Rapport spécial sur l'ingérence étrangère dans les processus et les institutions démocratiques du Canada
Rapport annuel 2024

14. Le 3 juin 2024, une version révisée du Rapport spécial sur l'ingérence étrangère dans les processus et les institutions démocratiques du Canada du CPSNR a été déposée aux deux chambres du Parlement. Le rapport a été mis simultanément à la disposition du public sur le site Web du Comité. Il contient huit conclusions et six recommandations.

15. Il s'agit de la troisième fois que le Comité examine l'intervention du gouvernement face aux menaces d'ingérence étrangère. Ce dernier rapport s'appuie sur l'examen plus général réalisé en 2019. Pour éviter le chevauchement, il se concentre de façon restrictive sur la menace précise contre les processus et les institutions démocratiques du Canada comme sous ensemble du vaste problème que représente l'ingérence étrangère.

16. Il est évident pour le Comité que des étrangers continuent de mener des activités d'ingérence au Canada. Les principaux auteurs de menace, y compris leurs motivations, leurs tactiques et leurs techniques, restent essentiellement les mêmes, mais cet examen décrit leur évolution et fournit des exemples de ce que les organismes du renseignement ont signalé dans la période en question. De plus, les mandats et les pouvoirs législatifs des ministères et organismes chargés de répondre à l'ingérence étrangère sont en grande partie inchangés.

17. L'examen a porté sur des renseignements datant du 1er septembre 2018 au 15 mars 2024 et sur dix organisations. À l'appui de l'examen, le Comité a demandé des documents au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), au Centre de la sécurité des télécommunications (CST), à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à Sécurité publique Canada (SP), à Affaires mondiales Canada (AMC) et au Bureau du Conseil privé (BCP). Il s'est également appuyé sur les séances d'information du Secrétariat et les réponses des ministères aux questions écrites. De hauts fonctionnaires ont comparu devant le Comité, parfois à plus d'une reprise.

18. Le Comité a conclu que le gouvernement savait en 2018 que les réformes mises en place dans le cadre du Plan pour protéger la démocratie ne suffisaient pas pour agir sur l'ingérence étrangère dans les processus et institutions démocratiques. En effet, le premier ministre a reconnu publiquement que le gouvernement devait mieux faire le suivi des recommandations précédentes du Comité. Note de bas de page 2 De l'avis du Comité, ce retard a contribué en partie à la crise dans laquelle plusieurs fuites non autorisées de renseignements ont soulevé des inquiétudes importantes au sujet de l'état de l'ingérence étrangère au Canada et dans nos processus et institutions démocratiques.

19. Le Comité souligne que le gouvernement doit s'assurer que les lois suivent l'évolution de cette menace afin de munir l'appareil de la sécurité et du renseignement des outils nécessaires pour répondre à la menace de façon à dissuader les éventuels efforts d'ingérence. Le gouvernement doit définir clairement les seuils de réponse et préciser les rôles et les responsabilités des organes de surveillance en vue de soutenir une réponse cohérente et coordonnée aux cas d'ingérence étrangère, et l'imputabilité des ministres. Le gouvernement doit aussi corriger les failles dans la diffusion, l'évaluation et l'utilisation à l'interne des renseignements et, ce faisant, bâtir une culture dans laquelle les représentants autant que les ministres sont chargés et responsables de déterminer les défis et de prendre des décisions visant à les surmonter.

20. Les obstacles relevés dans le rapport comprennent, les lois désuètes qui gouvernent l'échange de renseignements classifiés, l'absence de mécanismes servant à mobiliser d'autres ordres de gouvernement et les initiatives au point mort visant à informer la population canadienne et d'autres intervenants clés. Le Comité souligne qu'il est impératif d'informer les parlementaires sur la menace. Le rapport attire l'attention sur le rôle important que doivent jouer les parlementaires. Le Comité a demandé aux parlementaires d'examiner minutieusement toutes les conséquences éthiques et légales possibles de leurs rapports avec les représentants étrangers ou leurs mandataires et les exhorte à agir de sorte à diminuer leurs propres vulnérabilités. Une conscience accrue de la menace est nécessaire.

21. Le Comité est encouragé par le projet de loi C-70, qui traite de certaines des recommandations qu'il a formulées. Cependant, il faudra déployer davantage d'efforts pour traiter d'autres enjeux, comme la façon dont la menace est interprétée, la façon dont les rapports sur le renseignement sont diffusés et pris en compte dans les interventions, et la façon dont les menaces sont communiquées aux intervenants vulnérables, en particulier aux parlementaires.

22. Le Comité reconnaît qu'un travail substantiel est accompli au moyen d'autres processus afin de comprendre l'ingérence étrangère dans les processus et institutions démocratiques du Canada. En qualité de comité de parlementaires, le Comité est heureux d'avoir eu l'occasion de soumettre son point de vue sur cette question importante et d'actualité.