lui était aussi interdit de se procurer une arme à feu ou de la matière explosive, de présenter une demande de passeport, de posséder ou d’utiliser un téléphone cellulaire, un ordinateur de bureau ou portable ou un appareil de communication électronique sans permission, d’utiliser des sites ou des applications de réseaux sociaux, et de communiquer avec toute organisation terroriste désignée. Il n’était plus obligé de porter un dispositif de surveillance.
Le 10 août 2016, le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis a envoyé aux Opérations criminelles de la Police fédérale une capture d’écran d’une vidéo dans laquelle un Canadien inconnu prêtait allégeance à l’État islamique. La veille, l’individu de la vidéo était entré en communication avec une source humaine confidentielle du FBI et avait fait part à la source de son intention de commettre un attentat-suicide au moyen d’une bombe artisanale au cours des 72 prochaines heures. La Police fédérale a utilisé la capture d’écran et l’information fournie à la source humaine confidentielle pour établir des motifs de soupçonner que M. Driver était l’individu apparaissant dans la vidéo.
À ce moment, la Police fédérale a lancé plusieurs processus en simultané pour protéger la sécurité publique et confirmer l’identité de l’individu de la vidéo. En deux heures, la Police fédérale a alerté les services de transport en commun et un groupe de gestion immobilière de la possibilité d’un attentat et en a informé ses partenaires, la haute direction et les divisions de la GRC. La Police fédérale a aussi effectué une analyse de reconnaissance vocale pour déterminer si M. Driver était effectivement l’individu de la vidéo.
Des équipes de surveillance du service de police de London et de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale de l’Ontario de la Police fédérale ont été déployées à la dernière adresse connue de M. Driver à Strathroy, en Ontario, et à son lieu de travail. De nombreux groupes de la GRC, du service de police de London et de la Police provinciale de l’Ontario ont également été déployés pour ériger un périmètre et appuyer l’enquête. La Police fédérale a dirigé cette équipe coordonnée regroupant plusieurs organisations.
Des enquêteurs de la GRC ont confirmé que M. Driver se trouvait à son domicile au moyen d’une vérification électronique indiquant que son téléphone personnel était actif, d’informations de sources ouvertes et de récents messages qu’il avait envoyés à la source humaine confidentielle du FBI. Ils ont déterminé qu’il était en train de se préparer à partir. Le Groupe tactique d’intervention de la GRC a reçu l’ordre de l’arrêter.
À un moment donné, M. Driver est sorti de chez lui et est entré dans un taxi. Le Groupe tactique d’intervention s’est approché pour l’arrêter et M. Driver a fait exploser un engin explosif, blessant le conducteur du taxi. Le Groupe tactique d’intervention a tiré sur M. Driver, qui n’obéissait pas à ses ordres, alors qu’il tentait de prendre un objet inconnu. Son décès a été constaté sur les lieux de l’incident.
But des projets cotés
71. Il y a quatre catégories de projets cotés. Les trois premières catégories sont liées aux priorités opérationnelles de la Police fédérale, à savoir la sécurité nationale, la criminalité transnationale grave et organisée et la cybercriminalité. Entre 2013 et 2021, environ 34 % de tous les projets cotés entraient dans ces trois catégories. La quatrième catégorie, qui comprend les enquêtes sur une diversité d’infractions, s’appelle la catégorie « Autres », et englobait environ 72 % de tous les projets cotés. Ces quatre catégories sont détaillées ci-dessous (voir le graphique 4 après le paragraphe 78) Note de bas de page 153 .
72. Entre 2013 et 2021, la Police fédérale a mené 139 projets cotés liés à la sécurité nationale, ce qui représente 16 % de tous les projets cotés. Les trois principales infractions ayant fait l’objet d’une enquête sont les suivantes : participation ou contribution aux activités d’un groupe terroriste; fait de quitter le Canada pour participer aux activités d’un groupe terroriste; et facilitation d’une activité terroriste. La majorité des enquêtes menées dans le cadre de projets cotés liés à la sécurité nationale étaient des enquêtes de niveau 1 (soit 119, ou 86 %); les autres étaient des projets de niveau 2. Durant cette période, la Police fédérale a en moyenne fermé ou classé ses enquêtes ayant trait à la sécurité nationale dans un délai de 4,2 années après le signalement des infractions.
73. Durant la même période, la Police fédérale a mené 100 projets cotés liés à la criminalité transnationale grave et organisée, soit environ 12 % de tous les projets cotés. Les trois principales infractions visées étaient les suivantes : participation ou contribution aux activités d’un groupe terroriste; fraude de plus de 5 000 $; et importation ou exportation de cocaïne. De ces 100 projets, 54 étaient des enquêtes de niveau 1 (54 %), 36, des enquêtes de niveau 2 (36 %) et 10, des enquêtes de niveau 3 (10 %). En moyenne, la Police fédérale a fermé ou classé ses enquêtes ayant trait à la criminalité transnationale grave et organisée dans un délai de 3,7 années après le signalement des infractions. En raison de leur complexité, les projets cotés prennent en moyenne 7 fois plus de temps à être classés que les occurrences générales154.
