Chapitre 4 : Partenariats de la Police fédérale: tendances
Rapport spécial sur le mandat de la Police fédérale de la Gendarmerie royale du Canada
85. La Police fédérale collabore avec de nombreux partenaires tant au pays qu’à l’étranger. Son mandat et ses responsabilités font en sorte qu’elle échange fréquemment avec ses alliés et des organisations de la police internationale, d’autres ministères et organismes et des services de police et des organismes de l’application de la loi canadiens. Ces relations contribuent aux enquêtes et à la sécurité publique et appuient la coopération internationale.
86. La Police fédérale coopère avec ses partenaires sur toutes les questions opérationnelles, stratégiques et administratives qui relèvent de sa compétence. Sa collaboration dans le domaine de la sécurité nationale comprend le travail lié à l’inscription des entités terroristes, à l’extrémisme violent à caractère idéologique, aux enquêtes extraterritoriales et à la sécurité entourant les élections. La collaboration relative au crime transnational grave et organisé comprend le travail lié à la criminalité financière, aux armes à feu illégales, à la traite de personnes, au trafic international de stupéfiants, à l’intégrité des frontières et aux communications sécurisées renforcées. Enfin, pour ce qui est de la cybercriminalité, la collaboration comprend le travail lié aux réseaux de zombies, à la perturbation de l’infrastructure et aux rançongiciels Note de bas de page 163 .
Internationaux
87. La Police fédérale est un membre actif d’organisations internationales comme le Groupe des cinq, INTERPOL et Europol Note de bas de page 164 . Des trois, son travail avec le Groupe des cinq est particulièrement important et se déroule principalement au sein du Groupe des cinq en matière d’application de la loi (FELEG). Ce groupe est composé du Federal Bureau of Investigation, de la Drug Enforcement Administration et de l’Immigration and Customs Enforcement des États-Unis, de la National Crime Agency et du service de police métropolitain du Royaume-Uni, de l’Australian Criminal Intelligence Commission et de la Police fédérale australienne, et de la police de la Nouvelle-Zélande Note de bas de page 165 . Le rôle du FELEG est de faciliter l’échange d’informations et de renseignements et les enquêtes criminelles mondiales. Il définit son orientation stratégique par un consensus. Sa présidence change tous les deux ans et est actuellement occupée par le commissaire de la Police fédérale australienne Note de bas de page 166 .
87. La Police fédérale participe à plusieurs groupes de travail du FELEG. On compte parmi ceux-ci le groupe consultatif du renseignement criminel (Criminal Intelligence Advisory Group) qui se consacre au crime organisé et aux opérations liées à la drogue, le groupe sur le blanchiment d’argent (Money Laundering Group), le groupe de travail sur la cybercriminalité (Cyber Crime Working Group) qui s’emploie à démasquer les cybercriminels expérimentés et les services criminels sophistiqués, et le groupe de travail technique (Technical Working Group) qui facilite l’échange technique d’informations Note de bas de page 167 .
89. La Police fédérale maintient aussi des partenariats internationaux dans le cadre de son Programme sur les initiatives mondiales et le Programme de la police internationale. Établi à la Direction générale de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Programme des initiatives mondiales affecte, dirige et soutient 14 analystes du renseignement criminel partout dans le monde pour accroître la visibilité, la portée et l’influence de la GRC. Alors que la majorité des analystes se trouvent dans des missions canadiennes de pays triés sur le volet, trois sont intégrés dans les locaux de partenaires stratégiques à Washington, D.C. (Drug Enforcement Administration), à La Haye, aux Pays-Bas (Europol), et à Canberra, en Australie (Police fédérale australienne) Note de bas de page 168 .
90. Dans le cadre du Programme de la police internationale, la Police fédérale contribue à renforcer la capacité des forces policières à l’étranger. Elle prête souvent main-forte en donnant des cours sur des sujets comme les techniques d’enquête sur le blanchiment d’argent, la lutte contre l’extrémisme violent, les bases de la cybercriminalité, les techniques d’interrogatoire liées à l’exploitation des enfants et les bandes de motards criminalisées. Elle a offert ces cours dans divers pays, notamment le Mali, la Cisjordanie, l’Irak, la République centrafricaine et Haïti Note de bas de page 169 . La Police fédérale entretient aussi une foule de partenariats internationaux par l’entremise de son Réseau international, établi au sein du Programme de la police internationale. Le Réseau est composé d’agents de liaison et d’analystes civils à l’étranger qui facilitent l’échange d’informations avec les services d’application de la loi de l’étranger, dans le but de perturber le crime transnational ayant un lien avec le Canada. En particulier, le Réseau international : facilite les enquêtes canadiennes majeures à l’étranger, met en place et maintient l’échange de renseignements criminels et liés à la sécurité nationale entre la GRC et les autorités étrangères compétentes, fournit de l’aide aux organismes de l’étranger dans les enquêtes qui se rapportent au Canada, et coordonne les voyages des enquêteurs de police canadiens qui se rendent à l’étranger dans le cadre de leurs fonctions et leur apporte du soutien Note de bas de page 170 .
91. La Police fédérale travaille avec INTERPOL et Europol. Sa participation dans INTERPOL lui permet d’échanger des informations avec les 195 pays membres d’INTERPOL et de recueillir des informations sur des personnes ou des groupes du crime par l’entremise des bases de données criminelles améliorées d’INTERPOL. La Police fédérale participe à certains des projets menés par INTERPOL, comme un projet mixte d’INTERPOL et de l’Italie pour combattre ‘Ndrangheta, un groupe du crime organisé italien ayant des liens avec le Canada. La Police fédérale s’investit aussi dans Europol. En effet, elle a affecté des ressources à Europol pour lutter contre le passage de clandestins, la traite de personnes et la cybercriminalité. Elle contribue aussi à Europol sur les questions des combattants terroristes étrangers et de l’EVCI, des crimes de guerre et de la corruption, ainsi que sur les grands dossiers de blanchiment d’argent, notamment ceux liés à la cryptomonnaie et aux sanctions découlant de l’invasion de la Russie en Ukraine. La Police fédérale estime que sa participation dans Europol apporte des avantages considérables en raison de la valeur des informations échangées et des relations étroites dans le milieu de travail Note de bas de page 171 .
92. Enfin, la Police fédérale entretient des relations avec différents partenaires de l’application de la loi à l’échelle internationale. Elle a conclu plus de 300 protocoles d’entente avec ces partenaires dans le but de développer des partenariats, de tisser un lien de confiance et d’établir des objectifs communs sur les questions policières Note de bas de page 172 .
Nationaux
93. Au Canada, la GRC, et la Police fédérale en particulier, travaille avec un certain nombre de partenaires. La GRC a conclu des protocoles d’entente avec de nombreux ministères et organismes gouvernementaux, notamment le ministère de la Défense nationale, Affaires mondiales Canada, l’Agence du revenu du Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, Santé Canada, Transports Canada, Environnement et Changement climatique Canada, le Service correctionnel du Canada, le Bureau du Conseil privé, le Service de protection parlementaire, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
94. Bon nombre de ces relations comprennent des lignes directrices prévoyant que la GRC mène des enquêtes criminelles dans les secteurs relevant de ces ministères ou organismes. La GRC participe aussi à plusieurs groupes de travail gouvernementaux, y compris le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Elle figure aussi parmi les organismes d’enquête liés à l’examen des investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale, au titre de la Loi sur Investissement Canada.
95. L’un des plus importants partenariats nationaux de la Police fédérale est avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Le Service est chargé de mener des enquêtes sur les menaces pour la sécurité du Canada, et les deux organisations travaillent souvent en parallèle sur des dossiers liés à la sécurité nationale, comme l’extrémisme violent et l’espionnage. Pour faciliter ce travail, la GRC et le SCRS ont élaboré le cadre Une vision, qui se veut un plan pour éviter les conflits et orienter l’échange d’informations lors des enquêtes auxquelles les deux organisations participent. Le cadre Une vision a vu le jour en 2012 et a fait l’objet de deux mises à jour depuis. La première a eu lieu après les modifications de 2015 au Code criminel et à la Loi sur le SCRS qui ont permis au SCRS d’employer des mesures de réduction de la menace. La version en vigueur, soit Une vision 3.0, a été approuvée en novembre 2021. Elle tient compte des recommandations tirées d’un examen indépendant sur la relation réalisé en 2019. Les deux organisations ont indiqué qu’elles devaient [traduction] « adapter leur culture pour reconnaître que la poursuite n’est plus “la voie idéale” de la réduction des menaces, car de nombreuses menaces ne se prêtent pas à une poursuite criminelle ou qu’une telle poursuite ne représente pas la mesure de gestion de menace la plus efficace Note de bas de page 173 ».