74. De même, la Police fédérale a mené 45 projets cotés liés à la cybercriminalité (5 % de tous les projets cotés). Les trois principales infractions visées étaient les suivantes : fraude de plus de 5 000 $; participation ou contribution aux activités d’un groupe terroriste; et utilisation non autorisée d’un ordinateur. Des 45 projets cotés dans cette catégorie, 27 étaient des projets de niveau 1 (60 %), 14, des projets de niveau 2 (31 %) et 4, des projets de niveau 3 (9 %). En moyenne, la Police fédérale a fermé ou classé les enquêtes ayant trait à la cybercriminalité dans un délai de 4,2 années après le signalement des infractions.
75. En ce qui concerne les autres projets cotés, environ 72 % (612) des projets réalisés par la Police fédérale entre 2013 et 2021 ont porté sur une diversité d’infractions qui entrent dans la catégorie « Autres ». Pour ce qui est de ces enquêtes, soit elles ne répondaient pas aux critères requis pour qu’on puisse les considérer comme des enquêtes relatives à la sécurité nationale, au crime organisé grave ou à la cybercriminalité, soit elles ne pouvaient pas être classifiées en tant que telles en raison de problèmes de qualité des données. (Les problèmes de qualité des données sont expliqués plus en détail aux paragraphes 146 à 158.) Les trois principales infractions visées par les enquêtes de cette catégorie étaient les suivantes : trafic de cocaïne; fraude de plus de 5 000 $; et importation et exportation de cocaïne. Des 612 projets cotés appartenant à la catégorie « Autres », 156 étaient des projets de niveau 1 (25 %), 230, des projets de niveau 2 (38 %) et 227, des projets de niveau 3 (37 %). En moyenne, la Police fédérale a fermé ou classé les enquêtes de la catégorie « Autres » dans un délai de 2,9 années après le signalement des infractions. Il importe de noter que la majorité des projets cotés menés par la Police fédérale entrent dans cette catégorie, car la majorité des enquêtes ne se rapportent pas à une priorité fédérale ou encore elles concernent des infractions moins graves, comme la fraude et la possession de drogues.
Enquêtes cotées
76. Entre 2013 et 2020, le nombre de projets cotés a diminué, passant de 166 en 2013 à 43 en 2021 (voir le graphique 3 ci-dessus). Les difficultés découlant de l’exactitude des données de la GRC (traitées en plus amples détails aux paragraphes 146 à 158) supposent que les nombres déclarés peuvent refléter une tendance, mais pas son ampleur. Cette baisse générale s’explique principalement par une supervision accrue des enquêtes et une amélioration du processus de soumission des projets. Elle a permis d’accorder une attention accrue aux projets de niveau 1, soit les projets les plus complexes de la Police fédérale et qui nécessitent souvent plus de ressources que les autres. Au début du processus d’établissement des priorités (en 2013-2014), les divisions proposaient des travaux du renseignement ou des enquêtes qui commençaient à peine, et un grand nombre de propositions se sont ainsi retrouvées dans la catégorie « niveau 3 ». Par la suite, la Police fédérale a renforcé la supervision dans les secteurs de programme, forçant les divisions à faire un travail plus approfondi avant de soumettre des projets aux fins d’établissement des priorités. Cette démarche a mené à une importante baisse du nombre de projets de niveau 3 et à une légère baisse du nombre de projets de niveau 2, tandis que le nombre de projets de niveau 1 est resté relativement stable. En pratique, cela signifie qu’il y a moins de projets cotés, mais parce que le nombre de projets de niveau 3 a grandement baissé, la Police fédérale est en mesure d’accorder plus de temps et de ressources aux projets de niveau 1 et de niveau 2155. (Le Comité traite de la gouvernance du processus de priorisation de la Police fédérale aux paragraphes 159 à 173.)
77. Cette tendance à la baisse vaut pour les enquêtes liées aux priorités de la Police fédérale en matière de sécurité nationale et de criminalité transnationale grave et organisée et pour les enquêtes de la catégorie « Autres » (voir le graphique 4) Note de bas de page 156 . L’une des raisons qui expliquent cette baisse est le virage soudain, en 2014, vers les enquêtes liées au terrorisme déclenchées par des incidents précis très médiatisés liés au terrorisme, notamment la fusillade de 2014 sur la Colline parlementaire et l’attaque à la voiture ayant ciblé des militaires canadiens à Saint- Jean-sur-Richelieu. Ce virage dans les priorités et les ressources a réduit la capacité de la GRC à mener des enquêtes non liées à la sécurité nationale. On remarque surtout une baisse du nombre de projets cotés liés à la criminalité transnationale grave et organisée, qui sont passés de 16 en 2014 à 9 en 2015.