96. Le cadre Une vision est composé de deux grands éléments : la résolution des conflits et la divulgation d’informations. Penchons-nous d’abord sur le premier élément. La résolution des conflits entre la GRC et le SCRS a lieu sur le plan stratégique et le plan tactique. La résolution stratégique des conflits se fait entre l’Administration centrale du SCRS et la Direction générale de la GRC et ce, dans moult contextes, notamment les enquêtes parallèles, les pistes et les mesures de réduction de la menace proposées par le SCRS. Pour ce qui est de la résolution tactique des conflits, ce sont les régions du SCRS et les divisions de la GRC qui résolvent les conflits dans le contexte d’enquêtes parallèles, de l’examen par le SCRS de listes d’entrevues de la GRC et du déploiement d’équipes de surveillance Note de bas de page 174 .
97. Le deuxième élément du cadre Une vision est la divulgation d’informations. Le SCRS divulgue des informations à la GRC pour appuyer ses enquêtes et dans le contexte de litiges, de poursuites criminelles ou d’autres procédures judiciaires Note de bas de page 175 . Entre 2012 et 2021, le SCRS a divulgué des informations à la GRC au moyen de lettres de divulgation et d’information. En gros, une lettre de divulgation contient une piste d’enquête qui ne peut servir d’élément de preuve, et une lettre d’information contient des informations que la GRC peut utiliser pour demander une autorisation judiciaire, comme un mandat de perquisition. Au total, le SCRS a envoyé à la GRC 201 lettres de divulgation et 36 lettres d’information entre 2009 et avril 2021 Note de bas de page 176 . Il y a six types de lettres d’utilisation et chaque lettre est assignée une de trois mises en garde qui reflètent les attentes du traitement de l’information du SCRS Note de bas de page 177 .
98. En pratique, le cadre Une vision exige une collaboration étroite entre le SCRS et la GRC. Lorsque des enquêtes avancent, les deux organisations établissent une stratégie pour assurer une coordination et la résolution des conflits. Elles tiennent ensuite des réunions du cadre Une vision où elles échangent des informations pour mieux comprendre les menaces, connaître les acteurs impliqués et s’entendre sur la façon de gérer ou d’atténuer les menaces.
99. Le 3 février 2023, des représentants du SCRS ont informé le Comité sur la relation de l’organisation avec la Police fédérale. Ils ont indiqué que le cadre Une vision 3.0 avait profité grandement au partenariat entre le SCRS et la GRC. Ils ont souligné particulièrement l’amélioration du processus décisionnel et la réduction du chevauchement des opérations, des avis juridiques rapides et prudents, et une communication accrue d’informations du SCRS. L’une des mesures de la réussite de la relation entre le SCRS et la GRC est leur collaboration dans le cadre Une vision. Entre avril 2021 et mars 2022, la Division de l’antiterrorisme du SCRS et la GRC ont engagé 146 discussions conformément au cadre Une vision. En conséquence, le SCRS a envoyé 45 lettres d’utilisation à la GRC Note de bas de page 178 . Il s’agit là d’une augmentation par rapport aux années précédentes, quoique bien des facteurs pourraient expliquer cette augmentation, notamment la pandémie de COVID-19. Des données supplémentaires sont nécessaires pour évaluer de façon appropriée l’efficacité du nouveau régime des lettres d’utilisation Note de bas de page 179 .
100. Cela dit, l’échange d’informations n’est souvent que le commencement de la coopération dans le cadre d’une enquête. En 2019, la Police fédérale a proposé un modèle s’appuyant sur un projet similaire au Royaume-Uni visant à faire le tri des informations et des renseignements et à déterminer quelle organisation, c’est-à-dire la GRC ou le SCRS, était la mieux placée pour prendre la direction des opérations Note de bas de page 180 . Le SCRS et la GRC ont tous deux reconnu que la réussite d’un tel projet repose sur [traduction] « la reconnaissance et la compréhension du mandat, du contexte opérationnel, de la collecte de données et des exigences en matière de conservation, tous uniques, qui sont propres à chaque organisation. Le résultat souhaitable est de créer une unité de tri et de gestion des pistes intégrée qui sera en mesure de faire des évaluations et de résoudre des conflits en temps réel Note de bas de page 181 . »
101. Le cadre Une vision n’est pas une panacée aux défis de longue date de la relation entre le SCRS et la GRC. Par exemple, les deux organisations doivent quand même faire face au dilemme de la conversion des renseignements en preuve ou au débat inhérent entre le besoin de protéger les informations sensibles de la divulgation et le besoin de les utiliser pour appuyer l’application de la loi et maintenir l’équité procédurale dans les procédures criminelles. Elles font aussi toutes deux face à des charges de travail importantes et à un manque de personnel possédant les compétences requises Note de bas de page 182 .
102. Au-delà de ces deux organisations, le projet sur les pistes donnerait aussi lieu à un tri des informations reçues des lignes de dénonciation et des organisations de police de l’étranger comme le Federal Bureau of Investigation Note de bas de page 183 . Une fois ces informations analysées en vue d’en dégager une piste (ou de déterminer s’il y a lieu de mener une enquête parallèle), toute la résolution des conflits se déroulerait conformément au cadre Une vision 3.0 Note de bas de page 184 .
Organismes d’application de la loi au Canada
103. La Police fédérale entretient également des relations avec d’autres services de police compétents au Canada. On compte notamment des services de police municipaux et deux services de police provinciaux, soit la Police provinciale de l’Ontario (OPP) et la Sûreté du Québec.
104. Le 3 février 2023, des représentants de la Police provinciale de l’Ontario et de la Sûreté du Québec ont renseigné le Comité au sujet de la nature de leurs partenariats avec la Police fédérale. Leurs services respectifs collaborent avec la Police fédérale dans les domaines de la sécurité nationale, des services de protection, de la lutte contre le crime grave et organisé, du renseignement, du soutien aux enquêtes et des services de police autochtones. Sur le plan de la sécurité nationale, les deux organisations mènent des enquêtes sur de présumées infractions jusqu’à l’atteinte du seuil de la sécurité nationale. À ce moment, elles transfèrent le dossier aux équipes intégrées de la sécurité nationale (EISN) de la GRC en Ontario et au Québec ou mènent des enquêtes parallèles. Des employés des deux organisations sont également intégrés dans les locaux des EISN de la GRC dans leurs provinces respectives. De plus, la Police fédérale joue également un rôle au sein des sections provinciales de lutte contre le terrorisme. Pour ce qui est du crime organisé, les deux organisations collaborent étroitement avec la Police fédérale dans la Réponse intégrée canadienne au crime organisé (RICCO), la composante opérationnelle de la Stratégie canadienne d’application de la loi pour lutter contre le crime organisé (SCAL). La RICCO a pour mandat de coordonner un plan stratégique de lutte contre le crime organisé ou la grande criminalité par l’intégration des efforts déployés par les services de police canadiens aux niveaux municipal, provincial, territorial et national Note de bas de page 185 .
105. Les représentants de la Sûreté du Québec et de la Police provinciale de l’Ontario ont indiqué au Comité qu’ils travaillent bien avec la Police fédérale et que ces partenariats sont mutuellement avantageux. Ils ont ajouté que la résolution des conflits, la communication et l’échange de renseignements fonctionnent bien et que les mandats et les responsabilités des organisations sont clairement définis et distincts Note de bas de page 186 . La Police fédérale partageait le même avis Note de bas de page 187 .
106. De plus, l’Association canadienne des chefs de police compte plusieurs comités auxquels prend part la Police fédérale, comme le Comité sur le crime organisé, le Comité sur le contre-terrorisme et la sécurité nationale ainsi que le Comité international Note de bas de page 188 .