78. Le nombre de projets cotés liés à la sécurité nationale et à la criminalité transnationale grave et organisée a connu une baisse entre 2013 et 2021, tandis que le nombre de projets liés à la cybercriminalité est demeuré plutôt stable. En effet, le nombre de projets cotés liés à la sécurité nationale est passé de 19 en 2013 à 12 en 2021, tandis que le nombre de projets cotés liés à la criminalité transnationale grave et organisée est passé de 13 à 6. En revanche, le nombre de projets liés à la cybercriminalité menés par la Police fédérale est demeuré plutôt stable entre 2013 et 2021, mais a connu une forte augmentation en 2018, passant de 5 à 11. Le nombre d’enquêtes inscrites dans la catégorie « Autres » a également baissé durant cette période, passant de 137 en 2013 à 24 en 2021, une diminution attribuable en partie à des difficultés systémiques liées aux données.
Graphique 4 : Projets cotés, par année (par priorité)
Longue description
Année | SN (sécurité nationale) | CTGO (criminalité transnationale grave et organisée) | Cybercriminalité | Autres |
---|---|---|---|---|
2013 | 19 | 13 | 3 | 137 |
2014 | 16 | 16 | 5 | 138 |
2015 | 26 | 9 | 3 | 67 |
2016 | 23 | 16 | 5 | 74 |
2017 | 9 | 13 | 5 | 36 |
2018 | 17 | 13 | 11 | 73 |
2019 | 8 | 3 | 3 | 37 |
2020 | 9 | 10 | 5 | 28 |
2021 | 12 | 6 | 5 | 24 |
Remarque : Puisque les projets peuvent être présentés à nouveau aux fins de priorisation dans des années ultérieures, le nombre de projets par année ou niveau peut être supérieur au nombre distinct de projets cotés.
Source : GRC, Équipe de connaissance de la situation (ECS), Aperçu des priorités de la Police fédérale, 11 janvier 2023. Les données pour les années 2013, 2014 et 2018 sont faussées, car elles incluent la priorisation pour toutes les enquêtes en cours à ce moment.
Enquêtes cotées : résultats
79. Les projets cotés peuvent donner lieu à divers résultats. D’abord, ils peuvent donner lieu à des accusations criminelles ou autres. Des 225 projets cotés ayant donné lieu à des accusations menés entre 2013 et 2021, la Police fédérale a été en mesure de faire porter au total 6 158 accusations, réparties dans les catégories suivantes.
- Sécurité nationale : La Police fédérale a fait porter 135 accusations dans le cadre d’enquêtes liées à la sécurité nationale. Les accusations les plus fréquemment portées ont été les suivantes : infraction au profit d’un groupe terroriste; participation ou contribution aux activités d’un groupe terroriste; fait de quitter le Canada pour participer aux activités d’un groupe terroriste; facilitation d’une activité terroriste; et complot en vue de commettre un acte criminel.
- Criminalité transnationale grave et organisée : La Police fédérale a fait porter 920 accusations dans le cadre d’enquêtes liées à la criminalité transnationale grave et organisée. Les accusations les plus souvent portées ont été les suivantes : complot en vue de commettre un acte criminel; perpétration d’une infraction au profit d’une organisation criminelle; possession de biens criminellement obtenus d’une valeur de plus de 5 000 $; trafic de cocaïne; et possession de cocaïne dans le but d’en faire le trafic.
- Cybercriminalité : La Police fédérale a fait porter 283 accusations dans le cadre d’enquêtes liées à la sécurité nationale. La Police fédérale a fait porter 283 accusations dans le cadre d’enquêtes liées à la cybercriminalité, les plus fréquentes étant les suivantes : fraude de plus de 5 000 $; blanchiment des produits de la criminalité; possession de biens criminellement obtenus d’une valeur de plus de 5 000 $; utilisation non autorisée d’un ordinateur; et vol d’identité.
- « Autres » : La Police fédérale a fait porter 4 820 accusations dans le cadre d’enquêtes entrant dans la catégorie « Autres ». Les accusations les plus souvent portées ont été les suivantes : complot en vue de commettre un acte criminel; emploi, possession ou trafic d’un document contrefait; fraude de plus de 5 000 $; trafic de cocaïne; et possession de cocaïne dans le but d’en faire le trafic.
80. Ensuite, les projets cotés peuvent donner lieu à la perturbation d’activités criminelles. La perturbation est une stratégie qui consiste à retarder, à interrompre ou à compliquer la commission d’infractions criminelles ou d’activités connexes par des personnes ou des réseaux criminels. Les efforts de perturbation peuvent servir à éviter les dommages attribuables à des crimes comme le terrorisme, ou encore à empêcher des entités criminelles de faire passer de la marchandise illicite ou de la drogue à la frontière. Parmi les exemples d’activités de perturbation, mentionnons la saisie de drogues et d’armes à feu, le démantèlement de laboratoires clandestins ou le gel et la confiscation de biens. Dans certains cas, la Police fédérale utilise la perturbation pour prévenir d’éventuels préjudices aux Canadiens plutôt que pour porter des accusations criminelles Note de bas de page 157 . Dans d’autres cas, la perturbation peut s’avérer une bonne option lorsque la GRC n’a pas suffisamment d’éléments de preuve pour porter des accusations.
81. Enfin, certains projets cotés ne donnent pas lieu à la perturbation d’activités criminelles ou au dépôt d’accusations. La GRC n’est pas toujours en mesure de recueillir suffisamment de preuves pour porter des accusations, ou encore il arrive que son objectif ne soit pas de porter des accusations ou de perturber des activités criminelles. Des 846 projets cotés menés par la Police fédérale entre 2013 et 2021, 132 ne visaient pas le dépôt d’accusations. Certains ciblaient des activités de renseignement ou d’assistance; d’autres ciblaient des activités de nature criminelle, mais la Police fédérale n’était pas l’organisme chargé de l’enquête (p. ex., un partenaire à l’étranger avait demandé à la GRC de participer à une livraison contrôlée de drogues ou d’argent afin de recueillir des preuves dans le cadre d’une enquête plus vaste).
82. Des 714 projets qui visaient le dépôt d’accusations, 255 ont bel et bien donné lieu au dépôt d’accusations. Le nombre total d’accusations portées par suite de projets cotés menés par la Police fédérale a connu une baisse entre 2013 et 2021. Les mesures de rendement actuelles de la Police fédérale reposent sur le taux de dossiers classés. Chaque année, un dossier peut être « classé par une accusation ou la recommandation d’une accusation », « en cours » (l’enquête n’est pas terminée), « fermé » (preuve insuffisante pour poursuivre ou le plaignant décide d’abandonner la cause), « sans fondement » (une enquête détermine qu’une infraction n’a pas été commise) ou « résolu » (non criminel). Ces définitions sont tirées de la Déclaration uniforme de la criminalité, qui est gérée par le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités. La déclaration a été créée pour faire état du taux de criminalité au sein de la société canadienne158. Ce type de mesure du rendement repose sur des statistiques et n’offre pas le contexte ou l’ampleur nécessaires pour obtenir des résultats complexes, notamment d’accroître la sécurité publique par la perturbation. La Police fédérale a exprimé la même opinion au Comité. Les représentants ont indiqué que, individuellement, les mesures de rendement actuelles de la Police fédérale ne tiennent pas compte de la perturbation et ne peuvent donc pas brosser un tableau complet des retombées du travail de la Police fédérale Note de bas de page 159 .
Répartition des enquêtes cotées au Canada
83. Les enquêtes criminelles les plus graves ne sont pas réparties de manière uniforme à l’échelle du pays. Entre 2013 et 2021, la majorité des projets cotés menés ont été réalisés pour le compte de quatre provinces (l’Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique et l’Alberta). Les groupes de la Police fédérale ont ainsi mené 271 projets cotés en Ontario, 89 au Québec, 158 en Colombie-Britannique et 94 en Alberta Note de bas de page 160 . En revanche, la Police fédérale a seulement mené 21 projets cotés au total (soit 2,5 % de tous les projets cotés) à l’Île-du-Prince-Édouard, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut161, répartis comme suit : à l’Île-du- Prince-Édouard, 10 projets; dans les Territoires du Nord-Ouest, 6 projets; et au Yukon, 5 projets. La Police fédérale n’a mené aucun projet coté au Nunavut entre 2013 et 2021 Note de bas de page 162 .
Projets non cotés
84. La Police fédérale investit aussi temps et efforts dans des activités qui n’atteignent pas le seuil voulu pour en faire des projets cotés. Il peut s’agir d’enquêtes, mais les activités peuvent également consister en d’autres tâches policières (appels de service et assistance, par exemple). Parmi les principales activités menées par la Police fédérale entre 2013 et 2021 qui ne sont pas des projets cotés, mentionnons les suivantes : prêter assistance aux partenaires policiers canadiens et aux ministères ou organismes fédéraux; réprimer les infractions à la Loi sur les douanes; remplir des dossiers d’information; prêter assistance aux bureaux d’INTERPOL à l’étranger et au grand public; établir des sources humaines; donner suite aux dossiers relatifs à des personnes, des véhicules ou des biens suspects; enquêter sur des dossiers liés à la pornographie juvénile; et assurer la sécurité de personnes de marque.